vendredi 13 juin 2025

Les libres propos d’Alain Sanders

 Paulo majora canamus…

Alan Seeger, poète et légionnaire de 14-18 : on le réédite et c’est à ne pas manquer !

Un des plus beaux poèmes d’Alan Seeger s’appelle : « J’ai un rendez-vous avec la mort ».  C’est sous ce titre, prémonitoire quand on sait que ce poète américain est mort en France le 4 juillet (jour de la fête nationale américaine) 1916, qu’on peut le retrouver dans un recueil très complet (tout récemment édité aux Belles Lettres), recueil sous-titré  « Le poète de la Légion étrangère » .

Né à New York en 1888, il part vivre avec sa famille – il a alors 12 ans – au Mexique. Il y découvre, par-delà cette Amérique centrale hispanique, une latinité qui le marquera à jamais. Après des études à Harvard, il réalise à 24 ans son rêve : visiter la France. Nous sommes alors en août. En août 1914. C’est la guerre. Alan Seeger voit tous les amis avec lesquels il a noué des liens d’amitié partir au front. S’engager ? Etranger, il ne le peut pas. Reste la Légion.

Une période de formation. A la légionnaire. Et puis, très vite, la montée en ligne. On est loin de la poésie. Il écrit pourtant : « Ce fut là que, fermes anneaux de la chaîne imbrisable où tombe en vain le coup longuement prémédité, cœurs dignes de l’honneur et de l’épreuve, nous aidâmes à maintenir les lignes le long de l’Aisne ».

Nommé caporal, Seeger est, le 4 juillet 1916, face au village de Belloy-en-Santerre. Il faut le reprendre à l’ennemi. Un des camarades de combat de Seeger dira : « Comme il était pâle ! Sa haute silhouette se détachait sur le front vert des champs de blé. Il était le plus grand de sa section, la tête haute, le regard fier. Je le voyais courir, baïonnette au canon… Bientôt il disparut ».

Il n’était « que » blessé. Mais au-delà de nos lignes. On l’entendit un temps chanter, dans la nuit, de vieilles chansons françaises. Et puis le silence. A l’aube, son corps fut retrouvé et enterré non loin de Belloy-en-Santerre reconquise. Mais les bombardements reprirent et ses restes furent dispersés, mêlés à jamais à cette terre de France qu’il avait tant aimée. 

Plus tard, quand les Etats-Unis entrèrent en guerre à nos côtés, ce sont les poèmes d’Alan Seeger qui furent lus dans les bureaux de recrutement. Naguère, pour le cinquantenaire de sa naissance, en 1938, ses poèmes furent lus dans les écoles de France. On y disait « la haute camaraderie de ceux qui, combattant pour le bien d’autrui, nous enseignèrent la dignité d’être des hommes ». Il avait aussi écrit : « Pour que d’autres générations puissent, dans les ans à venir, libres de l’oppression et de la menace, posséder un plus riche héritage de bonheur (…), il faudrait peut-être donner sa vie ».

Dans un square de Paris, un monument perpétue la mémoire des volontaires américains morts pour la France, « avant-garde de l’armée aux bannières fleuries d’étoiles ». C’est Alan Seeger qui fut choisi pour les représenter tous. Dans l’église de Belloy-en-Santerre, une cloche, offerte par son père au village, porte le nom de sa maman.

Alain Sanders