Les libres propos d’Alain Sanders
Ne
virtutes sileantur (1)
A
Perpignan, les nains de l’ultragauche prétendent interdire l’esplanade
Pierre-Sergent !
Il y
a quelques semaines, à Toul (Meurthe-et-Moselle), des officines associatives
d’extrême gauche, le collectif Histoire et Mémoire dans le respect des droits
humains, la Ligue des droits de l’Homme, des partis du même tonneau et des
syndicats du même calibre, avaient prétendu s’opposer à l’érection d’une
superbe statue du général Bigeard, natif de Toul, héros des guerres d’Indochine
et d’Algérie, personnalité éminente de la ville jusqu’à sa mort. La mairie n’a
pas cédé et la statue est désormais en place. Qui ose gagne.
Dans
le sud, le tribunal administratif de Montpellier, saisi (c’est le cas de le
dire…) par un même conglomérat de gauche et d’ultragauche, vient d’annuler – au
moins prétend-t-il le faire – la décision de la mairie de Perpignan de baptiser
une place de la ville du nom de Pierre Sergent. Avec cette mention sur la
plaque : « Esplanade Pierre-Sergent. Résistant Corps Franc Liberté.
Député des Pyrénées-Orientales. 1926-1992 ».
Les
joyeux drilles du tribunal administratif montpelliérain expliquent, sans rire,
que « le choix de cette dénomination (…) a été de nature (sic) à heurter significativement la
sensibilité du public (resic) ».
Le maire de Perpignan, le courageux et fidèle Louis Aliot, a fait bien sûr
appel de cette « décision inique ». On va suivre tout cela de près.
En attendant, rappelons qui fut Pierre Sergent, ce géant poursuivi jusqu’après
sa mort par des nabots idéologiques…
Selon
ses propres termes, Pierre Sergent était né, en 1926, dans une « boîte
capitonnée ». À savoir une famille où les universitaires côtoyaient les
ingénieurs. Une enfance heureuse à Sèvres avec ses deux frères et sa sœur.
Marqué par la débâcle de 1940, vécue à Bergerac, il revient à Paris en 1941 et
suit les cours du lycée Henri-IV.
En
1943, il rejoint le corps franc « Liberté ». Au lendemain du
Débarquement, il intègre un maquis de Sologne et participe à la libération de
Paris. Inscrit à Corniche en 1944-1945, il redonne du lustre à la revue Caso. Il entre à Saint-Cyr. À sa sortie,
en 1949, il choisit la Légion : « Si Saint-Cyr est une tradition, la
Légion est une légende », expliquera-t-il.
Affecté
au 1er REI, il se retrouve à Sidi Bel-Abbès. Dès que possible, il se porte
volontaire pour l’Indochine. Mais on l’envoie à Djidjelli, en Petite Kabylie,
avec le 3e BEP. En 1952, il postule de nouveau pour l’Indochine. Il y
débarquera avec le 1er BEP qu’il définira comme « l’élite de
l’élite ».
Il
arrive à Saigon le 9 avril 1952. Depuis sa création en mars 1951, le
1er BEP est commandé par le capitaine Pierre Darmuzal. Le bataillon est
cantonné à Bach Maï, non loin de Hanoï. Au sein de la 1re compagnie, commandée
par le lieutenant Yves Le Braz, Pierre Sergent prend le commandement de la 1re
section. Elle est majoritairement composée de Vietnamiens.
Le
8 juillet mis à la disposition de la 2e division de marche du Tonkin, sous
les ordres de Cogny, le bataillon est caserné à Trung Xa. Le 13 juillet,
Sergent et sa section se portent à la rescousse d’une patrouille de soldats
vietnamiens tombés dans une embuscade. Il ne reste presque rien de la
patrouille : deux morts, quatre blessés et dix-huit prisonniers. Sergent
réussit à bousculer les Viets et à libérer cinq soldats vietnamiens.
Dans
la nuit du 1er au 2 septembre, il ne doit qu’à sa baraka de n’être pas
tué. La pagode où il se trouve, à Phu Ny Quand Xa, est bombardée par des obus
de 81. Deux explosent dans la pièce où il se trouve, mais il réussit à sortir
du piège sans une égratignure.
Le
9 novembre, l’opération aéroportée « Marion » largue 2 350 paras
du 1er BEP, du 2e BEP et du 3e BPC derrière les lignes viets. C’est un succès
total. Le général de Linarès viendra distribuer des médailles in situ.
Quand
arrive l’ordre d’évacuer, le 1er BEP marche sur une trentaine de kilomètres
jusqu’à Ngoc Tap. De là, les paras légionnaires sont convoyés en camions
jusqu’à Vietri. Le 17 novembre, ils arrivent à Hanoï avec leur butin. Et
seulement trois blessés.
Le
20 novembre, des avions déposent le 1er BEP à Na San. Le bataillon a à
peine débarqué qu’il est envoyé sur le poste de Co Noï (à une vingtaine de
kilomètres de Na San) pour recueillir les unités qui se replient. Malgré un
fourmillement de Viets, le 1er BEP mène à bien la mission qui lui a été
confiée.
Le
24 novembre, le colonel Gilles envoie le bataillon sur le point d’appui 8
du camp retranché de Na San. Le 2 décembre, le PA 8 est lourdement
bombardé. Le sergent Miller, qui se tenait à côté de Sergent, est tué ainsi que
le tireur FM du groupe de la section. Sergent vient d’échapper une fois de plus
à la mort. Le 18 janvier 1953, le 1er BEP est ramené à Hanoï.
Le
10 mai 1953, lors d’une opération en Annam, Sergent est grièvement blessé
alors qu’il se portait à hauteur de l’avant-garde de sa section prise sous le
feu des Viets. Il est transporté à Nha Trang puis, compte tenu de la gravité de
sa blessure, il est évacué sanitaire en France. Pendant sa convalescence, il
apprendra, avec le sentiment de frustration qu’on imagine, la chute de Diên
Biên Phu et, avec un sentiment de colère qu’on imagine aussi bien, la signature
des accords de Genève.
En
octobre 1954, après une longue convalescence, il arrive à Fort Flatters en
Algérie. Dans une compagnie chargée de surveiller la frontière libyenne. C’est
ensuite le Sud algérois, dans le secteur de Tehès, puis le Sud oranais. À
partir du 13 mai 1958, il commande une compagnie du 1er Étranger. Comme
beaucoup d’autres, il se laisse prendre aux promesses de De Gaulle qui,
croit-il alors, sera le garant de l’Algérie française. Il déchantera vite avec
le discours du 13 septembre 1959 sur l’auto-détermination. À partir de là,
il n’a plus aucune illusion.
Pendant
la semaine des barricades, à Alger, il est sous les ordres du colonel Dufour.
Il va se rapprocher de Joseph Ortiz et de Pierre Lagaillarde avec lequel il
noue des liens d’amitié très profonds. Quand les insurgés, Pierre Lagaillarde
en tête, quittent leur camp retranché, Pierre Sergent commande qu’on leur
présente les armes. Ce qui contribuera à le marquer encore plus.
Continuant
à crapahuter dans le djebel, il vient régulièrement à Alger où il se lie
d’amitié avec l’écrivain pied-noir Jean Brune et André Seguin, animateur du
Front de l’Algérie française (FAF). Dans Légion
étrangère d’André-Paul Comor, on rappelle : « Au cours des
manifestations de décembre 1960, Sergent fait la liaison entre le FAF,
notamment sa branche clandestine, Jouhaud et des responsables d’unité ».
Cette
implication, directement politique, lui vaut d’être muté en métropole, à
l’état-major du groupe de subdivisions de Chartres. Avec interdiction de se
rendre en Algérie. Ce qui ne l’empêche pas de rencontrer, et pas seulement pour
boire le coup, des officiers du 1er REP, Souêtre, Degueldre, La Bigne. Eux
aussi, relégués en métropole, ont refusé de rejoindre leurs affectations.
Revenu
clandestinement en Algérie, Sergent rejoint le premier REP à Zéralda le
20 avril 1961 et participe au putsch aux côtés de Denoix de Saint Marc.
À
partir de là, il est un des fondateurs de l’OAS. Il prend la tête de l’OAS
Métro. Réfugié à l’étranger, il crée le Conseil national de la Résistance. Il
est considéré déserteur à compter du 20 avril 1961. Il est condamné à mort
par contumace le 21 février 1962. Après des années de clandestinité, il va
bénéficier de la loi d’amnistie de juillet 1968. Il rentre en France en
octobre 1968.
En
1974, il prend part à l’organisation de la campagne Giscard (réputé avoir été
un sympathisant OAS), adhère au CNI et rejoint le Front national en 1985. Il en
sera l’élu jusqu’à sa mort en juin 1992.
Alain
Sanders
(1)
Que les actes de bravoure ne tombent
pas dans l’oubli.
On
lui doit de nombreux livres qui font autorité :
Ma peau au bout de mes idées, La
Table Ronde, 1967 (réédité en 1984)
La Bataille, La
Table Ronde, 1968
Je ne regrette rien,
Fayard, 1972 (réédité en 1983)
Le Malentendu algérien,
Fayard, 1974 (co-écrit avec André-Louis Dubois)
Lettre aux officiers,
Fayard, 1975
Les Maréchaux de la Légion : l’odyssée
du 5e Étranger, Fayard, 1977
La Légion saute sur Kolwezi,
Presses de la Cité, 1979 (réédité en 1984)
Camerone,
Fayard, 1980
Un étrange Monsieur Frey,
Fayard, 1982
Paras-Légion. Le 2e BEP en Indochine,
Presses de la Cité, 1982
2e REP,
Presses de la Cité, 1984
La Légion,
Graphiques Lafayette, 1985 (avec Bertrand de Castelbajac)
Les Voies de l’honneur
(tome I), Presses de la Cité, 1987
Les Voies de l’honneur. La Revanche
(tome II), Presses de la Cité, 1989
Les Voies de l’honneur. Le coup de
grâce (tome III), Presses de la Cité, 1990.