mardi 12 novembre 2024

Texte à paraître en éditorial pour Reconquête


La planète vers un nouvel ordre mondial poutino-trumpiste ? « La honte de l’Occident ?»

Conformément à la constitution américaine, ce n’est que le 20 janvier prochain que Donald Trump prendra possession de la Maison Blanche pour son deuxième et dernier mandat jusqu’en 2029.

Mais, comme on le voit, il n’a pas attendu pour désigner dès à présent des responsables majeurs dans son gouvernement et son administration. Il a ainsi, la semaine dernière, confié le poste éminent de « chef de cabinet » (analogue à celui de secrétaire général de l’Élysée) à la très expérimentée Susie Wiles (67 ans).

Nul doute que, très vite, il pourra travailler avec l’ensemble des plus hauts responsables de son « brain trust », ministres et conseillers, notamment ses enfants préférés. Naturellement, nous Français, nous Européens, c’est à sa politique de relations internationales, autrement dit « les affaires étrangères », que nous nous intéressons en priorité.

Celle-ci implique d’ailleurs de vastes pans de la politique économique du pays souvent qualifié de « plus puissant du monde ». Comme on n’a cessé de le vérifier, notamment cet automne, à Kazan en Russie, au sommet des BRICS, cette année présidée par Poutine, ce dernier semble de facto, pour l’heure, l’animateur principal de l’ensemble assez hétéroclite et non sans dissensions des pays désormais dits du « sud global ».

Et dans cet ensemble, sinon une alliance dûment établie, du moins une entente entre la Russie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord, sorte de club des quatre de ce que le président Reagan aurait en son temps désigné comme « l’axe du mal », et, prioritairement, pour le moment, un pacte d’assistance militaire entre la Russie et la Corée du Nord, non seulement effroyable dictature et puissance nucléaire mais grande fournisseuse d’armes, et surtout d’obus par millions, au camarade Poutine.

« Totalitaires de tous pays, unissez-vous ! ».

Ainsi s’est mise en place depuis des années, en « poutinoland », une sorte de socle initial du système relationnel depuis longtemps dessiné par les propagandistes de l’idéologie eurasiste, tels qu’Alexandre Douguine, Konstantin Malofeïev, Dmitri Medvedev, Piotr Tolstoï… Mais bien sûr, il faut aussi observer les extensions de cet axe du mal aux pays que le jargon politico-médiatique désigne désormais par le terme de « proxis ».

Citons en premier la Syrie alaouite de Bachar el Assad avec la Russie pour proxénète ; l’Irak, majoritairement chiite sous contrôle iranien, le Hezbollah libanais, tentacule de l’Iran.

Poutine, on l’a vu, a également resserré ses liens eurasistes avec les abominables talibans afghans chaleureusement reçus au Kremlin, et aussi avec l’Azerbaïdjan, ennemi de l’Arménie. Il les a aussi renforcés avec Cuba, le Venezuela et le Nicaragua.

Enfin on a vu qu’en Afrique la milice russe interventionniste jadis appelée « Wagner » a été incroyablement rebaptisée « Africa Corps ». On sait que Poutine, qui prétend avoir envahi l’Ukraine pour la dénazifier (sic !), est en réalité fasciné par Adolph Hitler, son stratège modèle en matière « d’anschluss ».

Trump et ses conseillers en Affaires étrangères ne devraient tout de même pas ignorer cela.

On sait bien sûr l’intérêt prioritaire de Trump pour Israël et particulièrement, jusqu’ici, son soutien fervent à Benjamin Netanyahou. Cela ne devrait pas du tout se démentir durant ce second et dernier mandat à la Maison Blanche.

Et d’autant moins qu’il ne peut ignorer les vagues de l’antisémitisme déferlant désormais jusque dans le monde sportif, du Parc des Princes aux rues d’Amsterdam.

Alors, comment Trump pourrait-il être si indifférent au sort de l’Ukraine, comme semble hélas le laisser présager ses chaleureuses reprises de contact avec Poutine, pourtant l’ami de tous les ennemis des États-Unis ?

Ceci s’inscrirait alors dans une affligeante continuité des abandons-trahisons jadis de l’Europe de l’Est puis, après la chute du Mur, du Vietnam et du Cambodge, de l’Iran et de l’Afghanistan ?...

Certains nous objecteront que Trump ne veut plus que les USA continuent à financer une guerre en Ukraine trop coûteuse. Or, ce que les Américains affectent budgétairement à la résistance ukrainienne à l’invasion poutiniste russo-nord-coréenne n’est que dérisoire en regard de l’ensemble du budget militaire étasunien.

Et cet abandon ne leur coûterait-il pas cher, très cher ?

Car il sera le signal donné à Xi qu’il pourra bientôt s’emparer de Taïwan comme Poutine de l’Ukraine.

L’aide à Israël, certes nécessaire, ne coûte-t-elle pas plus cher, beaucoup plus cher, à l’Amérique que celle à l’Ukraine ? Pourtant, pourrait-on un seul instant imaginer que ce soutien à Israël puisse être interrompu tant que subsisteront les menaces génocidaires des barbares islamistes du Hamas et du Hezbollah, et celles de la Syrie et de l’Iran ?

Or, si Trump lâchait l’Ukraine, comme l’Amérique l’a honteusement fait des pays précités, ne serait-ce pas un immense cadeau fait à Poutine, redisons-le, cet ami de tous les ennemis d’Israël, ayant reçu chaleureusement au Kremlin les envoyés du Hamas, du Hezbollah et des Talibans ?

Ne serait-ce pas aussi la porte ouverte à toutes autres possibles conquêtes poutiniennes, pays jadis sous la botte soviétique, de la Géorgie et la Moldavie, la Finlande et les Pays baltes ? Et même de la Pologne qui s’arme le plus possible et sait pourquoi ! Abandonner le peuple ukrainien à la dictature tchékiste de Poutine, cela ne signifiera-t-il pas pour les chrétiens américains, catholiques, évangéliques et autres, une trahison déshonorante ?

Trahison des cinq millions de catholiques uniates rattachés à Rome ; trahison des plus de vingt millions de chrétiens orthodoxes au patriarcat de Constantinople ayant refusé, après l’invasion de leur pays, de demeurer plus longtemps sous la férule du patriarcat de Moscou insupportablement dirigé par le patriarche Kirill, ce grand ami de Poutine, comme lui pur produit du KGB !

Enfin, abandonner le peuple ukrainien, qui ne demandait que les armes nécessaires pour sa défense (et principalement des armes américaines !), cela entraînerait un formidable discrédit des États-Unis et un immense déshonneur pour Trump, une honte irrattrapable. Plaise au Ciel que Trump ne transige pas sur l’honneur américain. Ce serait l’échec de son appel au retour de la grandeur américaine. Il aurait donc bien travaillé pour Poutine !

Bernard Antony