Il y a vingt ans, Jean-Louis Delayen (1921-2003) nous quittait
Né à Saint-Raphaël en 1921, fils d’un colonel ayant fait toute sa carrière dans la Coloniale, Jean-Louis Delayen passe une partie de sa jeunesse au Maroc et en Indochine, au gré des affectations de son père.
En 1935, il intègre le Prytanée militaire de La Flèche. En 1940, il tente de passer en Angleterre mais, faute de trouver un bateau, il décide de gagner le Maroc, via l’Espagne. Il s’engage dans l’armée et se retrouve au 6e régiment de tirailleurs sénégalais. Il passe ensuite au RICM (régiment d’infanterie coloniale du Maroc), l’unité la plus décorée de l’armée française.
Nommé aspirant, il est du débarquement en Provence (où il se fait remarquer lors de la libération de Toulon), de la campagne des Vosges, de la Marche du Rhin. Le 13 novembre 1944, il est blessé à Rosenau. Ce qui lui vaudra de faire le titre de une du New York Times : « Premier officier allié à atteindre le Rhin ».
Peu de jours après, il est très grièvement blessé à Battenheim et donné pour mort. Il survit. Après cinq mois de soins et de convalescence, il est nommé sous-lieutenant (décembre 1944) et se porte volontaire pour l’Indochine.
Il y arrive en 1945 avec le RICM. Comme il parle le vietnamien, il est nommé officier de renseignements. Avec six Tonkinois, il met sur pied un des premiers commandos indigènes, les commandos du Nord-Vietnam. Blessé au combat, il est élevé au grade de lieutenant en 1946. En 1947, il reçoit la Légion d’honneur.
Il rentre en métropole en 1948. Le temps de se retaper et retour en Indochine, d’abord de 1949 à 1952, puis de 1953 à 1955. Avec ses partisans, souvent déguisés en Viets, il écume le delta à bord de cinq jonques et d’un sampan.
Quand De Lattre officialise une quarantaine de commandos du Nord-Vietnam, le capitaine Delayen, qui a choisi comme emblème la chauve-souris, prend le commandement du commando du RICM : « Avec son uniforme noir et son style de chef de bande, il s’impose comme un des rares hommes encore capables de comprendre et de gagner cette guerre. Plus que des troupes régulières qui font du volume et du bruit, mais donnent l’alerte, les Viets craignent les partisans pour qui la surprise et les ténèbres sont les plus fidèles des alliés. La population, enjeu de cette guerre, découvre que des Français comme Delayen savent aussi la mener, au poignard et à la grenade. Loin des états-majors, Delayen hausse les épaules quand on traite ses hommes de pirates. Et ses raids en territoire ennemi sont de plus en plus audacieux ».
Lors de son troisième séjour, Delayen prend le commandement du « groupe de débarquement » (deux cent cinquante hommes basés à Haïphong). Il va mener des opérations efficaces sur le Mékong et jusqu’à Tahket au Laos.
En 1955, on lui confie le commandement du 1er bataillon d’infanterie de marine vietnamien. En 1956, il dit adieu à l’Indochine et rejoint l’Algérie.
Nommé d’abord au Centre d’instruction amphibie d’Arzew, il est demandé par le commandement Ponchardier comme conseiller technique de la demi-brigade de fusiliers-marins stationnée à Nemours, sur la frontière marocaine.
Reprenant des méthodes éprouvées en Indochine, il forme, avec des harkis, le Commando Yatagan. Avec du bilan : 600 fellaghas anéantis en quelques semaines. Il est nommé chef de bataillon en 1958 et commandeur de la Légion d’honneur en 1959.
A près de 40 ans, il est breveté para et assure le commandement des commandos de chasse dans l’Afkadou. Début 1962, il a le commandement du bataillon d’infanterie de marine de Tahiti. Il y restera trois ans, nouant de solides amitiés avec les Américains et les Australiens. Il va suivre un stage de formation chez les Marines au Command and Staff College de Quantico.
Rentré en métropole, il commande le 2e RIMa (camp d’Auvours, près du Mans). Appliquant la « méthode Delayen », il fait de ce régiment d’infanterie de marine (où j’ai eu l’honneur de servir sous ses ordres) un des fers de lance de la 10e DP.
En 1972, dans un Tchad ravagé par la guerre civile, il est nommé conseiller du général commandant en chef des forces armées tchadiennes. Il y restera six ans.
En 1975, admis à la première section des officiers généraux avec le grade de général de brigade, il passe brièvement au ministère de la Coopération avant de rejoindre la cadre de réserve en 1978.
De 1978 à 1989, il vit dans une péniche sur les quais de la Seine, puis rejoindra son épouse américaine et son fils aux Etats-Unis. Il est mort en Virginie en 2003.
Jean-Louis Delayen est enterré dans sa ville natale, Saint-Raphaël. Ses obsèques furent célébrées par le Père Heinrich, ancien aumônier à Diên Biên Phu. A la demande de Delayen, son cercueil fut accompagné par les marsouins du RICM et du 2e RIMa au rythme du chant Marie-Dominique. En 1996, le général Delayen avait été élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur.
Alain Sanders
Georges Fleury lui a consacré un livre qui fait autorité : Le Baroudeur. Les 4 guerres du général Delayen (Grasset).