lundi 11 septembre 2023

Les libres propos d'Alain Sanders

 

Un séisme – aussi – diplomatique

Macron, hué au Stade de France, persona non grata au Maroc...

Avec le match d'ouverture du Mondial de rugby au Stade de France, Macron voulait faire un coup de com en surfant sur la popularité de l'Ovalie. Las... On ne papouille pas, on ne tripote pas, on ne triture pas les amateurs de rugby comme on le fait avec un Mbappé. Il a ainsi été hué au point de ne pouvoir se faire entendre, même en s'égosillant.

Il aurait bien aimé se refaire la cerise avec les bras cassés du G20 indien où, nain de jardin transparent, il a essayé de se faire prendre en photos au milieu des Gulliver de circonstance. Encore raté... Le séisme qui a frappé notre cher Maroc est venu bouleverser son emploi du temps. Et rappeler qu'il aura réussi cet exploit de nous fâcher avec un royaume avec lequel nous avons des liens très forts depuis Louis XIV !

Il a bien sûr dit combien il était bouleversé, consterné, concerné par la catastrophe. Et affirmé son souci d'apporter l'aide la France. Sans succès. SM le roi Mohammed VI, contre lequel certaines officines françaises ont fabriqué des montages indignes (comme une vidéo récente où l'on voit le roi « tituber » dans les allées du Champ-de-Mars, laissant supposer on ne sait quoi, alors que le souverain avait juste trébuché), n'est pas vraiment pour le pardon des offenses. Surtout envers un godelureau qu'il tient pour pas grand chose. Il a donc observé un silence poli. Dans le même temps qu'il acceptait officiellement l'aide de l'Espagne, de la Grande-Bretagne, du Qatar et des Émirats. Ego sum leo...

On nous dit, Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères, en tête, qu'il ne faut pas « surinterpréter » ce froid diplomatique (une véritable glaciation, en fait, il n'y a plus d'ambassadeur marocain à Paris depuis des semaines) entre les deux capitales. Et pourtant...

Et pourtant le dossier est lourd : le refus autiste de Macron de reconnaître (à la différence de l'Espagne, d'Israël, de l’Allemagne, des États-Unis) la marocanité du Sahara atlantique, cette Alsace-Lorraine chérifienne ; l'histoire de cornecul des prétendues écoutes « Pégasus » ; l'alignement servilement femmelin de Macron sur l'Algérie (plus Alger nous insulte, plus il se couche) ; etc. Au moins deux ans de brouilles et d'embrouilles et un Macron qui se permet de parler à Mohammed VI comme on ne parlerait pas à un chaouch. Ces mauvaises manières ont profondément – et hélas durablement – heurté les susceptibilités d'un pays souverain. Et ce ne sont pas des larmes de crocodile circonstancielles qui vont réparer l'irréparable.

Ancienne dirigeante de l'ONG Action contre la faim, Sylvie Brunel note : «  Le roi Mohammed VI veut garder la main sur son pays. C'est aussi une forme de fierté nationale (…). Rabat refuse d'être un vaste champ d'opérations humanitaires dont il n'aura plus la maîtrise ». En un mot : le Maroc n'est pas Haïti...

A Rabat, SM Mohammed VI, qui s'est rendu dans la région de Marrakech et les villages du Haut-Atlas dévastés par le séisme, a installé une cellule de crise permanente avec son fils, le futur Hassan III, âgé de 20 ans. C'est d'abord cela la monarchie : la transmission. Les Forces armées royales ont reçu des instructions précises pour se déployer dans la province d'El Haouz (épicentre du séisme). Quant au peuple marocain, il est mobilisé pour aider les sinistrés et fait la queue dans les centres de transfusion pour donner son sang.

Avec ses vrais amis, le Maroc fait face. Il sortira renforcé de cette terrible épreuve. Macron passera. Rabat et Paris, libérés de ce boulet, renoueront leurs relations d’amitié plusieurs fois séculaires.
Alain Sanders