Étonnamment dans les différents commentaires médiatiques sur sa vie et ses engagements, on évoque très peu, ou pas du tout, le militantisme de jeunesse de François dans le mouvement péroniste. Le péronisme fut le très original nationalisme argentin aux multiples composantes allant de l’extrême-droite à l’extrême-gauche, qui marqua pendant de longues années et marque encore la vie politique de l’Argentine. Le péronisme se réclamait de l’idéologie justicialiste façonnée sous l’impulsion du général Juan Perón. Ce mouvement fut aussi marqué par la formidable aura sociale de l’épouse du général, la très féministe et très populaire Eva Perón, sans doute plus influente que son mari. Il est à noter que le péronisme rallia plusieurs composantes du catholicisme argentin, selon une application particulière de la doctrine sociale de l’Église.
Le futur pape François, Jorge Bergoglio, milita notamment longtemps au sein de « l’Organización Única del Trasvasamiento Generacional » (OUTG). Il continua d’une certaine manière cet engagement dans son futur apostolat de prêtre au sein de la Compagnie de Jésus, inspiré par la « théologie du Peuple », forme argentine non-marxiste mais très socialiste de la « théologie de la Libération » prônée par le supérieur général des Jésuites, le Basque espagnol Pedro Arrupe, ancien médecin.
François, devenu archevêque de Buenos Aires, puis pape, conserva jusqu’à sa mort son enracinement idéologique dans une sorte de gauche pacifiste tiers-mondiste. Ceci explique peut-être que, sur la guerre en Ukraine, il ait d’abord spontanément adopté une fâcheuse position de pacifisme radical renvoyant dos-à-dos l’agresseur poutiniste et l’agressé ukrainien, avant d’adopter une autre ligne plus conforme à la vérité. Il avait initialement manifesté aussi sa sympathie pour le patriarche russe Kirill, ancien officier du KGB, tout comme Poutine. Certes, sa position avait donc évolué vers une plus juste appréciation des responsabilités réciproques des deux pays en guerre. Mais elle avait tout de même dans un premier temps porté un coup au moral des catholiques comme des orthodoxes ukrainiens, ces derniers ayant désormais rompu avec le patriarcat moscovite pour rejoindre l’Église orthodoxe ukrainienne ou rallié le patriarcat de Constantinople.
On se souvient encore de sa très grande bienveillance pour Fidel Castro qu’il accompagna de ses prières dans ses derniers moments.
François pratiqua également, non seulement une politique générale d’ouverture à l’islam, ce qui lui valut le véhément opprobre d’Israël, alors qu’il condamnait bien plus souvent les bombardements israéliens contre le Hamas que le terrorisme de cette organisation.
Beaucoup de catholiques lui ont aussi reproché de mener des politiques d’indignation sélective, par exemple en allant rencontrer en Irak l’ayatollah chiite al-Sistani, mais en ne manifestant pas parallèlement la réaction que l’on pouvait attendre de sa part après l’exode de cent mille chrétiens arméniens chassés du Haut-Karabakh par les envahisseurs azerbaïdjanais.
On doit rappeler encore l’hostilité qu’il manifesta face à l’intervention militaire décidée par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis contre la Syrie de Bachar el-Assad alors qu’elle venait de perpétrer un massacre à l’arme chimique dans la banlieue de Damas. Selon certains, François croyait, à tort, que le président syrien était le protecteur de toutes les communautés chrétiennes du pays.
Enfin, il fit encore preuve d’une affligeante naïveté à l’égard de la Chine de Xi Jinping, de laquelle il voulait coûte que coûte se rapprocher, même en prenant le risque de sacrifier les relations du Vatican avec Taïwan. En réalité, il n’avait pas du tout compris, ou voulu comprendre que la politique de sinisation de toutes les religions présentes en Chine menée par Xi Jinping ne pouvait se faire qu’au prix d’une totale soumission au diktat du Parti communiste chinois qui est allé, il faut le rappeler, jusqu’à imposer ses propres traductions des textes des livres sacrés.
L’Ukraine, la Russie, la Chine, Taïwan, sont autant des grands échecs des politiques de François. En revanche, il faut saluer sa constante opposition à l’avortement et notamment sa vigoureuse dénonciation de la constitutionnalisation de cet acte de mort voulu en France par Emmanuel Macron et par tous les partis politiques sans aucune exception. François n’avait-il pas traité les avorteurs de « sicaires », c’est-à-dire de tueurs à gage ! Il fut ainsi un vigoureux défenseur de la vie innocente.
Il fut donc pour l’essentiel un pape catholique qui mérite les prières des foules de fidèles qui vont se rassembler pour ses obsèques.
Bernard Antony