Le retour du « Général Armageddon »
Les alias de Sergueï Sourovikine le résument mieux que de longs discours : « Général Armageddon » et « Boucher d'Alep »... Dire qu'il a le sang de ses massacres – Afghanistan, Tchétchénie, Syrie notamment – jusqu'aux oreilles serait encore ne rien dire de ce tueur inspirateur un temps (et Dieu sait s'ils ont de l'imagination pourtant) des criminels de Wagner.
Mis en cause pour ses connivences avec Prigojine, il avait disparu du paysage stalino-poutinien après le puputsch du 24 juin dernier. Certains avançaient même qu'il avait été purement et simplement éliminé.
Surprise ! Sourovikine est de retour ! Et pas à la sournoise, pas au détour d'un bouge ou d'une antre à vodka, mais dans le cadre d'une visite officielle dont il aura été le patron. Pas n'importe où. En Algérie. Où la haine anti-occidentale en général et anti-française en particulier est de règle. On le voit en tenue civile (mais connotée mili) aux côtés d'officiers russes chamarrés comme des portiers du Carlton et de l'imam de la Grande Mosquée d'Alger, Abou Abdallah Zehar, qui lui a lu des extraits du Coran…
Cette convergence Alger-Moscou ne date pas d'hier. L'aide apportée par l'URSS au FLN lors de la guerre dite d'indépendance n'est plus à raconter. Et l'on sait que l'Algérie continue, jusqu’à aujourd'hui, à payer son alignement sur le « modèle communiste » dans les années soixante, ruinant d'un même élan son économie et ses richesses agricoles (la région d'Oran, qui était le verger et le jardin du Maghreb, à l'époque française, deviendra une misérable plaine enlaidie d’usines qui ne fonctionnèrent jamais...). Les deux complices d'hier que furent l'Algérie benbellesque et l'URSS n'ont guère changé, même si leurs satrapes se nomment désormais Tebboune et Poutine. Ils se flairent, il se sentent, ils se reconnaissent.
Ce qui est plus intéressant (et plus inquiétant) par-delà ce voyage, c'est le retour de Nosferatu. Peut-être aura-t-il, dans les mois prochains, un « accident » d'avion qui l'enverra rejoindre Prigojine. Il n'en reste pas moins qu'il revient – et cela relève du seul choix de Poutine – par la grande porte. Il avait été démis de ses fonctions... la veille de l'« accident » qui a arraché le chef de Wagner à notre affection. Il a donc retrouvé son grade et, s'il n'est plus chef de l'armée de l'air russe, il a été recyclé au sein du ministère de la Défense. Il n'aura pas une deuxième chance.
Sa mission est double. D'abord récupérer et faire fructifier l'héritage de Wagner en Afrique (c'est dans ce cadre que doit se comprendre sa visite à Alger précédée, il y a quelques semaines, par celle de Tebboune venu faire allégeance à Poutine à Moscou). Ensuite la surveillance de la CEI (Communauté des États indépendants, soit huit anciens pays soviétiques sous la férule de la Russie dont Moscou a besoin dans sa guerre contre l'Ukraine). A cet effet, un Comité militaire spécial russe, chapeauté par le « Boucher d'Alep », a été tout récemment créé (avec un encadrement sélectionné par Sourovikine, un encadrement à faire pâlir d'envie les soudards de Wagner). Nous aurons l’occasion d'y revenir.
Un mot d'un autre furieux, véritable icône des poutinistes français (extrême-droite païenne et extrême-droite tradi baba devant les orthodoxes confondues), Alexandre Douguine. Il vient de saluer en ces termes le rapprochement de la Russie et de la Corée du Nord : « C'est une merveilleuse initiative. La rencontre et la négociation entre le président russe Vladimir Poutine et Kim Jong-un, le chef héréditaire de la République de Corée du Nord, appartenant à la dynastie ensoleillée des Kim, ont été l'occasion de multiples discussions au Forum économique mondial (…). Aujourd'hui, après un an et demi d’une opération militaire spéciale dramatique, nous ne pouvons compter que sur l'aide de ceux qui se sont résolument engagés sur la voie de la lutte totale contre la domination occidentale (…). Et ce sont aujourd’hui, en premier lieu, la Corée du Nord et l'Iran. Et aussi la Biélorussie, mais nous ne faisons qu'un avec elle ». L'Iran et la Corée du Nord. Il faut que les poutinistes français aient l'estomac bien accroché...
Alain Sanders