La honte de l'Occident...
S'il nous fallait résumer, en une seule phrase, l'inépuisable dérive poutinienne d'un conglomérat politique plutôt « droitiste », installé à CNews, Europe 1, Le Journal du Dimanche, le JD News, L'Incorrect, Omerta, Frontières, Boulevard Voltaire, etc., il suffirait de citer Arthur de Watrigant.
Dans un récent éditorial de L'Incorrect (il y est directeur de rédaction), cet habitué des plateaux de CNew,s où il sert souvent de supplétif à Mathieu Bock-Côté, écrit : « Quant à Zelensky, il ne m'inspire guère de sympathie sinon celle d'un chef d'Etat souverain envahi par l'ogre russe, mais disons que les bombes allemandes n'empêchaient pas Churchill d'enfiler son complet plutôt qu'un vieux tee-shirt (sic) des plus suspects (resic) ». Quand on en est à ce degré d'argumentation crasse – et d'ignorance historique : Churchill fut plus souvent en kaki qu'en chapeau melon, difficile de faire pire dans un mépris de petit gommeux pédant.
Il n'est pas le seul. A commencer par Philippe de Villiers qui, via un édito dévotement poutinien dans Le Journal du Dimanche, a justifié et exalté l'occupation de la Crimée par la Russie (en s'appuyant sur des confidences de Poutine à lui faites...). A continuer avec Nicolas Dupont-Aignan qui trépigne d'impatience : « Sachons renouer des liens de confiance avec Moscou ». Ou encore le très pontifiant (« Monsieur j'ai tout vu-Monsieur je sais tout ») Renaud Girard du Figaro qui s'appliquait récemment à relativiser les provocations russes contre nos aéronefs, au motif que ces « incidents » s'étaient déroulés loin de la Corse ou de Marseille...
A cet engouement poutinien bien ancré s'ajoute désormais un trumpisme circonstancié (une sorte de trumpoutinerie somme toute...). Et une impudeur décomplexée pour célébrer, par exemple, Xenia Federova, agent du Kremlin et membre important de la chaîne de propagande moscovite Russia Today. Elle a ainsi été invitée chez Pascal Praud (dont nous avons souvent souligné ici-même les ambiguïtés) pour déverser des infox sans être jamais corrigée. Elle a eu droit aussi à deux pleines pages (avec photos) dans le JD News pour parler de ses exploits et du livre qu'elle vient de publier chez Fayard, Bannie. Sous la signature d'un certain Pascal Meynadier du JD News, ce livre est qualifié « d'ode à la liberté de la presse et au pluralisme sous le signe de Soljenitsyne ». Pas moins... Même le patron du magazine poutinophile Omerta, Régis Le Sommier, ancien de Russia Today, pensionnaire à CNews, chroniqueur au Journal du Dimanche, en est tombé sur les fesses...
A longueur de jours, ces médias poutinisés (qui viennent de ramener dans leurs filets Hervé Morin, ex-ministricule de la Défense), multiplient les articles pour annoncer l'anéantissement prochain de l'Ukraine. Et quand Kiev réplique en envoyant des drones sur Moscou, faisant de lourds dégâts au passage, les mêmes, qui sont très mesurés quand les Russes pilonnent à mort (au point que même Trump s'en est aperçu...) les populations civiles ukrainiennes, poussent des cris d'orfraie parce qu'il y a eu trois morts.
Criminel de la part des Américains d'abandonner l'Ukraine à ses envahisseurs ? Bien sûr. Mais tout aussi criminel de la part des Européens, au moins ceux macronisés ou macronisables, de laisser croire qu'ils vont pallier les manques américains abyssaux. Dans les premiers mois de la guerre, les Européens n'ont jamais soutenu à fond l'Ukraine quand tout se jouait : les contre-attaques ukrainiennes avaient pourtant permis de reprendre des territoires perdus à l'automne 2022. Zelensky le dira à l'époque : « On s'est arrêté faute de recevoir les munitions qu'on nous avait promises ». Protéger vraiment l'Ukraine alors qu'on ne sait pas – sinon Poutine... – de quoi l'avenir des pays Baltes, de la Moldavie, voire de la Pologne, sera fait ? Bullshit (comme dirait Trump) !
Il y a bien des années, écrivant les paroles des Partisans blancs avec Bernard Lugan, nous disions, rendant hommage aux combattants antibolcheviques de Denikine – trahis et abandonnés déjà par l'Europe et les Etats-Unis : « Votre agonie cruelle est la honte de l'Occident ». Et il y eut la Hongrie. Et il y eut Prague. Et il y eut Berlin-Est. Etc. Fasse Dieu que cette tragique litanie s'arrête-là...
Alain Sanders
