La Moldavie échappe à l’OPA russo-stalinienne. Mais le couperet est tombé très près…
Soyons clairs. Les propensions européennes de la présidente moldave, Maia Sandu, et de son parti, le PAS (Parti Action et Solidarité) ne sont pas notre tasse de masala chaï. A condition de préciser que cet engouement européen est dû à une urgence : établir une protection, sinon un véritable bouclier, contre les menaces du Kremlin (qui veille sur la mer Noire comme un boa sur sa proie).
Pas notre tasse de thé, certes, mais… Mais – et ce mais est de taille – la victoire du PAS, même ric-rac, aux législatives du 28 septembre, va permettre à la Moldavie d’écarter l’OPA de Moscou qui s’est ingéré au-delà du descriptible dans la consultation électorale.
Rappelons que le PAS a choisi – pour ne se compromettre en rien – de se présenter seul face à un bloc de quatre partis socialo-communistes ouvertement pro-russes et plus que cela, ouvertement prosoviétiques : tracts, slogans, affiches, bannières adornées de la faucille et du marteau, slogans ressortis des poubelles de l’histoire stalinienne, menaces physiques contre les candidats du PAS, etc.
Victoire méritoire quand on sait qu’il a fallu de surcroît faire face à l’hostilité d’une Eglise orthodoxe russe totalement inféodée à Moscou et au patriarche Kirill (agent du KGB sous le nom de « Mikhaïlov »). A la différence de l’Ukraine, qui a pu démasquer les prêtres aux ordres du Kremlin pour installer une Eglise orthodoxe ukrainienne indépendante et nationale, la Moldavie est toujours ligotée à ce cordon qui tient surtout du lacet d’étranglement.
On y ajoutera, aux flancs même de la République moldave, deux abcès menaçants : la Gagaouzie autonomiste (et pro-russe) et surtout la Transnistrie occupée par l’armée russe (ce qui n’a pas empêché le PAS d’obtenir près de 25% de voix).
Le bloc des quatre partis socialo-communistes a rassemblé quelque 24% des voix (1). Ce qui n’est pas rien quand on sait que ce bloc, financé par Moscou, est prêt à fomenter des troubles dans la rue (vieille tactique de l’extrême gauche quand les urnes ne lui sont pas favorables, suivez mon regard…). Ils ont essayé de le faire ce lundi, mais n’ont pas rassemblé trois cents personnes devant le Parlement.
Pays historiquement très pauvre (et très corrompu), la Moldavie a besoin de l’Europe pour se protéger de Poutine, nous l’avons dit, mais aussi pour bénéficier d’aides qui permettraient de mener des réformes économiques majeures. Car si le pays est pauvre, il ne manque pas de ressources.
Maia Sandu, réélue avec 55% des voix lors de la dernière présidentielle, a salué la victoire du PAS : « Nous avons montré au monde entier que nous sommes courageux et dignes, et que nous ne nous sommes pas laissés intimider ».
Il fallait du courage – moral et physique – en effet pour contrer les agissements des nombreuses officines russes qui ont pignon sur rue, jusque dans la capitale Chisinau. Des « centres culturels » avec le drapeau russe et le portrait de Poutine en vitrine qui sont autant de bases propagandistes. Des repaires poutiniens normalement interdits, mais qui refusent de fermer boutique malgré les interventions de la police moldave (qui n’a guère de moyens). Quelques jours avant les élections, les autorités moldaves ont saisi des armes et des liquidités témoignant d’une ingérence paramilitaire. Avec des bases en Serbie animées par le responsable d’un « service spécial » de la Fédération de Russie. Inutile de dire que l’Ukraine suit avec inquiétude – parce qu’elle a déjà donné… – ce que vit la Moldavie.
Alain Sanders
(1) Résultats obtenus par les autres partis : Blocul Alternativa : 7,99% ; Partidul Nostru : 6,21% ; Democratia acasa : 5,63%.