Les élus républicains pro-ukrainiens mobilisés contre le poutinophile Witkoff
« Witkoff ? Il y a encore quelques mois il ne connaissait pas le nom des différents oblasts », rappelle la politologue Nicole Bacharan.
« Et si encore il n’était qu’inculte… Le vrai problème c’est qu’il est devenu non seulement le coach de Poutine, mais aussi son officier traitant », accuse un député républicain proche de Mario Rubio, traduisant en cela un vent de fronde chez de nombreux élus républicains pour qui le poutinisme affiché de Witkoff ne passe pas. Certains criant désormais à la « traîtrise ».
Don Bacon (élu du Nebraska) appelle au limogeage immédiat de Witkoff, estimant que l’émissaire favorise ouvertement les intérêts russes : « Un agent rémunéré par la Russie ferait-il moins que lui ? Witkoff ne peut plus être digne de confiance pour mener les négociations ».
Brian Fitzpatrick (élu de Pennsylvanie) qualifie la situation de major problem. Il dénonce le recours à des « réunions secrètes et des négociations en coulisses », au détriment d’un processus diplomatique transparent. Il demande que la diplomatie soit confiée aux canaux officiels, notamment au secrétaire d’État.
De nombreux républicains pro-Ukraine reprochent globalement au gouvernement de laisser des décisions stratégiques capitales entre les mains d’un homme perçu comme inexpérimenté, trop proche de Moscou, et aux méthodes opaques.
Leur reproche principal : confier des dossiers internationaux sensibles à quelqu’un dont le passé — financier et immobilier — comporte des liens anciens (et maintenant renouvelés) avec des oligarques russes.
Beaucoup estiment que « ça pose un problème » pour les États-Unis et leurs alliés. En recommandant à des responsables russes comment « vendre » un accord à l’administration américaine (comme nous l’expliquions tout récemment), Witkoff a fragilisé la position de Washington vis-à-vis de ses alliés, notamment en Europe et en Ukraine.
Les députés proches de Rubio dénoncent un contournement des mécanismes traditionnels (ministères, diplomates professionnels, alliances, etc.) avec pour conséquences directes l’affaiblissement de la cohérence de la politique étrangère américaine.
Les anciens liens économiques et financiers de Witkoff avec la Russie (et les États du Golfe) suscitent des inquiétudes, et c'est le moins qu'on puisse dire, quant à ses motivations et à l’influence possible de ses intérêts privés sur la diplomatie US.
Plusieurs voix républicaines au Congrès réclament des auditions ou enquêtes pour faire la lumière sur le rôle de Witkoff — et potentiellement sur les motivations et les conséquences de ces négociations à répétition (c’est la sixième fois que Witkoff va faire sa cour à Poutine au Kremlin).
Ce débat, qui enfle, met en lumière une question plus large : quelle place pour les outsiders (hommes d’affaires, financiers, nouveaux venus amis capitalistes du maître du monde…) en diplomatie, quand il s’agit de conflits aussi sensibles que l’Ukraine ?
Enfin, cela pose la question de la cohérence de la politique étrangère américaine — notamment entre la diplomatie traditionnelle, les engagements européens/OTAN et une approche deal-maker motivée par le seul appât de gains sans limites. Sans aucune considération pour le sacrifice de dizaines de milliers d’Ukrainiens pour la liberté et la souveraineté de leur patrie charnelle.
Comme tout finit par savoir (exemple avec l’échange téléphonique « secret » entre Witkoff et Iouri Ouachakov), les médias américains viennent de révéler qu’une réunion, « secrète » elle aussi, a eu lieu le mois dernier à Miami, dans la propriété de Witkoff, entre Steve Witkoff, Jared Kushner (le gendre de Trump) et le négociateur affairiste russe Kirill Dimitriev (à qui avait été délivré un visa de faveur sur demande exprès de Witkoff). Au menu ? Le dépeçage de l’Ukraine et la mise en place d’une stratégie pour sortir la Russie de son (relatif) isolement économique.
Alain Sanders