La première conclusion que l’on peut tirer de l’extraordinaire journée du samedi 24 juin 2023 en Russie, c’est que, contrairement à ce que certains ont pu croire, il ne s’est nullement agi d’une mascarade concoctée par les deux anciens camarades mafieux de Saint-Pétersbourg : Poutine et Prigojine.
Non. Comme nous en fûmes persuadé par certains détails des premières nouvelles de ce jour-là, et surtout par la gravité de ton de Poutine lançant son alerte à la trahison, l’entreprise wagnérienne de Prigojine dont les blindés fonçaient sur Moscou ne relevaient pas d’une comédie montée par les services du FSB ou autres officines de la continuité russo-tchékiste.
Comme nous l’exprimâmes successivement à trois de nos plus proches amis, il nous paraissait très probable que l’affaire était sérieuse et que des deux principaux protagonistes, Poutine et Prigojine, inéluctablement l’un des deux aurait la peau de l’autre.
Nous ne croyons donc pas du tout à la possibilité d’une réconciliation entre les deux hommes et encore moins, pas un seul instant, à ce que la promesse d’amnistie faite par le Kremlin pourrait être tenue pour Prigojine. Naturellement, il sera intéressant de savoir - car cela, tôt ou tard, sera connu – quelles ont été les éléments des tractations conduites, a-t-on dit, par le dictateur biélorusse Loukachenko, totalement inféodé à Poutine.
Mais cette fois, ce dernier a en effet été bel et bien humilié, terriblement humilié et croire qu’il pourrait charitablement « passer l’éponge » sur cette tentative wagnérienne de le dégommer relèverait selon nous d’une ahurissante naïveté.
Ce serait le considérer comme un doux petit frère des pauvres, façon orthodoxe, que d’imaginer cela de lui, lui l’admirateur du monstrueux Dzerjinski ; lui le laudateur du démoniaque Staline, lui l’exécuteur impitoyable non seulement de tous ceux qu’il a considérés comme des traîtres mais de tous ceux qu’il entendait éliminer tout simplement parce qu’ils le gênaient.
On peut toujours gloser sur ce que le dictateur Loukachenko, tout aussi dénué de scrupules que son maître Poutine et que son ami Prigojine, aura pu promettre à ce dernier de la part du premier. Mais peut-être Poutine avait-il dans son jeu une carte maîtresse pour faire plier aussi vite Prigojine ?
Cette occurrence aurait passionné un Volkoff…
Quoi qu’il en soit, redisons-le, nous pensons qu’en effet le pronostic vital de Prigojine est désormais engagé.
Dès maintenant, Poutine mettra à ses trousses autant de tueurs du FSB et autres officines de liquidation qu’il en faudra, manieurs de piolets comme Ramon Mercader, le zigouilleur de Trotski envoyé par Staline ou professionnel du maniement du « parapluie bulgare », ou encore, spécialistes en injections de dioxine.
Mais quid de l’avenir de Poutine et du poutinisme ? Certes le dictateur a réchappé à ce qui, ce samedi, prenait les apparences d’une tentative de putsch militaire wagnérien.
Mais il n’en demeure pas moins qu’il n’a emporté qu’une victoire à la Pyrrhus.
Car il est désormais, plus que jamais, un grand champion en « hétérotélie » ! Car il n’a à ce jour obtenu rien de ce qu’il visait le 24 février 2022.
Son « opération militaire spéciale » en Ukraine, qui devait être accomplie en quelques jours, se solde certes par de terribles destructions pour l’Ukraine et de grandes saignées et souffrances pour son peuple héroïque, mais les pertes subies par l’armée russe sont immenses.
Et voilà que c’est désormais en Russie que l’on se bat ! Non ! Pas tant ce dernier samedi mais avec l’apparition de toute une galaxie de résistances civiles et militaires à la dictature, comme dans la région de Belgorod où, depuis plus d’un mois, des patriotes russes pro-ukrainiens mènent des embuscades contre l’armée poutiniste.
Quoi qu’il en soit du proche avenir, le putsch avorté de Prigojine se soldera vraisemblablement, un jour ou l’autre, par son élimination par Poutine. À moins qu’il ne réussisse à s’exfiltrer vers quelque forêt profonde du Centre-Afrique ou du Burkina Faso, où des derniers fidèles de Wagner pourraient éventuellement le récupérer et en faire le chef de leurs réseaux de trafiquants.
Mais cela est peu probable. L’important maintenant c’est que le peuple ukrainien et son armée puissent continuer à affronter victorieusement l’armée poutinienne à laquelle ne manquent pas les soutiens en matériel militaire de la Chine rouge et de la rouge Corée du nord, et aussi de l’Iran islamiste.
L’Ukraine en effet n’en finit pas de payer le non-respect des accords du Mémorandum de Budapest, par la Russie cela va de soi, mais aussi par la France, l’Angleterre, les États-Unis et le Kazakhstan.
Il n’est que temps de lui fournir toutes les armes dont elle a besoin pour que la nécessaire défaite poutinienne lui donne enfin l’assurance de sa liberté et qu’en même temps la Russie retrouve enfin la sienne.