Tout en continuant à enfumer les Occidentaux,
Poutine va activer une offensive d’été de grande envergure
Multipliant les annonces de façade, évoquant de probables négociations, un éventuel cessez-le-feu, des rencontres possibles à venir, voire un hypothétique arrêt des combats, Poutine – qui ne cesse ainsi de gagner du temps et de se refaire la cerise – prépare à bas bruit (mais plus rien ne reste secret de nos jours) une offensive majeure contre l’Ukraine. Cet été.
Dans la région au nord de Soumy, plus de 50 000 soldats russes sont massés. A ceux qui, en Europe, s’interrogent sur cet agglomérat imposant, Moscou fait répondre qu’il ne s’agit de rien d’autre que des soldats qui sont intervenus pour chasser les Ukrainiens de l’oblast de Koursk. Au vrai, ces unités (au sein desquelles se trouvaient des Nord-Coréens) ont largement été laminées et les survivants ont été ramenés vers l’arrière (plus près de Koursk que de la frontière russo-ukrainienne). Selon nos sources, ce sont donc des troupes fraîches qui ont été acheminées et qui seront redéployées sur le front nord-est. Avec deux objectifs : tenir la frontière pour interdire, façon Koursk, toutes nouvelles incursions ukrainiennes ; renforcer le front du Donbass où, malgré des communiqués de victoire à répétitions, Moscou piétine depuis des mois.
Les experts galonnés d’un autre âge, qui sévissent sur les plateaux des télés d’info continue où ils ont leur rond de serviette, ratiocinent à longueur d’émissions. Et nous assurent péremptoirement que « Moscou n’a pas les moyens d’attaquer Soumy et Kharkiv ». Ils ont tort. Poutine, humilié et traumatisé par la percée ukrainienne dans l’oblast de Koursk, a juré qu’on ne l’y prendrait plus. D’où l’ordre de mettre le paquet sur ces deux oblasts ukrainiens. Pour mettre en place cette « zone-tampon » qu’il a annoncée aux Russes la semaine dernière. Ce que soutient à raison le colonel Peer de Jong (est-ce parce qu’il n’est « que » colonel qu’il est souvent plus lucide que la palanquée de généraux à la retraite ? Va savoir…) : « On peut penser que Moscou va tenter d’étendre cette zone tout au long de la frontière, jusqu’à la Biélorussie ».
Une stratégie qui va contraindre une grande partie des forces ukrainiennes à se maintenir dans ces régions. Au détriment du sud (où la relève se fait attendre : mais Kiev ne peut y envoyer des hommes qu’elle n’a pas). Peer de Jong : « La Russie pourrait menacer au nord-est pour, en fait, taper plus fort dans le Donbass en vue de s’en emparer entièrement ». Ce qui serait loin d’être gagné : depuis fin 2022, Moscou n’a pas gagné un pouce de terrain et les Ukrainiens, désormais largement dotés de drones (qu’ils produisent eux-mêmes et en nombre), assurent une défense efficace. Qui coûte cher aux Russes en hommes et en matériels. Ce qui ne freine cependant pas Poutine qui met une partie de ses espoirs – c’est-dire où en est rendue la « glorieuse » Russie – dans les approvisionnements massifs envoyés d’Iran, de Chine, de Corée du Nord.
Pendant ce temps, l’Europe continue de traîner des pieds. Et ce ne sont les feintes colères à éclipses de Trump à l’égard de Poutine qui sont de nature à rassurer Zelensky. Non seulement Poutine n’est pas impressionné, mais il multiplie les attaques quotidiennes de drones contre les populations civiles en Ukraine. Kiev veut encore croire que si une attaque massive était lancée prochainement, les États-Unis enverraient des armes comme naguère et réactiveraient leurs services de renseignement qui n’ont cependant jamais été coupés, mais ralentis (parfois dangereusement).
L’Ukraine a besoin de 100 000 hommes pour tenir toute la ligne de front. Dans le même temps que la Russie, guère ménagère quant à la vie de ses combattants, peut recruter quasiment à l’infini de la chair à canon. Ce que Poutine ne peut empêcher en revanche, c’est que Kiev continue de frapper Moscou et sa région, minant ainsi le moral d’une population empoutinisée à qui l’on a vendu le mythe d’une Russie inexpugnable. Au point de créer un sentiment de rébellion ? C’est une autre histoire.
Alain Sanders