Ukraine : n’en déplaise aux poutinistes de chez nous et d’ailleurs, la situation est difficile, mais pas désespérée ! A condition de ne rien lâcher à Poutine…
S’il est indéniable que l’armée ukrainienne doit faire face à un ennemi largement supérieur en nombre, elle est loin de craquer. Et tout au contraire : les combats restent intenses et l’envahisseur russe subit d’énormes pertes humaines. Dans l’est du pays, autour de lieux comme Pokrovsk (Donetsk) ou le secteur Lyman, les forces russes continuent de mener des offensives que les forces ukrainiennes contiennent sans trop de difficultés.
D’autant que l’Ukraine multiplie les frappes — y compris des attaques de drones et des raids contre des infrastructures russes. Ce qui prouve que le conflit ne se limite plus à des lignes de front classiques, mais touche aussi les arrières de chaque camp (celui des Russes, mais aussi celui des Ukrainiens hélas).
Les bombardements russes frappent systématiquement des zones civiles, notamment des infrastructures critiques (centrales électriques, réseaux d’énergie). Ces frappes causent des coupures d’électricité, des dommages matériels et des pertes civiles. Le secteur énergétique ukrainien a été lourdement endommagé depuis le début de l’invasion, ce qui provoque des coupures fréquentes d’électricité, des pénuries d’eau, et des conditions de vie très difficiles. Les bombardements actuels ne font qu’ajouter le malheur au malheur. Il n’empêche que les Ukrainiens font preuve d’une totale résilience.
Les frappes sur des bâtiments civils — écoles, logements, infrastructures civiles —causent de nombreuses victimes (y compris des enfants) et perturbent les conditions de vie dans plusieurs villes. Malgré ces destructions, l’aide humanitaire continue : des convois livrent des vivres, des produits d’hygiène, des lampes solaires, des kits d’hiver dans des zones durement touchées. Mais les besoins restent gigantesques.
Le « plan de paix » proposé par les États-Unis — initialement en 28 points — a relancé, au moins pour la galerie, les discussions. Lucide, obligé de « jongler » avec Trump comme nous l’avons dit, gêné par cette affaire de corruption comme par hasard révélée peu de jours avant la sortie du plan américain, Zelensky temporise.
Le plan comprenait à l’origine des concessions ukrainiennes lourdes (céder des territoires comme certaines régions de l’Est, limiter la taille de l’armée, renoncer à l’adhésion à l’OTAN). Ces éléments ont suscité des critiques, notamment en Europe (où l’on continue de macroniser, c’est-à-dire à faire du bruit avec la bouche).
Du côté russe, les signaux se veulent malins : le gouvernement affirme qu’il est « trop tôt » pour dire si un accord de paix est réalisable. Rappelons que les Russes font mine de découvrir ledit plan de paix alors qu’ils en ont été les concepteurs. Et que l’on sait désormais que le collabo poutinophile Steve Witkoff a joué la boule à deux – en faveur des Russes – avec l’homme de Poutine, Iouri Ouchakov : leur conversation « secrète » a twitté.
Des intérêts stratégiques — notamment en matière de sécurité énergétique, reconstruction, avenir géopolitique de l’Europe — rendent le dossier ukrainien central pour l’ensemble du continent. Quelques pays européens se positionnent pour un rôle actif, au-delà d’une simple aide humanitaire. Mais on en reste aux déclarations de (bonnes) intentions (wishfull thinking).
La vérité, c’est que le conflit n’est pas près de s’arrêter. La destruction continue, les frappes, les contre-attaques, les pertes civiles — tout indique que la guerre reste loin d’être terminée. Un hypothétique accord de paix, s’il survient, pourrait poser des dilemmes épineux : concessions territoriales, garanties de sécurité, intégration internationale — autant de questions lourdes d’enjeux pour l’avenir de l’Ukraine, de l’Europe, et de l’équilibre géopolitique dans la région.
Scénario 1 : accord de paix fragile mais réel (probabilité très moyenne) :
Comment y arriver ?
Les discussions autour du plan américain continuent de progresser.
L’Ukraine accepte certaines concessions limitées (statut particulier de certaines zones, garanties de sécurité alternatives à l’OTAN…).
La Russie accepte un gel de ses positions sans obtenir toutes ses revendications territoriales.
A quoi ressemblerait l’accord ?
Un cessez-le-feu supervisé internationalement.
Des zones démilitarisées dans certaines parties du Donbass.
Des garanties sécuritaires à l’Ukraine sous forme d’accords bilatéraux (États-Unis, UE).
Un plan de reconstruction soutenu par l’Europe et le G7.
Fragilités :
Contestation interne en Ukraine si des concessions territoriales apparaissent.
La Russie pourrait utiliser l’accord pour se réarmer.
Le cessez-le-feu pourrait être rompu localement, créant une « paix sous tension » (probabilité élevée)
Scénario 2 façon Corée (probabilité élevée)
Pas de traité de paix, mais un arrêt partiel des hostilités.
La ligne de front devient une frontière de fait, militarisée et surveillée.
De petites escarmouches, bombardements et drones continuent, mais pas d’avancée majeure.
Conséquences :
L’Ukraine reste soutenue par l’Europe et les Etats-Unis
La Russie conserve une partie des territoires occupés.
L’économie ukrainienne redémarre lentement, mais reste sous contrainte militaire.
L’intégration de l’Ukraine à l’UE pourrait avancer, mais pas celle à l’OTAN.
Scénario 3 : reprise majeure des combats. Les déclencheurs possibles :
Échec total des négociations.
Nouvelle mobilisation russe ou offensive surprise.
Affaiblissement du soutien occidental (changement politique aux États-Unis ou en Europe).
Une attaque massive sur une infrastructure critique (barrage, centrale nucléaire, capitale régionale).
Intensification des frappes sur les villes et infrastructures ukrainiennes.
Nouveaux déplacements massifs de population.
Pression sur l’Europe pour renforcer l’aide militaire.
Crise énergétique majeure en Ukraine.
Escalade entre OTAN et Russie en cas d’incident frontalier.
À l’heure actuelle, le scénario du « conflit gelé » est considéré comme la « solution » préconisée par les Russes et leurs amis à court terme : aucun camp n’a les moyens de réussir une percée décisive, et Moscou garderait le contrôle des territoires occupés par ses troupes.
En poste entre 2020 et 2024 ex-ambassadeur de France à Moscou, Pierre Lévy n’a guère d’illusions sur les buts de conquête poursuivis par Poutine : « La Russie mène en Ukraine un conflit matriochka, ces poupées russes qui s’emboîtent. La plus petite, c’est la guerre contre l’Ukraine, sans laquelle la Russie n’est pas l’empire dont rêve Poutine. C’est pour cela qu’il restera dans sa logique de conquête. La poupée intermédiaire, c’est la confrontation avec l’Otan et l’Union européenne, nourrie par son mépris pour l’Europe et sa grande défiance envers les Etats-Unis. La plus grande, c’est sa lutte pour un nouvel ordre mondial désoccidentalisé, où les grandes puissances se partageront des sphères d’influence. Prenons conscience que ce conflit gigogne dépasse largement le Donbass. Il faut continuer à soutenir l’Ukraine, car c’est l’avenir de notre démocratie, de notre propre sécurité, qui se joue là-bas. Ce n’est pas une guerre lointaine ».
Alain Sanders