Par Michel Léon
La poutinolâtrie d’un désormais vaste éventail de la presse dite « patriote », des médias Bolloré (JDD, Cnews, Europe1), de Boulevard Voltaire, de L’Incorrect, épinglés par l’ami Alain Sanders, atteint son apogée avec Valeurs Actuelles. Sous la férule de Mériadec Raffray, le chef de son service étranger qui creuse obstinément la tombe médiatique de l’Ukraine depuis deux ou trois ans, il vient de se livrer à un aplaventrisme qui lui permettra d’espérer la médaille de Héros de la Fédération de Russie.
Le numéro du 12 mars nous assène des « vérités stratégiques », avec le « retour aux affaires de Donald Trump » qui « a dissipé le brouillard sur la scène géopolitique européenne ». Trump et le brouillard, c’est pourtant toute une histoire, déjà. Raffray rapporte avec gourmandise le cynisme du très contesté économiste américain Jeffrey Sachs, donneur de conseil à la Russie pour la sortir de la misère en 1991, dont les conséquences sur l’enrichissement oligarchique furent étrillées : « C’est fini parce que Trump ne veut pas soutenir un perdant, c’est tout ».
Avalanche de certitudes le long d’un pensum copié-collé des éructations de l’ambassade de Russie : « Ukraine game over », « la fin proche du héros Zelensky », « les Européens sont nus », « Emmanuel Macron le belliciste » (Poutine est un exemple de pacifisme), « La Russie plus forte que jamais ».
Cerise sur le gâteau, plutôt melon sur le medovik, un entretien de quatre pages photo pleine page en plan américain, le regard buté, de Piotr Tolstoï vice-président de la Douma dominée par le quasi-parti unique Russie Unie, avec des questions en mode de parfait cirage de bottes : « Q. : Les dirigeants européens seraient pris à leur propre piège ? R : Bien sûr (…). Les dirigeants européens ont tellement poussé loin leur délire antirusse qu’ils ne peuvent plus reculer ».
Une couche supplémentaire un peu plus loin avec l’entretien double page de Jacques Sapir, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, qui a eu son rond de serviette sur la chaîne russe RT France, a mangé le bitume avec les dents à maintes reprises en jurant au fil des ans que l’explosion de l’euro était imminente et que la sortie de l’Italie de l’union monétaire serait réalisé avec les BOT. Ces bons du trésor présentés comme monnaie fiduciaire alternative avaient été préparés par Matteo Salvini, aujourd’hui pur relais russe dans la droite italienne, sûr que « Poutine veut la paix ». 850.000 soldats russes tués ou blessés après trois ans d’invasion russe d’un territoire aux frontières reconnues par tous. Eblouissant.
Avec Sapir, mêmes questions embarrassantes qu’avec Tolsoï, ces bijoux du journalisme qui contiennent déjà la réponse : « Q. : L’Europe s’est-elle ridiculisée ou a-t-elle pris un risque pour sa sécurité à venir en soutenant l’Ukraine face à la Russie ? R. : Elle s’est ridiculisée ». Ce sera tout ?
Un filet de citron pour relever le tout avec un papier sur la Pologne où les nationalistes conservateurs « surfent » sur « la montée du sentiment anti-ukrainien », alors que les dirigeants centristes « s’accrochent à leur boussole atlantiste ».
C’est pourtant Trump qui aura cassé ladite boussole. Et qui vient de rétablir l’aide militaire à l’Ukraine.
Pas facile, la propagande.