On s'attendait à de mauvaises surprises comme en témoignent nos récents articles. Mais pas forcément au pire du pire. Et pourtant... Les uns, à Washington, ont crié : « Assomme ! » et les autres, à Moscou, ont crié : « Tue ! ». Après le traquenard de la Maison-Blanche, la place Rouge jubile et en remet plusieurs couches avec son habituelle sens des nuances bolcheviques.
Le dirigeant russe Kirill Dmitriev, donné comme un négociateur possible pour la paix (!), se réjouit du camouflet infligé au président ukrainien. La porte-parole de la diplomatie (sic) russe, elle, s'est félicitée du sort réservé à « l'ordure Zelenski ». L'homme-lige de Poutine, Dimitri Medvedev, a remercié Trump d'avoir dit ses vérités au « clown cocaïnomane Zelensky, ce porc insolent qui a reçu une bonne correction ». Dis-moi qui sont tes amis, je te dirai qui tu hais...
Pour notre part, nous sommes tout à la fois solidaires et admiratifs du courage de Zelensky. Face à Trump et Vance qui l'ont joué bad cop et bad cop, il est resté digne. Sans jamais répondre agressivement aux turlutaines que les deux compères, accrochés à leur proie, n'ont cessé de proférer.
Reste qu'à plusieurs reprises, on a pu voir – et on a souffert pour lui – son visage se décomposer. Comment accepter sans broncher d'être accusé d'être un fauteur de guerre (et pas n'importe laquelle, la troisième guerre mondiale !) tandis que Poutine, l'agresseur et l'envahisseur, était cajolé par les propos de Trump ? Comment répondre à Vance (qui avait déclaré en 2022 « se foutre complètement de ce qui se passe en Ukraine ») accusant Zelensky, hors cadre et hors sujet, d'être « irrespectueux » à l'égard du peuple américain ?
Pour feindre de répondre positivement à certains Européens qui lui avaient demandé de recevoir Zelensky, Trump s'est exécuté. Mais pour l'humilier. Et de surcroît face au monde entier – une dégueulasserie inédite à ce jour, unique en son genre -, allant jusqu' lui reprocher ses vêtements... Cela laissera des traces. L'Ukraine, exsangue après trois années de guerre, est bien évidemment tributaire (comme à terme l'Europe, n'en déplaise à Macron) de l'aide américaine. Mais pas à n'importe quel prix.
Après avoir quitté la Maison- Blanche, Zelensky, à qui Trump et Vance avaient reproché de ne pas dire assez « merci », a évité de rajouter de l'huile sur le feu. Même si on peut voir une pointe d'ironie sous l'avalanche de « mercis » contenus dans son communiqué : « Merci à l'Amérique, merci pour votre soutien, merci pour cette visite. Merci à vous, au Congrès, au peuple américain, merci ».
Dans les jours à venir, Trump devrait rencontrer Poutine (sans doute en Arabie saoudite). Avec lui, il sera tout miel, complaisant, complice. Une complicité tellement criante qu'on finit par se demander, sans tomber pour autant dans le complotisme, si Trump n'est pas tenu par les services russes, le KGB hier, le FSB aujourd'hui. Peut-être depuis son premier voyage à Leningrad en 1987. Un voyage en URSS organisé par la fille de l'ambassadeur soviétique à l'ONU (on sait aujourd'hui qu'elle était de la Loubianka) et l'agence de tourisme GosComIntourist qui était un instrument du KGB.
Depuis 2000, Trump n'a jamais critiqué Poutine. Et tout au contraire. Récemment Poutine a renvoyé l'ascenseur en se disant favorable à des investissements américains pour exploiter des minerais stratégiques dans le sol des territoires ukrainiens occupés militairement par Moscou. Dans ce partage du butin entre mafieux, Zelensky et les Ukrainiens sont des gêneurs. A ce titre, Trump et Poutine veulent, à des degrés divers mais avec un même cynisme, en finir vite avec ce peuple héroïque qui ne veut pas se coucher. Rien n'est encore écrit.
Alain Sanders