vendredi 5 décembre 2025

Les libres propos d’Alain Sanders

 

L’affaire Christophe Gleizes : la France de Macron à nouveau ridiculisée par les barbaresques d’Alger pour qui rien n’est jamais trop gros pour humilier notre pays

 

Après la libération de Boualem Sansal (grâce à l’Allemagne au prix d’un deal économique avec Alger), l’affaire Christophe Gleizes est devenue l’un des symboles des tensions répétées, des enjeux sécuritaires et des (mauvaises) relations diplomatiques franco-algériennes.

Arrêté en mai 2024 alors qu’il réalisait un reportage sportif en Kabylie, le journaliste français a été condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « détention de matériel de propagande ». Ce qui fait quand même beaucoup – mais pour Alger rien n’est jamais trop gros quand il s’agit d’humilier la France – pour un journaliste dont on n’aura vraiment découvert le nom et l’existence (à moins, bien sûr, d’être passionné par le football africain dont Gleizes est un spécialiste incontesté) qu’à l’occasion de cette pitoyable affaire.

Reporter pour les magazines So Foot et Society (que l’on a vu régulièrement militer contre la droite nationale soit dit en passant, sortant ainsi du cadre de leur compétence en survêt, ce qui mériterait un carton rouge…), Christophe Gleizes s’était rendu en Algérie pour documenter l’histoire et l’environnement de la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), l’un des clubs les plus emblématiques du pays. Entré sur le territoire algérien avec un visa touristique — une pratique courante chez de nombreux journalistes en reportage, l’Algérie ne voulant pas accorder les droits journalistiques habituels —, il avait commencé à mener plusieurs entretiens, dont certains avec des figures locales liées au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). Ce mouvement, interdit en Algérie depuis 2021 et classé, de manière surréaliste, comme « organisation terroriste » par les autorités d’occupation arabo-musulmanes, cristallise les tensions nationales autour de la question identitaire kabyle. La question ne se posant d’ailleurs plus de savoir si la Kabylie sera bientôt libre, mais quand.

Le 28 mai 2024, lors d’un contrôle à Tizi Ouzou, le journaliste est arrêté. Son matériel est confisqué et une enquête est ouverte. Gleizes est alors placé en détention provisoire. Il y restera plus d’un an avant son procès.

Fin juin 2025, le tribunal algérien prononçait une peine de sept ans de prison ferme. Les chefs d’accusation reposent notamment sur la possession d’entretiens ou de documents considérés comme susceptibles d’encourager un discours séparatiste. Selon ses avocats, aucun élément matériel ne permet d’établir une intention de nuire ou une sympathie pour qui ou quoi que ce soit : l’expertise de son ordinateur ne révèle aucune trace de propagande ou d’activité politique.
Jusque-là, Christophe Gleizes était connu dans les milieux sportifs pour ses travaux centrés sur le sport, les cultures populaires et le reportage de terrain, loin des problématiques géopolitiques. Lors de son procès en appel, ces jours derniers, le parquet a requis dix ans de prison. La cour a confirmé finalement la peine initiale (sept ans de prison ferme).
Sur les conseils de ses avocats (qui croient encore au Père Noël), il a admis, et s’en est tactiquement excusé, avoir sous-estimé la sensibilité politique du terrain. Cela n’a pas suffi à attendrir ses juges…

Alors que l’emprisonnement de Boualem Sansal n’avait déclenché quasiment aucun mouvement de solidarité d’importance, dès l’annonce de la sentence contre Gleizes de nombreuses organisations françaises et internationales, souvent marquées à gauche et à l’extrême gauche comme le Syndicat national des journalistes (SNJ), la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ou encore Reporters Sans Frontières (RSF), se sont mobilisées pour dénoncer une condamnation « absurde » et « dangereuse » pour la liberté d’informer. Des tribunes de soutien sont publiées, notamment par des journalistes sportifs, des rédactions et des écoles de journalisme.

En France, le gouvernement (bien discret quand Sansal croupissait dans les geôles algériennes) a exprimé sa « préoccupation » et demandé un traitement « juste et proportionné ». Sans aller cependant jusqu’à la confrontation diplomatique : la complaisance de Macron (et désormais celle du pied-rouge Nunez) pour le satrape Tebboune ne connaît aucune limite.

L’affaire met par ailleurs en lumière l’impossibilité pour les journalistes (algériens ou étrangers) d’enquêter dans certaines zones sensibles. En Algérie, l’ombre du MAK, très populaire et très implanté, et les tensions identitaires en Kabylie rendent la frontière particulièrement floue entre reportage, enquête et ce que l’État autocratique peut considérer comme « activité politique ». C’est ainsi que l’interview d’un membre d’un groupe controversé, dans le cadre d’un travail journalistique constitue un acte de propagande automatiquement passible d’une lourde peine de prison dans le meilleur des cas. Et, pour les journalistes autochtones, une élimination physique pure et simple dans le pire.

Aujourd’hui, Christophe Gleizes est devenu un symbole : celui d’un journaliste emprisonné pour avoir exercé son métier dans un contexte où l’espace d’expression est inexistant. Son cas interroge la responsabilité de la France (et des rédactions) dans la protection de ses ressortissants (et de leurs reporters). Cet otage d’Alger interroge surtout sur la question de savoir jusqu’à quand et jusqu’où Macron et consorts accepteront d’être humiliés, et le mot est faible, par des bandits arrogants et haineux. Il fut un temps – mais ça, c’était avant – où un coup d’éventail vaguement esquissé déclenchait un débarquement libérateur à Sidi-Ferruch…

Alain Sanders