lundi 24 novembre 2025

Les libres propos d’Alain Sanders


Le projet de paix « proposé » à Zelensky par Trump est fabriqué par le Kremlin : il équivaut à une capitulation en rase campagne pour l’Ukraine et à la perte de sa dignité

Trump « propose » à Kiev (avec obligation de l’entériner avant le 27 novembre) un projet de paix en 28 points. Parmi les propositions les plus insultantes :

La cessation de territoires : le plan prévoit que l’Ukraine reconnaisse de facto certaines zones comme russes, notamment les régions de Donetsk et Louhansk, la Crimée. Et éventuellement d'autres selon la ligne de front actuelle.

La non-adhésion à l'OTAN : Kiev devrait inscrire dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra pas l’OTAN, tandis que l’OTAN s’engagerait à ne pas déployer de troupes en Ukraine. Le champagne de Crimée a été débouché au Kremlin pour fêter cette soumission inimaginable à ses ukases.

Une réduction de l’armée ukrainienne : le plan limiterait les forces armées ukrainiennes à 600 000 soldats. Pendant que l’agresseur russe continuerait de mobiliser plus et toujours plus.

        Des « garanties de sécurité » (on ne sait pas lesquelles) seraient données à l’Ukraine  par les États-Unis et l’Europe. Ce qu’on sait, c’est que lesdites « garanties » seraient loin de programmer un engagement militaire complet en cas de nouvelles invasions russes.

Une reconstruction de l’Ukraine est aussi prévue, avec des élections organisées sous 100 jours, financées en partie par des avoirs russes gelés. L’idée étant, à la demande de Poutine (ce que Trump avalise) d’écarter Zelensky.  

Face à cette ignominie, Zelensky a opposé, appuyé sur plusieurs arguments rédhibitoires :

1.    Intégrité territoriale non négociable
Zelensky rejette catégoriquement rejeté l’idée de céder des territoires : « Les Ukrainiens ne donneront pas leur terre à l’occupant ».
Il souligne que prendre des décisions sans l’Ukraine, ou contre l’Ukraine, revient à « des décisions mortes : elles ne mèneront à rien de durable ».

2.   Respect de la Constitution ukrainienne
Le président ukrainien rappelle que sa Constitution ne permet pas de renoncer à des parties du territoire du pays sans l’accord du peuple.

3.   Dignité et souveraineté
Dans une allocution à la nation, Zelensky a estimé que le plan de Trump risquait de condamner l’Ukraine à « une vie sans liberté, sans dignité, sans justice ».

4.   Inquiétudes sur les garanties de sécurité
Zelensky estime, à raison, qu’elles sont insuffisantes pour protéger réellement l’Ukraine à long terme.

5.   Pression diplomatique, mais refus du chantage
Selon Kiev, le plan américain, qui semble avoir été ficelé par Moscou, équivaut à une forme de capitulation à peine déguisée.
Dans le même temps, Zelensky, qui fait face à un dilemme dramatique, se dit prêt à travailler « constructivement, honnêtement et rapidement » avec les États-Unis. Mais sans jamais accepter de trahir les principes clefs de l’Ukraine.

Le refus de Zelensky peut être vu comme un acte de fermeté stratégique :

Il montre que l’Ukraine n’est pas prête à accepter des concessions territoriales majeures, même sous pression diplomatique.

Cela peut renforcer sa crédibilité auprès de sa population : accepter un plan perçu comme « imposé » risquerait d’être perçu comme une trahison des sacrifices du peuple.

En même temps, Zelensky doit « jongler » : il doit garder ouvertes les voies diplomatiques avec les États-Unis, tout en protégeant les intérêts fondamentaux de l’Ukraine. Mais ce refus augmente aussi les tensions diplomatiques : si Kiev rejette le plan, Trump pourrait réduire son soutien ou utiliser cette « non-acceptation » comme justification pour affaiblir (voire supprimer) son engagement. L’Ukraine pourrait ainsi se retrouver isolée si elle ne parvenait pas à obtenir d’autres garanties sérieuses (et ce n’est pas cette Europe qui peut lui en donner). En même temps, accepter des points non négociables (territoire, souveraineté) pourrait poser un précédent dangereux sur ce que l’Ukraine est prête à concéder aujourd’hui ou à l’avenir.

La position ferme de Zelensky n’est pas uniquement un rejet : c’est une prise de position idéologique et stratégique. Il montre la détermination de l’Ukraine à ne pas renoncer à sa souveraineté, même sous pression diplomatique, tout en essayant de maintenir une ouverture pour un dialogue « digne ». Le défi pour Kiev est de convaincre ses alliés (notamment les États-Unis) qu’une paix durable ne peut pas se construire sur des compromis qui affaiblissent l’Ukraine au lieu de la renforcer. Dire que les pauvres Ukrainiens sont dans l’œil du cyclone serait encore ne rien dire…

Alain Sanders