Je ne me fais pour ma part aucune illusion sur ce que pourra bien être le nouveau régime syrien – si tant est qu’il n’y en ait durablement qu’un seul – des rapides triomphateurs de l’épouvantable régime des Assad père et fils. Mais, quoiqu’il puisse en être de ce que va instaurer le nouvel homme fort de Damas, Ahmed al-Chareh, alias al-Joulani, on ne saurait regretter la domination massacreuse et tortionnaire, tout au long d’un demi-siècle, du règne du parti Baas des Assad, père et fils, expression politique de la férule alaouite.
Pour nous Français comme pour les Libanais chrétiens, l’histoire de ce régime ne s’écrit hélas atrocement qu’en lettres de sang dans une effroyable systématisation de la torture. Je me souviens de ce qu’étaient à Tripoli les prisons que les Syriens venaient d’évacuer entre le 5 mars et 26 avril 2005 devant la révolte, après l’assassinat de Rafic Hariri, de toutes les composantes de la société libanaise, druzes sunnites et chrétiennes, bref, autres que celle du Hezbollah chiite et autres groupes pro-syriens.
Le 16 février auparavant, plus d’un million de Libanais avaient suivi les obsèques de l’ancien président du conseil. Des milliers de banderoles réclamaient le départ des Syriens. Sous la pression internationale, ceux-ci n’avaient pu que quitter le Liban qu’ils occupaient depuis vingt-neuf ans.
Conduits par des amis libanais réoccupant les lieux avec quelques militants de Chrétienté-Solidarité, nous fûmes saisis d’horreur devant ce qui demeurait encore de traces de l’encagement de leurs détenus par les Syriens. Combien de torturés en ces lieux, combien de mis à mort ?
Je ne crois pas utile d’esquisser aujourd’hui une description réaliste de ces traces témoignant de tout ce dont la perversité humaine est capable. Les enfers sur terre se suivent et se ressemblent… Fasse le ciel que demain les nouveaux maîtres ne soient pas de nouveaux tortionnaires, de nouveaux assassins…
Mais, pour l’heure, je plains ceux de nos compatriotes, notamment catholiques et de droite qui ont été jusqu’à ces temps derniers les inconditionnels du régime du mal et de mort des Assad sous la direction de leurs maîtres soviétiques puis néo-staliniens poutinistes. Ne pouvant pourtant que savoir à quoi s’en tenir !
Les Russes, il est vrai, n’ont pas tardé à reconnaître les nouveaux patrons de la Syrie. Après tout Poutine n’a-t-il pas déjà reçu chaleureusement les Talibans afghans en Russie ? Le plus important pour ce dernier n’est-il pas de conserver les bases russes de Lattaquié et de Tartous ?
Quoi qu’il en soit, nous Français, comme nos amis de la résistance chrétienne libanaise, nous ne pouvons que nous réjouir de la chute du dictateur Bachar qui n’aura gouverné que dans la continuité sanguinaire de son père.
Nous, nous nous souvenons de nos cinquante-huit paras assassinés au Drakkar le 23 octobre 1983, de Bachir Gemayel et de sa petite fille Maya également éliminée et encore de Pierre Gemayel, fils d’Amine Gemayel, assassiné lui aussi, lui encore, par les hommes de Bachar el-Assad. Mais la liste est immense de tous ceux que les Assad ont fait périr, souvent dans les pires tourments.
Que Bachar el-Assad doive donc être désormais l’hôte de Poutine, n’est pas pour nous déplaire. Sans doute n’y aura-t-il rien de bien plaisant dans sa nouvelle vie dans le poutinoland ? Rien pourtant à la hauteur des crimes innombrables par lesquels il aura marqué sa dictature.