C’est sous le titre « Sur l’Ukraine Manuel Valls s’égare » que Luc Ferry a publié sa chronique de jeudi dernier 14 septembre.
Nous n’avons pas lu l’article de Manuel Valls pour lequel d’ailleurs nous n’avons pas plus de sympathie politique que pour lui.
Mais nous n’avons nul besoin d’aller rechercher ce que ce dernier a bien pu écrire de bien fondé ou non pour exprimer notre stupéfaction sur les flagrantes contre-vérités émises par l’ancien ministre du gouvernement Chirac-Raffarin.
À l’évidence, Ferry ne s’est pas fatigué pour émettre des assertions reprenant sur l’essentiel celles de l’affligeant positionnement de Nicolas Sarkozy sur la question. Nous en avons traité sur ce blog et dans le numéro de Reconquête qui vient de paraître. Nous lisons d’abord, avec quelque consternation pour le philosophe et le mythologue intéressant qu’est Ferry, qu’après quelques banales considérations médiocrement anti-atlantistes, il a, lui aussi, après tant d’autres, émis le débilissime lieu commun selon lequel l’Ukraine « est un pont entre la Russie et nous ! » (sic !).
Drôle de pont en vérité ! Que la Providence nous préserve de pareils ponts ! Car pour l’heure, depuis le 24 février 2022, du fait de ladite « opération militaire spéciale » de Poutine (qui devait être réglée en moins de quinze jours pour « dénazifier (sic !) l’Ukraine »), ce « pont », en bien de ses régions, est surtout devenu un champ de ruines. Mais on nous dira peut-être aussi demain que les Pays baltes, la Pologne, la Tchéquie et la Slovaquie, la Roumanie, la Moldavie et la Bulgarie, devraient être aussi des ponts…
Selon la conception soviéto-poutinienne – et de Sarkozy et de Ferry ? – des relations internationales : des ponts peut-être mais pour faire passer les chars ! Ferry se discrédite ensuite en osant écrire la parfaite contre-vérité selon laquelle « ce sont les Ukrainiens qui ont enclenché la mécanique de la guerre en décidant dès 2015 de soumettre les régions séparatistes par les armes… ».
Ce Ferry-là devrait pour le moins savoir que c’est en 2014 que Poutine a déclenché dans le Donbass ukrainien la première phase de sa criminelle guerre d’invasion ; après avoir au préalable infiltré massivement des agents russes ayant pour mission la manipulation indépendantiste des populations russophones.
Objectif en grande partie non atteint puisqu’on a vu que dans le Donbass comme à Marioupol en passant par Kharkiv, ce sont les populations dites russophones qui ont aussi héroïquement résisté que les autres ukrainiens. Ce, au prix des massacres et atrocités que l’on sait.
Ferry évoque ensuite les « accords de Minsk » que, selon lui et les poutinophiles tièdes, les Ukrainiens n’auraient pas respectés.
Nous ne pouvons ici commenter le long texte des accords dits de Minsk II qui vinrent après un premier accord intitulé « Protocole de Minsk » (Minsk I) signé le 5 septembre 2014, ce que Ferry ignore nécessairement puisqu’il fait commencer la guerre en 2015…
Après l’échec de Minsk I de nouveaux accords furent négociés et signés le 12 février 2015, ce fut le protocole de Minsk II.
Quoique formellement signataire, mais refusant une interprétation fédéraliste du nouveau texte, Petro Porochenko, qui avait été élu président de l’Ukraine en mai 2014, va alors maintes fois répéter, jusqu’à la fin de son mandat en 2019, que l‘Ukraine doit rester un pays uni.
La crise va donc se nouer sur le choix entre une interprétation décentralisatrice, fédéralo-autonomiste ou séparatiste des accords de Minsk II.
La voie de la négociation était évidemment la meilleure.
Mais c’est ce à quoi fit semblant de se rallier Poutine puisque le 22 février 2022, l’avant-veille même de l’invasion, il osera encore affirmer « qu’il n’a massé son armée le long des frontières de l’Ukraine que pour des manœuvres ».
Nous serons alors très seul à ne pas croire un mot de cet énorme mensonge. Et nous affirmons le 23 février sur Radio-Courtoisie notre absolue certitude « qu’on ne masse pas 190 000 hommes sur les frontières de l’Ukraine pour organiser des pique-niques géants sur les rives du Dniepr !».
Le plus triste est que la plupart des poutinophiles français, qui affirment alors leur conviction du contraire et jurent que jamais ils n’approuveraient une invasion de l’Ukraine, adopteront ensuite les plus hallucinants arguments poutiniens pour approuver l’abomination sanglante de cette invasion. Quant au très affligeant Luc Ferry, dans la plénitude de son poutino-sarkozysme, il ne s’est évidemment pas soucié d’expliquer à ses lecteurs du Figaro comment, sur la question des accords de Minsk II, il pouvait bien oublier la très cynique déclaration ultérieure de Poutine émettant son total mépris pour ces accords !
Soit Ferry est sur ce point un ignorant, soit, comme Sarkozy, il avalise les mensonges de Poutine.
Hélas aussi, après leur acceptation de l’invasion, viendront encore les accablants propos de Macron adjurant les États occidentaux de ne « surtout pas humilier la Russie ! ».
Posture qui est aussi celle des Américains pour éviter toute escalade avec Poutine et ne pas livrer ainsi aux Ukrainiens les armes grâce auxquelles ces derniers auraient pu, dès l’hiver dernier 2022-2023, mener à terme leur contre-offensive.
Celle-ci aurait causé alors la défaite russe et la crise du régime poutinien, entraînant la fin de l’utopie eurasiste et néo-soviétique portée par le douguinisme fou de l’actuel dictateur grand réanimateur de la mémoire et du culte de Staline.
Mais de cela, ni Ferry ni Sarkozy n’ont cure.
Combien de temps encore propageront-ils les contre-vérités de la propagande poutiniste ?
PS : Alain Sanders et moi suivons avec un grand intérêt les nouvelles de l’envoi en mission en Algérie par Poutine du général Sergueï Sourovikine, jadis connu en Syrie comme « le boucher d’Alep ».