Le largage de la Nouvelle-Calédonie est acté. Avec l’aval des loyalistes !
Une photo peut résumer bien des choses. Comme celle où l’on voit Macron et Valls (renvoyé naguère comme un malpropre par les Catalans) présider la réunion de début juillet à Bougival avec les signataires d’un accord que nous allons dire sur fond de trois drapeaux : le drapeau français, celui de leur Europe, celui des indépendantistes kanaks. Le déploiement officiel d’une souquenille anti-française est emblématique d’un accord qui acte le largage de la Nouvelle-Calédonie. Avec l’aval de certains loyalistes, hélas…
Macron et Valls, qui se sont un temps frittés sur le sujet (Valls voulant une mise en place rapide de la « décolonisation » du Caillou), ont salué un accord de « dimension historique ». Historique, il l’est dans la mesure où l’acceptation de la création d’un « Etat calédonien au sein de la République française » va bouleverser le destin de l’archipel français. Avec des entourloupes qui ne trompent personne. Un Etat est détenteur d’une souveraineté sans partages. Comment imagine-t-on, sans prendre les gens pour des imbéciles, d’intégrer un « Etat calédonien » dans l’Etat français ? D’autant qu’on évoque déjà la possibilité des transferts des compétences régaliennes de Paris à Nouméa dans les domaines de la sécurité, de la diplomatie, de la monnaie, de la justice, de la police.
On prévoit aussi une « nationalité calédonienne ». Avec quel effet ? La double nationalité : calédonienne et française ? Un passeport calédonien ou deux passeports, l’un français, l’autre calédonien ? Dans tous cas de figures, à qui iront les allégeances patriotiques des uns et des autres ? A l’ « Etat calédonien » ou à l’Etat français ? A terme – et sans doute à très moyen terme – on marchera vers une indépendance de fait.
On peut s’étonner que la présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie, Sonia Backès, en pointe jusque-là pour ses vigoureuses prises de position anti-indépendantistes, applaudisse à ce mauvais coup porté aux loyalistes (mais sans doute est-elle de l’école de feu Jacques Laffleur souvent droit comme un S). Quand on lui objecte que l’accord prévoit la mise en place d’une Loi fondamentale calédonienne (qui mettra fin à la Loi française sur l’archipel), elle botte en touche : « La loi fondamentale se consacrera sur des problématiques très locales, ce que nous appelons l’auto-organisation, dans un cadre très réglementé. Rien ne pourra s’opposer à la Constitution française ni à la loi organique. Cette loi fondamentale concernera plutôt des questions identitaires : aura-t-on un drapeau, un hymne, une devise… ».
Avec un drapeau spécifique (celui des Kanaks flotte déjà sur l’archipel), un hymne qui ne serait pas La Marseillaise, et une monnaie différente de celle de la métropole, la Nouvelle-Calédonie serait de facto un Etat souverain à part entière, hors de la République française.
Tout n’est cependant pas joué d’avance. Car une frange importante du camp loyaliste est vent debout contre ce largage (à peine sournois tant on en voit les grosses ficelles). Et une grande partie des membres du FLNKS dénoncent – comme une « trahison » – l’accord signé par leurs représentants au motif qu’il remet l’indépendance exigée à plus tard. Les émeutiers qui, l’an dernier, ont fomenté une insurrection raciste, sont prêts à remettre le couvert.
Un point positif cependant : quelque 25 000 Calédoniens, jusqu’alors privés du droit de vote (une intolérable exigence des Kanaks démographiquement et électoralement minoritaires dans l’archipel), pourront voter dès les élections provinciales de 2026. Mais, on le sait : à trois reprises, la Nouvelle-Calédonie a choisi de rester française. Ce qui aurait dû siffler la fin de la récréation. Ce serait sans compter sans Macron, la gauche et l’extrême gauche portés par une idéologie « décoloniale » fanatique. Avec des effets jusqu’en métropole dans les zones de non-France.
Alain Sanders