Le temps béni des colonies ?
Les événements du Niger aidant (si on peut dire), nous sommes assaillis depuis quelques jours par des discours expliquant, sur tous les plateaux télé, que « tout ça », c’est la faute de la colonisation. Plus de 60 ans après la décolonisation ? Bigre…Heureusement que nous autres, Gaulois jadis colonisés par les Romains, ne sommes pas aussi vindicatifs à l’égard des Italiens…
Pour remettre un peu l’église au milieu du village, quelques exemples de défense de la colonisation par d’anciens colonisés qui n’ont pas, eux, la mémoire courte.
On commencera par citer un ancien combattant de la rébellion touareg, Ousman Ag Mahmoud, qui expliquait pourquoi, après la décolonisation, les choses avaient mal tourné :
– La colonisation a été pour nous une période d’aisance. Chacun avait assez pour vivre. Il n’y avait pas de banditisme, ni de contrebande. Le pays était tranquille. Il n’y avait pas de problèmes. C’était la paix et la prospérité.
On continuera avec un texte de Mahorou Kanazoe, du Burkina Fasso, publié dans Témoignages, journal de La Réunion, fondé en 1944 par Raymond Vergès (oui, oui, de la famille de Maître Vergès, avocat du FLN et des Khmers rouges…), journal communiste et donc peu suspect d’indulgence à l’égard du colonialisme. Le titre lui-même de l’article est en soi la seule vraie question : « A quoi sert l’indépendance quand on a faim ? ».
Evoquant la célébration des indépendances des pays l’Afrique francophone, Kanazoe commence par remarquer qu’elle a coïncidé avec une flambée des prix alimentaires. D’où cette interrogation :
– Quelle fierté les Etats africains ont-ils à célébrer quand ils ne sont pas en mesure de nourrir leurs populations ? Car la première des libertés à conquérir, c’est celle de l’autosuffisance alimentaire. Ce qui est loin d’être le cas dans l’espace ouest-africain.
Et il continue : « La plus grande bataille qui vaille, celle de la sécurité alimentaire, commence à peine. Pourtant, dès les années 1960, certains esprits visionnaires comme l’agronome et écologiste français René Dumont avaient tiré la sonnette d’alarme. Dans l’euphorie de la souveraineté, on le considérait peut-être comme un trouble-fête. Force de reconnaître que ces indépendances chèrement acquises ont été mal gérées. Et il ne serait pas étonnant que l’on voie un jour des nostalgiques de la période coloniale réclamer que les pays africains reviennent dans le giron de l’ex-puissance. »
Donnons encore la parole à un professeur d’université malien, Tidiane Diakité qui, dans L’Afrique malade d’elle-même (éditions Karthala), écrit :
– Le seul développement dont on puisse parler actuellement, qu’il est possible à chacun de constater en Afrique aujourd’hui et qui est largement partagé d’un bout à l’autre du continent, c’est le développement de la misère. Tous ceux qui avaient cru que l’indépendance allait permettre à l’Afrique noire de relever le défi des siècles, sont déçus. Cette indépendance semble au contraire, pour l’instant, signifier une descente lente mais sûre au fond des abîmes de l’histoire des peuples. Si, au lendemain des indépendances, l’Afrique apparaissait comme un bébé apprenant à marcher, après un quart de siècle [et depuis ce livre plus d’un demi-siècle] de souveraineté nationale, elle est en passe de devenir un paralytique qui ne marchera pas.
Rappelons que le professeur Diakité dressait ce sombre constat en 1986. Depuis, l’Afrique noire a accéléré son recul sur tous les fronts : économique, social, culturel, politique, sécuritaire, santé, etc. Et il faut bien chercher pour dégotter une région du continent africain qui ne soit pas en situation de guerre ouverte ou larvée.
Dans son essai, qui fait désormais autorité, La Désinformation autour de la colonisation (Atelier Fol’fer), Arnaud Raffard de Brienne remarquait : « Les Africains les plus lucides n’ont que mépris pour les mensonges de la clique tiers-mondiste occidentale qui, par distorsions de la réalité et mensonges avérés, hypnotisée par une idéologie mortifère, continue à mentir sur les vraies causes de la course à l’abîme du continent africain. »
Parmi les plus coupables, ne serait-ce que parce que nous sommes concernés au premier chef, la France. Son si long commerce avec l’Afrique noire aurait dû lui permettre d’être au fait de certaines réalités internes du continent africain. Au lieu de quoi, elle se complaît, comme le souligne le professeur Diakité, dans une attitude distordue : « Cette attitude se résume par des flatteries continuelles ; on parle alors de sérieux dans un pays où il existe tout sauf le sérieux ; on parle de progrès là où le déclin est manifeste ; on qualifie de courageux un peuple qui consacre le plus clair de son temps à danser, à boire, à mendier. »
Nous ne pouvons qu’inciter nos lecteurs, encore que ceux-là sachent à quoi s’en tenir, à aller surfer sur les sites internet de la communauté africaine en France pour voir que ce langage de vérité n’a rien d’exceptionnelle.
Si l’on veut bien se souvenir de ce qu’était le système médical en Afrique, un système légué clefs en mains aux pays nouvellement indépendants, on ne peut qu’avoir le cœur serré en lisant ce qu’en dit le professeur Diakité : « Les hôpitaux africains offrent (…) un reflet de l’injustice sociale qui est un fait patent dans les sociétés africaines de nos jours ; c’est là qu’apparaît sans doute le mieux la dureté des mœurs des Africains ; c’est aussi en ces lieux que les faits, les gestes et les actes, détruisent à jamais ce fameux mythe de la solidarité africaine. »
On le comprend : les premières victimes d’une décolonisation bâclée sont les ex-colonisés eux-mêmes. Ce que Jean Raspail a ainsi résumé : « Il n’y a pas d’œuvre civilisatrice sans amour, et celle de la France fut immense. Sans nos missionnaires, nos soldats, nos marins, nos découvreurs et même nos commerçants, qui bâtirent l’Empire colonial français aujourd’hui disparu, des dizaines de millions d’individus sur cette terre ne seraient jamais sortis de la nuit. Et si certains y retournent aujourd’hui, c’est parce que nous ne sommes plus là pour éclairer leur chemin. »
De nos jours, avec un recul suffisant, la plupart des spécialistes économistes et des historiens, parmi lesquels de nombreux décolonisés décomplexés, n’hésitent plus à dire et à écrire que la décolonisation gaullienne, hâtive et bâclée, a été une tragédie.
Le Pape Pie XII, qui était favorable à des indépendances « justes et progressives », ne manqua pas de mettre en garde les jeunes nations contre les violences qui les mèneraient au chaos, à l’anarchie, à l’esclavage. Il ne fut pas entendu.
Les afro-centristes, qui sont majoritairement des Blancs, expliquent contre toute vérité historique que l’Afrique aurait commencé à décliner quand les Européens l’ont approchée. C’est un Noir américain, Clarence Earl Walker, qui leur a définitivement répondu :
– L’afro-centrisme caricature l’Afrique en considérant comme homogènes les diverses expériences que les Africains ont vécu dans le temps et l’espace (…). Contrairement aux affirmations (…), l’afro-centrisme ne constitue nullement une nouvelle historiographie fondée sur des aspirations, des visions et des concepts africains.