vendredi 13 juin 2025

Les libres propos d’Alain Sanders

 Paulo majora canamus…

Alan Seeger, poète et légionnaire de 14-18 : on le réédite et c’est à ne pas manquer !

Un des plus beaux poèmes d’Alan Seeger s’appelle : « J’ai un rendez-vous avec la mort ».  C’est sous ce titre, prémonitoire quand on sait que ce poète américain est mort en France le 4 juillet (jour de la fête nationale américaine) 1916, qu’on peut le retrouver dans un recueil très complet (tout récemment édité aux Belles Lettres), recueil sous-titré  « Le poète de la Légion étrangère » .

Né à New York en 1888, il part vivre avec sa famille – il a alors 12 ans – au Mexique. Il y découvre, par-delà cette Amérique centrale hispanique, une latinité qui le marquera à jamais. Après des études à Harvard, il réalise à 24 ans son rêve : visiter la France. Nous sommes alors en août. En août 1914. C’est la guerre. Alan Seeger voit tous les amis avec lesquels il a noué des liens d’amitié partir au front. S’engager ? Etranger, il ne le peut pas. Reste la Légion.

Une période de formation. A la légionnaire. Et puis, très vite, la montée en ligne. On est loin de la poésie. Il écrit pourtant : « Ce fut là que, fermes anneaux de la chaîne imbrisable où tombe en vain le coup longuement prémédité, cœurs dignes de l’honneur et de l’épreuve, nous aidâmes à maintenir les lignes le long de l’Aisne ».

Nommé caporal, Seeger est, le 4 juillet 1916, face au village de Belloy-en-Santerre. Il faut le reprendre à l’ennemi. Un des camarades de combat de Seeger dira : « Comme il était pâle ! Sa haute silhouette se détachait sur le front vert des champs de blé. Il était le plus grand de sa section, la tête haute, le regard fier. Je le voyais courir, baïonnette au canon… Bientôt il disparut ».

Il n’était « que » blessé. Mais au-delà de nos lignes. On l’entendit un temps chanter, dans la nuit, de vieilles chansons françaises. Et puis le silence. A l’aube, son corps fut retrouvé et enterré non loin de Belloy-en-Santerre reconquise. Mais les bombardements reprirent et ses restes furent dispersés, mêlés à jamais à cette terre de France qu’il avait tant aimée. 

Plus tard, quand les Etats-Unis entrèrent en guerre à nos côtés, ce sont les poèmes d’Alan Seeger qui furent lus dans les bureaux de recrutement. Naguère, pour le cinquantenaire de sa naissance, en 1938, ses poèmes furent lus dans les écoles de France. On y disait « la haute camaraderie de ceux qui, combattant pour le bien d’autrui, nous enseignèrent la dignité d’être des hommes ». Il avait aussi écrit : « Pour que d’autres générations puissent, dans les ans à venir, libres de l’oppression et de la menace, posséder un plus riche héritage de bonheur (…), il faudrait peut-être donner sa vie ».

Dans un square de Paris, un monument perpétue la mémoire des volontaires américains morts pour la France, « avant-garde de l’armée aux bannières fleuries d’étoiles ». C’est Alan Seeger qui fut choisi pour les représenter tous. Dans l’église de Belloy-en-Santerre, une cloche, offerte par son père au village, porte le nom de sa maman.

Alain Sanders




mardi 10 juin 2025

Ce qui séduit l’extrême-droite « collabo » chez Poutine : face à l’Europe, le plus vaste espace jamais constitué de connivences totalitaires


L’attraction hypnotique pour la force : déjà, en son temps, Charles Maurras reprochait avec raison à Robert Brasillach la malsaine fascination des « collabos » de l’époque pour la puissance nazie.

C’est sans doute un semblable phénomène psychiatrique qui affecte (ou plutôt qui infecte) aujourd’hui au sein des ramifications de l’extrême-droite française un certain nombre d’admirateurs de l’abomination poutiniste.

Jamais, depuis l‘empire mongol, n’a été rassemblée une telle bande d’énergumènes s’avisant de dicter leur loi à l’humanité, sous la houlette du néo-tchékiste Vladimir Poutine. Les lister n’est sans doute pas inutile, histoire de faire prendre conscience à certains du danger constitué par leur magma.

-         D’abord, bien sûr, la Russie, avec sa gigantesque étendue de plus de 17 millions de km2. À laquelle rattacher la Géorgie et pour l’instant la Crimée conquise et les portions annexeés du Donbass ukrainien.

-         Ajouter à cela les plus de 8 millions de km2 de la Chine « immense et rouge » (comme disait Mao) de Xi Jinping avec sa population de plus d’un milliard quatre cents millions d’habitants. Xi, « le plus grand ami de la Russie », comme proclamé par Poutine.

-         Ajoutons encore la Corée du Nord de Kim Jong Un, non seulement puissance nucléaire mais vivier de troupes à envoyer se faire massacrer par les admirables ukrainiens envahis qui se battent depuis plus de trois ans à moins d’un contre dix.

-         N’oublions pas, en Amérique latine : Cuba, le Venezuela, le Nicaragua et le Honduras, États totalitaires de la lignée castriste, ni en Afrique ceux conquis par le nouvel « Africa Corps », tant voulu par Poutine, si admirateur de toutes les stratégies nazies d’Anschluss, en Autriche, en Pologne comme dans les Sudètes.

-         Enfin venons-en, pour terminer cette recension des États de poutino-dépendance de par le monde, à l’Iran chiite si lié à Moscou et à toutes les ramifications internationales de l’islamo-gauchisme, de la France aux Houthis yéménites.

Pour conclure, bravo donc à tous les admirateurs en France de Poutine, de Xi, des Kim et des autres. Et n’oublions pas enfin, chez nous en Occident, le plus fasciné à ses heures des poutino-fascinés, à savoir Donald Trump, selon ses moments et ses humeurs.

lundi 2 juin 2025

Guerre et paix

•    Guerre

Au moment où l’on venait d’apprendre que Poutine renforçait ses troupes sur le flanc nord-est de l’Otan, c’est-à-dire essentiellement face à la Finlande et aux pays Baltes, tombait la nouvelle que les Ukrainiens, qui ne baissent pas les bras, venaient ce dernier samedi de mener une extraordinaire opération de destruction de bombardiers russes jusque dans les confins de la Sibérie.

Quarante-et-un appareils auraient été ainsi détruits, soit 34 % de leur nombre total. À ce jour la Russie n’a apporté aucun démenti. Les Ukrainiens ont frappé des bases russes depuis celle d’Olenia à 1 900 kilomètre de leur frontière, jusqu’à Belaï à 4 300 kilomètres.

Volodymyr Zelensky a révélé que cette opération a nécessité plus de dix-huit mois de préparation.

Plus que jamais devrait donc s’imposer la nécessité d’un « cessez-le-feu » mais Poutine en veut-il ? On peut lire ce jour dans les médias qu’en Russie, les « cercles patriotiques », dénomination qui recouvre une multitude d’organisations et de clubs, sont opposés à tout compromis en Ukraine. Reste à savoir si Trump a la volonté de faire pression sur ce dernier pour que soit mis un terme à la guerre déclenchée voilà bientôt plus de trois ans, dite « opération militaire spéciale » que la propagande russe annonçait devoir être menée en moins d’un mois.

Bien sûr Poutine se sait fort de ses alliances avec la Chine de Xi, avec la Corée du Nord de Kim, avec l’Iran islamiste, avec le Cuba castriste et le Venezuela des Chavez et Maduro et tous autres pays conquis en Afrique et ailleurs.

La paix dans le monde n’est semble-t-il décidément pas pour tout de suite.

•    Paix

Le pape Léon XIV pour sa part, vient d’exhorter les évêques de France à développer « un nouvel élan missionnaire à travers l’hexagone ». Ce que l’on peut lire dans sa missive spirituelle renforce l’évidence que l’on n’est plus, avec ce pape, dans un registre principal de préoccupations politiques ou sociales, encore moins dans celui de la théologie de la Libération.

Il écrit : « J’invoque l’intercession de saint Jean Eudes, de saint Jean-Marie Vianney et de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face pour votre pays et pour le peuple de Dieu qui pérégrine courageusement, sous les vents contraires et parfois hostiles de l’indifférentisme, du matérialisme et de l’individualisme. Qu’ils redonnent courage à ce peuple, dans la certitude que le Christ est vraiment ressuscité, Lui le Sauveur du monde. » Il ponctue : « Ces trois saints sont assurément des maîtres dont je vous invite à faire sans cesse connaître et apprécier la vie et la doctrine au peuple de Dieu. »

On peut lire encore : « Célébrer le centenaire de canonisation de ces trois saints, c’est d’abord une invitation à rendre grâce au Seigneur pour les merveilles qu’il a accomplies en cette terre de France, durant de longs siècles d’évangélisation et de vie chrétienne ». Il insiste : « Cet héritage chrétien vous appartient encore, il imprègne encore profondément votre culture et demeure vivant en bien des cœurs ».
 

samedi 31 mai 2025

Les libres propos d’Alain Sanders

Tout en continuant à enfumer les Occidentaux,
Poutine va activer une offensive d’été de grande envergure

Multipliant les annonces de façade, évoquant de probables négociations, un éventuel cessez-le-feu, des rencontres possibles à venir, voire un hypothétique arrêt des combats, Poutine – qui ne cesse ainsi de gagner du temps et de se refaire la cerise – prépare à bas bruit (mais plus rien ne reste secret de nos jours) une offensive majeure contre l’Ukraine. Cet été.


Dans la région au nord de Soumy, plus de 50 000 soldats russes sont massés. A ceux qui, en Europe, s’interrogent sur cet agglomérat imposant, Moscou fait répondre qu’il ne s’agit de rien d’autre que des soldats qui sont intervenus pour chasser les Ukrainiens de l’oblast de Koursk. Au vrai, ces unités (au sein desquelles se trouvaient des Nord-Coréens) ont largement été laminées et les survivants ont été ramenés vers l’arrière (plus près de Koursk que de la frontière russo-ukrainienne). Selon nos sources, ce sont donc des troupes fraîches qui ont été acheminées et qui seront redéployées sur le front nord-est. Avec deux objectifs : tenir la frontière pour interdire, façon Koursk, toutes nouvelles incursions ukrainiennes ; renforcer le front du Donbass où, malgré des communiqués de victoire à répétitions, Moscou piétine depuis des mois.


Les experts galonnés d’un autre âge, qui sévissent sur les plateaux des télés d’info continue où ils ont leur rond de serviette, ratiocinent à longueur d’émissions. Et nous assurent péremptoirement que « Moscou n’a pas les moyens d’attaquer Soumy et Kharkiv ». Ils ont tort. Poutine, humilié et traumatisé par la percée ukrainienne dans l’oblast de Koursk, a juré qu’on ne l’y prendrait plus. D’où l’ordre de mettre le paquet sur ces deux oblasts ukrainiens. Pour mettre en place cette « zone-tampon » qu’il a annoncée aux Russes la semaine dernière. Ce que soutient à raison le colonel Peer de Jong (est-ce parce qu’il n’est « que » colonel qu’il est souvent plus lucide que la palanquée de généraux à la retraite ? Va savoir…) : « On peut penser que Moscou va tenter d’étendre cette zone tout au long de la frontière, jusqu’à la Biélorussie ».

Une stratégie qui va contraindre une grande partie des forces ukrainiennes à se maintenir dans ces régions. Au détriment du sud (où la relève se fait attendre : mais Kiev ne peut y envoyer des hommes qu’elle n’a pas). Peer de Jong : « La Russie pourrait menacer au nord-est pour, en fait, taper plus fort dans le Donbass en vue de s’en emparer entièrement ». Ce qui serait loin d’être gagné : depuis fin 2022, Moscou n’a pas gagné un pouce de terrain et les Ukrainiens, désormais largement dotés de drones (qu’ils produisent eux-mêmes et en nombre), assurent une défense efficace. Qui coûte cher aux Russes en hommes et en matériels. Ce qui ne freine cependant pas Poutine qui met une partie de ses espoirs – c’est-dire où en est rendue la « glorieuse » Russie – dans les approvisionnements massifs envoyés d’Iran, de Chine, de Corée du Nord.


Pendant ce temps, l’Europe continue de traîner des pieds. Et ce ne sont les feintes colères à éclipses de Trump à l’égard de Poutine qui sont de nature à rassurer Zelensky. Non seulement Poutine n’est pas impressionné, mais il multiplie les attaques quotidiennes de drones contre les populations civiles en Ukraine. Kiev veut encore croire que si une attaque massive était lancée prochainement, les États-Unis enverraient des armes comme naguère et réactiveraient leurs services de renseignement qui n’ont cependant jamais été coupés, mais ralentis (parfois dangereusement).


L’Ukraine a besoin de 100 000 hommes pour tenir toute la ligne de front. Dans le même temps que la Russie, guère ménagère quant à la vie de ses combattants, peut recruter quasiment à l’infini de la chair à canon. Ce que Poutine ne peut empêcher en revanche, c’est que Kiev continue de frapper Moscou et sa région, minant ainsi le moral d’une population empoutinisée à qui l’on a vendu le mythe d’une Russie inexpugnable. Au point de créer un sentiment de rébellion ? C’est une autre histoire.

Alain Sanders

mercredi 28 mai 2025

Les libres propos d’Alain Sanders


 


« Malheur à toi, pays, dont le prince est un enfant » (Ecclésiaste 10 : 16-18)

 

L’image – qui a fait le tour du monde – est devenue virale (comme on dit). La première dame de France, la cougar Brigitte Macron, qui file une torgnole à son Emmanuel de mari… Pas une pichenette, mais un vrai petit uppercut porté au menton d’un Macron ébahi (sinon estourbi).

Ce n’est déjà pas banal. Ce qui l’est encore moins, c’est que cette scène (de ménage ?) a été saisie (et immortalisée), à l’arrivée du couple à Hanoï en avion, par les caméras de l’Associated Press.

Piteusement surpris d’avoir été surpris dans une telle situation, on voit Macron tenter de se ressaisir et esquisser un signe de la main qu’il veut rassurant. Tout va bien, m’ssieurs-dames, et rien de ce que vous avez vu ou cru voir n’a vraiment eu lieu…

Le problème, c’est que cette invraisemblable embrouille conjugale – quand on est en visite officielle et censé représenter la France, ça la fout mal – s’est poursuivie sur la passerelle de descente de l’avion : on voit Macron proposer son bras à Brigitte (c’est d’usage pour les couples présidentiels) et cette dernière délibérément ignorer le bras proposé et descendre toute seule comme une grande, au risque de ses talons aiguilles.

On nous dira – certains l’ont fait (les journaux, à la différence des chaînes d’info continue, ont préféré observer sur le sujet une discrétion de violettes) – qu’il n’y a pas de quoi en faire un fromage. Eh bien, ils ont tort.

D’abord parce que, dans un premier temps, l’Élysée et Macron se sont livrés à des démentis pathétiques. Parlant d’une fake news, d’un montage via l’IA (cette Intelligence Artificielle à laquelle s’est récemment prêté Macron, acceptant d’être représenté de façon équivoque), d’un « coup des Russes » (on a assez de trucs à leur reprocher, inutile de charger faussement la mule…).

Face à la réalité des faits – capturés redisons-le par la très professionnelle Associated Press – il a fallu se rendre à l’évidence : Macron s’est fait morniflé, urbi et orbi, par son épouse (pourquoi ? l’avenir nous le dira peut-être). Ce qui nous a valu une autre séquence incroyable – et inédite à ce jour – d’un président de la République française, venu au Vietnam pour la première fois et pour dégoter de juteux marchés et des échanges économiques ejusdem farinae, se livrant, devant des journalistes un brin interloqués, à des explications amphigourées. Une scène de ménage ? Non : des chamailleries, un gentil chahut de potaches, des taquineries presque amoureuses…

Nous on veut bien. Mais une scène de cette sorte où l’on voit une femme filer un pain à son conjoint ne relève pas d’une relation ordinaire. Surtout quand il ne s’agit pas de M.et Mme Michu, mais du chef de l’Etat et de son épouse.

Déjà, du temps que Brigitte était professeur de lettres et commençait à se pencher sur les tropismes de son élève, Emmanuel, alors âgé de 15 ans, une taloche publique aurait été sanctionnée par l’Education nationale.

Un homme battu, Macron ? Sans doute pas. Mais un petit garçon, à peine sorti des mains de sa mère pour passer à celles d’une femme aussi âgée que sa mère, peut-être. D’où un manque flagrant de maturité, un narcissisme exacerbé, une forme d’exhibitionnisme qui le pousse à se déguiser dès qu’il le peut, un goût prononcé pour les êtres interlopes et les spectacles border line. Il n’est jamais à la hauteur de sa fonction. Il est en perpétuelle représentation.

Ils sont quelques-uns, bourrés de testostérone, gonflés au machisme jusqu’à la caricature, de Trump à Poutine en passant par Erdogan et les nouveaux soudards au pouvoir en Afrique subsaharienne, à avoir pris la mesure de ces failles psychologiques. Ils en usent et en abusent.

« Malheur à toi, pays, dont le prince est un enfant », nous dit la Bible. Malheur à notre pays qui est encore, pour deux ans, entre les mains d’un homme-enfant. Un moutard imbu de soi qui se fait torgnoler par sa femme, non pas dans l’intimité de leur intimité (ce qui les concernerait seuls et personne d’autre), mais au vu et au su de la planète entière.

Le sujet, un couple à la Dubout et des mœurs à la Thénardier, peut faire sourire. Il est hélas révélateur de l’état des lieux. A un point tel que l’hommage ignoble que Macron a rendu (même Hollande ne l’avait pas fait) à Ho Chi Minh, bourreau de nos soldats et des libres peuples d’Indochine, est dans la logique même d’un homme qui n’aime pas la France. Reste qu’il y a encore des baffes qui se perdent (mais pas toutes : la preuve)…

Alain Sanders

 

 

 

 


vendredi 23 mai 2025

Les libres propos d'Alain Sanders

 


Les libres propos d'Alain Sanders

Pour le centenaire de Jean Raspail, une biographie bourlingueuse de Philippe Hemsen : Jean Raspail, aventurier de l'ailleurs (Albin Michel)  

En 2022, Philippe Hemsen, un raspalien (bien que Raspail eût récusé cet étiquetage lui qui a interdit la création, après sa mort, d'une éventuelle  « Association des amis de Jean Raspail ») de l'espèce amoureuse, publiait chez Albin Michel un recueil de textes de l'auteur du Jeu du roi sous le titre de Petits éloges de l'ailleurs : articles de presse, récits de voyages, critiques littéraires, réflexions, souvent épars et méconnus.

A l'occasion du centenaire de la naissance de Raspail (1925-2020), il propose une biographie (la première), Jean Raspail, aventurier de l'ailleurs, qui aurait enchanté l'auteur de En canot sur les chemins d'eau du roi. Car tout commence par une aventure et un exploit sportif jamais répétés à ce jour.

En 1949, Jean Raspail a 23 ans. Et un rêve : descendre – en canoë – de Trois-Rivières, au Québec, jusqu'à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Via les Grands Lacs et le Mississippi. Ils étaient quatre sur ces chemins d'eau. Dans deux canoës : le Huard (équipage Jean Raspail et Philippe Andrieu) et le Griffon (équipage Yves Kerbendeau et Jacques Boucharlat). Nom de l'opération : « Mission Marquette ». Tout cela, qui doit déjà beaucoup à l'onirisme raspalien, demande quelques explications.

Le nom des canoës d'abord. Huard : c'était le nom du canot d'un vieux coureur de bois, Moïse Cadorette, et le nom du plongeon d'un des oiseaux emblématiques du Canada (au printemps, son vol indique le nord). Griffon : nom du galion – un bateau de quarante-cinq tonneaux – que Cavelier de La Salle lança en amont du Niagara. Emblématique lui aussi : ce fut le premier vaisseau à naviguer sur les Grands Lacs en battant pavillon du roi de France.

Mission Marquette : référence – et révérence – bien sûr au missionnaire français Jacques Marquette (1637-1675) arrivé au Canada (notre Canada à l'époque) en 1666. Avec le commerçant Louis Joliet, il avait entrepris en 1673 une expédition qui l'amena à la découverte du Mississippi qu'il descendit jusqu'à son confluent, l'Arkansas.

Belle idée et grand défi : partir sur ses traces et ne rien manquer de ce qui pouvait rappeler l'épopée de cette « Robe noire » (c'est ainsi que les Amérindiens appelaient les jésuites). Du Raspail encore : un montreur de rêves, pétri d'amours, de fidélités, de piété filiale. Des milliers de kilomètres sur deux esquifs à la fortune de lacs grands comme des mers, de rapides meurtriers, de fleuves démesurés. Pour avoir naguère traversé le seul lac Wakinacongué en Mauricie (Québec) et m'être retourné avec armes et bagages dans des eaux noires comme le péché, je reste encore estomaqué de ce périple de plusieurs semaines dans un univers hostile et compliqué.

Philippe Hemsen ne manque pas de souligner l'intérêt que Raspail portait aux Amérindiens (on disait les Peaux-Rouges de mon temps...) auxquels il a consacré deux livres et des reportages pour « Connaissance du monde ». La seule évocation de leurs noms l'enchantait : les Ouatouiais, les Biloxis, les Kaskasias, les Péorias, les Missouris, les Osages, les Cahokias, tous ceux-là qui s'étaient engagés aux côtés des Français contre les Anglais. Raspail : « Pour la première fois de leur histoire, les Indiens se donnèrent un drapeau. C'était l'étendard fleurdelysé d'or des rois de France que les colporteurs bois-brûlés, ces métis admirables de Français et d'Indiens, distribuaient aux tribus ».

Sudiste de cœur et d'esprit, il évoquait avec une même affection les Cherokees, les Chikasaws, les Choctaws, les Creeks, les Osages, les Séminoles, qui s'étaient battus sous le drapeau confédéré adorné de la croix de Saint-André. Les Cherokees – qui avaient leur propre drapeau (j'en ai un dans mon bureau) avec l'inscription Cherokees Braves – eurent un général amérindien, Stand Watie, qui continua de se battre plusieurs semaines après que Lee se fût rendu.

Quand Raspail racontait l’opéra de notre monde, dans ces moments d’amitié et de confiance autour de liqueurs écossaises entre rêve et réalité, on était dans Au cœur des ténèbres, dans Fitzcaraldo, dans Aguire. Et les noms chantaient qui jalonnaient notre Amérique : Bourbon-Sainte-Geneviève, Prairie du Rocher, La Nouvelle-Chartres, La Rivière-aux-Vases, Belle-Fontaine, Cap Cinq-Hommes, L'Isle-aux-Ails, La Saline, Cabaret...

Au long de cette descente du « Père des Eaux », l'éternel Mississippi, Raspail prendra possession d'un îlot grand comme un terrain de tennis. Il va le baptiser « Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle ». Il n'a pas choisi ce patronage au hasard : Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, au coin de la rue du même nom et de la rue de la Lune, dans le IIe arrondissement de Paris, était sa paroisse d'adoption. Des scouts y avaient leur local au 12, rue de la Lune. Et Raspail fut leur chef de troupe pendant trois ans, jusqu'en 1947. Philippe Hemsen nous dit tout de cette période formatrice (il y consacre de belles pages) qui explique, elle aussi, elle surtout peut-être, Raspail.

A noter – et ce n'est pas rien – que cette église conserve la chasuble que revêtit, le 21 janvier 1793, dans la prison du Temple, l'abbé Edgeworth de Firmont, prêtre insermenté irlandais, pour célébrer la dernière messe de Louis XVI. Raspail aimait à raconter cette histoire. Et la tentative du baron de Batz et de cinq gentilshommes (ils y laissèrent leur vie) pour arracher le roi aux dix mille soldats mobilisés sur le parcours et autour de l'échafaud... « J'ai toujours eu la tête farcie, disait-il, de nobles aventures périmées, les croisades, le roi-lépreux adolescent se faisant porter en litière au plus fort de la bataille, les chevaliers au siège de Malte, la mort de Montcalm, M'sieur de Charette, les saints-cyriens en gants blancs, le Père de Foucauld, le Prince Eric... » Il ajoutait :

        Quand les convictions tournent à vide parce qu'on est débordé de toutes parts et qu'on ne distingue plus aucun moyen de les voir un jour s'imposer, il faut les habiller d'attitudes tranchées. Cela est un jeu.

Toux ceux qui ont gardé l'esprit d'enfance (les autres ne nous intéressent pas) le savent : il n'est rien de plus sérieux qu'un jeu. Baisser les bras ? Et que dirait Jacques de Chambly, officier du roi, qui avec vingt soldats à mousquet, des coureurs de bois et une cinquantaine de Hurons, résista jusqu'au bout à une nuée d'Anglais et d'Iroquois dans un fort qui porte aujourd'hui son nom ? Et que dirait Madeleine de Verchères, 14 ans, qui en 1692, avec ses frères Pierre et Alexandre (12 et 8 ans), un vieux domestique, deux soldats de la milice (qui se carapateront) et trois femmes, sauvera le fortin assiégé par les Iroquois pendant que son père, un ancien du régiment de Carignan, était à Montréal ? Et que penseraient les héros de L'Ile bleue, ce roman fondateur dont Philippe Hemsen souligne avec justesse l'importance dans l'imaginaire raspalien ?

Raspail savait tout ça par cœur. Et mieux : avec le cœur. Où qu'il ait voyagé, il n'était jamais « de passage ». Il était un descendant, un héritier, un fils. Un homme qui, toute sa vie se sera souvenu des Hommes. Et d'abord des plus menacés dans leur identité et leur survie.

Jean-Baptiste Perrault, coureur de bois, voyageur et marchand pour la Compagnie du Nord-Ouest, écrivit dans son journal : « Les sauvages m'avaient donné le nom d'écrivain, ce qu'ils ont coutume de faire à tous ceux qu'ils voient écrire ». Raspail écrivain, mais à égalité, comme il a demandé que ce fût inscrit sur sa tombe, explorateur.

Il convient encore de lui donner les titres de passeur de rêves et de passeur d'âmes. Ce nautonier, ce nocher, cet engagé du Grand Portage, n'aura jamais cessé de nous raconter de belles histoires pour nous consoler d'un temps où l'on ne sait plus rien des héros de la Plus Grande France. Paradis perdus, paradis retrouvés, longues et lentes litanies de ces fortins laissés outre-Atlantique par les nôtres comme les pierres du Petit Poucet : Fort Saint-Charles, Fort Maurepas, Fort La Reine, Fort Dauphin, Fort La Corne. Longues et lentes litanies de ces harkis du Nouveau Monde eux aussi abandonnés : Nez-Percés, Gros-Ventres, Corbeaux, Cris, Cœurs d'Alène...

Mais qui se souviendra des Hommes quand il n'y aura même plus sept cavaliers braves pour quitter la ville au crépuscule par la porte de l'ouest qui n'était pas gardée ? Peut-être, après nous, grâce à Raspail et à son biographe, Philippe Hemsen, pétri de piété filiale, nos enfants, nos petits-enfants et les enfants de nos petits-enfants...

Alain Sanders

Pour le centenaire :

        Réalisé par les Patagons du Cercle de l'Inutile, avec François Tulli à la manœuvre, un superbe volume avec toutes les éditions des livres de Raspail (depuis Terre de feu, Alaska en 1952). Des photos inédites, une bibliographie établie de la main même de Raspail, des recensions multiples, le « jeu du roi » en images, etc. A commander à : François Tulli, Chancellerie de Patagonie, 20, avenue de Lowëndal, 75015 Paris.

Trois rééditions :

Bienvenue honorables visiteurs (paru chez Julliard, en 1958, sous le titre Le Vent des pins). Magistralement illustré par Emma La Maôve. Editions Les Sept Cavaliers.

Les royaumes de Borée (Albin Michel).

Armand de La Rouërie, l' «autre héros » des deux nations (Dualpha Editions, BP 20045, 53120 Gorron).

Pour l’Ukraine, face aux russes « Pas d’autre choix que la liberté ou la mort ».

 

C’est sous ce titre que l’on pouvait lire ce jeudi 22 mai dans la page Opinions du Figaro un article de l’essayiste Edouard Tétreau, d’abord émouvant puis percutant.

Émouvant, car commençant selon son auteur dans le silence de l’abbaye de Lérins par un propos du père « Alex », membre de l’Église gréco-catholique d’Ukraine persécutée par les russes depuis Staline, Église honnie aujourd’hui en Russie poutinienne par l’Église du patriarcat de Moscou dirigée par le patriarche Kirill, âme damnée de Vladimir Poutine, comme lui ancien officier du KGB.

Le père Alex était accueilli pour un temps de retraite par les moines de Lérins. Tétreau le décrit : « D’une constitution frêle, les yeux embués par les massacres de civils ukrainiens par l’armée russe dans la ville de Tchernihiv dont il a été témoin au printemps 2022 et qu’il me raconte d’une voix douce (missiles sur les hôpitaux et maternités, tirs d’artillerie sur des civils au marché, exécutions sommaires par dizaines). Le père Alex est sans illusion sur ce qui arrivera dans son pays s’il tombe dans les griffes de l’ours russe. Le souvenir de l’Holodomor – l’extermination en 1932-1933 de 5 millions d’ukrainiens par une famine méthodiquement organisée par une Russie stalinienne – est présent dans la mémoire vive ou inconsciente de toutes les familles d’Ukraine. « Que voulez-vous, nous n’avons pas le choix : si nous ne nous battons pas jusqu’au bout, ils nous extermineront ».

Rappelons ici pour notre part que l’élection au siège de Pierre de Léon XIV, fermement défenseur de l’Ukraine, a été perçue comme un don du Ciel par tous les chrétiens de ce pays, qu’ils soient des grecs-catholiques (uniates) comme le père Alex ou des orthodoxes rattachés à l’important patriarcat de Constantinople ou à d’autres Églises, à l’exception du petit reliquat de tenants de l’Église moscovite de Poutine et de Kirill.

Edouard Tétreau rapporte : « Au moment où l’Occident semble vouloir regarder ailleurs ou faire des deals avec l’empire poutinien », « la résistance absolue des ukrainiens à l’envahisseur russe est une alarme puissante ». « Le problème, c’est que, oui, l’Europe s’est réveillée… Mais elle est encore au lit ! », résume le père Alex.

Tétreau évoque les « logorrhées présidentielles toujours plus vides de sens… alors que l’ambassadeur américain auprès de l’OTAN, Matthiew Whitaker, confirmait vendredi dernier que les troupes américaines allaient commencer à quitter l’Europe avant la fin de l’année ».

Il poursuit : « La pantalonnade de la semaine dernière au sommet d’Antalya, suivie de la discussion téléphonique pour rien avec Donald Trump, montre le vrai visage de Poutine : celui d’un prédateur se jouant de tous, faisant semblant de négocier tandis que ses troupes accélèrent l’offensive (au rythme de 1300 morts ou blessés russes quotidiens pour des gains mineurs). Certains esprits un peu indulgents ou manipulés, en Occident, continueront de croire que son offensive s’arrêtera au territoire ukrainien conquis par la force. Mais tout est ruse et manipulation chez cet adversaire de L’Occident et de ses valeurs judéo-chrétiennes, lui qui organisait l’invasion de Marioupol par les milices islamistes de Khadyrov au cri de « Allah Akhbar », ou bombardait et tuait des enfants ukrainiens pour fêter le dimanche des Rameaux ».

Pour la sainte Russie, on repassera !

"Puisque l’on comprend que le conflit ukrainien est parti pour durer – les Russes faisant semblant de vouloir négocier, les Ukrainiens s’interdisant de baisser les armes malgré les oukases et agitations de Donald Trump - acceptons-le pour ce qu’il est : le combat décisif entre l’Occident judéo-chrétien épris de liberté et d’humanisme, et une société violente, où seuls comptent les rapports de force et la verticale du pouvoir permettant l’asservissement.

Dans le monde « slave » - étymologiquement, le monde esclave – il n’y a de la place que pour ceux qui soumettent les autres et ceux qui se soumettent »…

En effet, les menaces d’asservissement poutino-sino-coréennes-iraniennes et autres ne pèsent pas aujourd’hui que sur l’Ukraine. D’autant que le camarade Poutine ne manque chez nous - à l’extrême-gauche comme à l’extrême-droite – ni d’admirateurs ni de nombreux collabos en puissance.