lundi 28 octobre 2024

Les libres propos d'Alain Sanders

 

Grand Remplacement : ouette-toi d'là qu'j'm'y mette...

C'est d'oiseaux que je vais vous parler aujourd'hui. Un sujet moins... volatil(e) qu'on pourrait d'abord le croire. Un sujet qui pourrait peut-être même faire figure – suivez mon regard... – de parabole illustrative d'une certaine actualité. Mais je dis ça, je n'dis rien...

Les oiseaux en question sont les ouettes d’Égypte. Des « oies » (1) migrantes qui, au départ, ne fréquentaient pas nos régions. Jusqu'à ce que, dans les années 1970, des amateurs d'oiseaux rares et exotiques, s'entichent de ces ouettes et décident d'en accueillir et d'en installer sur notre territoire.

Il y a cinquante ans, on comptait 50 couples de l'espèce. Et ça restait gérable et contrôlable. Depuis, les ouettes se sont multipliées et leur croissance désormais exponentielle menace les espèces autochtones. Notamment les canards, les poules d'eau, les cigognes.

Le problème est même devenu crucial dans une commune du Bas-Rhin, Lanterbourg (agglomération de Haguenau). Comme en témoigne le premier adjoint de la ville, Pascal Koensgen : « C'est un oiseau capable de ruiner un espace public en moins de vingt-quatre heures. Les ouettes se comportent comme des squatteuses. En clair, elles arrivent dans les territoires inconnus pour les coloniser et chassent les espèces déjà installées, comme les cigognes, en squattant leurs nids ».

A Lanterbourg, où le plan d'eau et l'espace de loisirs attenant, envahis par les ouettes, sont devenus infréquentables (notamment à cause des tombereaux de fiente laissées par les squatteuses arrivées par les airs), on a tout essayé : barrières, filets, tirs d'effarouchement, etc. En vain. Selon un décompte de l'Office de la biodiversité, il y aurait désormais en France des milliers d'ouettes d'Egypte.

A l'origine, réparties depuis le sud du continent africain jusqu'au Moyen-Orient, les ouettes sont une espèce afro-tropicale (plus précisément : soudano-sahélienne). Elles sont présentes le long de la vallée du Nil (d'où « ouettes d’Égypte »).

Fiche d'identité des squatteuses (source : Faune sauvage, n° 296) :

« Comportement : l'ouette est plutôt grégaire pendant la période internuptiale, mais son comportement devient agressif pendant la reproduction. Le couple défend assidûment un territoire d’environ un hectare, évinçant les autres animaux (…)

« Habitat : c'est une espèce ubiquiste capable de coloniser tous les milieux susceptibles de lui convenir. En Europe, elle s'installe sur les plans d'eau urbains, les gravières et le long des fleuves et des rivières (…)

« Potentiel invasif : l'ouette est capable de se reproduire rapidement, avec des taux de fécondité élevés et un bon taux de survie. Son agressivité vis-à-vis d'espèces de taille supérieure à la sienne limite la prédation et pourrait être un facteur de sa croissance ».

Les ouettes d’Égypte sont aujourd'hui en mesure de coloniser l'Europe jusqu'aux pays scandinaves. L'introduction des ouettes est (en principe) interdite en France depuis le 30 juillet 2010 par arrêté ministériel. L'autorisation de tir contre cette « espèce non-indigène » a été donnée aux chasseurs, aux agents de l'ONCFS, aux lieutenants de louveterie (ces derniers sont autorisés à procéder à la stérilisation d’œufs d'ouette toute l'année). Ces mesures, comme on le voit dramatiquement dans le Bas-Rhin, restent incapables d'entraver l'invasion de squatteuses allogènes.

Mais pourquoi je vous raconte tout ça, moi ? Va savoir...

Alain Sanders

(1) Malgré ce nom euphoniquement proche du mot oie, l'ouette n'en est pas une, mais un oiseau de la sous-famille des Tadominées.