mercredi 12 avril 2023

Lettre ouverte à deux poutinolâtres jadis catholiques anti-stalino-communistes

Par Bernard Antony, président de Chrétienté-Solidarité, directeur de la revue Reconquête

Préambule

Ce texte s’adresse à deux anciens amis – ici respectivement « pseudonymés » Claude et Henri – qui, pendant de longues années ont manifesté une constante adhésion militante à nos idées et à nos combats chrétiens et français contre le communisme et la décadence de notre pays. Ils sont aujourd’hui, à l’image de certains catholiques, clercs ou laïques, sans doute de moins en moins nombreux – moins assurément que les poutinolâtres des mouvances néo-païennes et eurasistes – mais dont les surprenantes positions actuelles nous attristent.

Rappelons que c’est le samedi 10 avril 1985, sur le parvis de Saint-Pierre de Rome que Sa Sainteté le pape Jean-Paul II me répondit : « Oui, opposez-vous avec vigueur à la décadence de l’Europe ! ». Je venais de lui dire l’attachement de la droite nationale authentique à la Doctrine Sociale de l’Église et notamment son opposition à l’avortement.

Pour mémoire, c’est lors d’une rencontre des députés du groupe des droites européennes avec ce grand pape polonais qui fut notamment un des acteurs de l’effondrement du système soviétique ; ce qui désespéra tant le colonel du KGB Vladimir Poutine, qui répéta souvent que cela avait été « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle »… Ce dernier n’eut ensuite de cesse de rétablir ce monstrueux empire totalitaire.

Lettre à Claude et Henri

Vous avez été, depuis les dernières années du XXe siècle jusqu’au sinistre 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine par l’armée poutiniste, des militants sincères pour la défense de toutes les valeurs patriotiques et chrétiennes de notre civilisation. Je veux en faire ici une rétrospective, à des fins comparatives avec vos positions depuis cette date.

Vous avez toujours approuvé, sans la moindre restriction, nos combats anticommunistes :

- notamment nos actions de solidarité en Pologne et avec la Pologne, « rempart de la Chrétienté » depuis la victoire de Jean III Sobieski le 12 septembre 1683 sur les Ottomans assiégeant Vienne,

- puis avec la Lituanie et en Lituanie où l’armée soviétique chère à Poutine venait de signer, à Vilnius, une de ses dernières atrocités, en écrasant quatorze manifestants pour la liberté de leur patrie, sous les chenilles de ses chars,

- puis, en Amérique centrale, avec la résistance de « la contra » nicaraguayenne (hélas trahie par les États-Unis),

- puis avec la Croatie soulevée face au régime communiste et à l’armée rouge de Milosevic,

- puis aux confins de la Thaïlande et du Cambodge en soutien aux résistances anticommunistes indochinoises.

Je vous rappelle enfin, grand moment dans notre combat anticommuniste, la journée du 9 novembre 1997 à La Mutualité à Paris, consacrée, avec l’exemple du cas du traitre-tortionnaire Georges Boudarel, à ce que devrait être le procès international des crimes contre l’humanité des régimes communistes. Journée modèle de ce qu’il en fut par la suite en la Lituanie du président Landbergis, comme ce dernier nous l’avait promis.

Rien de tel, vous le savez bien, et chose désormais totalement impossible dans cette Russie de Poutine où il ne fait pas bon critiquer Staline, ni même oser rappeler que la Deuxième Guerre mondiale n’a pas commencé le 22 juin 1941 par l’attaque allemande contre l’URSS (opération Barbarossa) mais a débuté le 1er septembre 1939 par l’invasion de la Pologne par l’armée d’Hitler, suivie quinze jours après par celle de son grand ami Staline.

Deux ans de collaboration génocidaire entre ces deux monstres ! Mais, cela, il est interdit aujourd’hui sous menace de lourdes peines, de le rappeler dans la Russie de Poutine ! Et ce dernier, sans vergogne, n’a pas craint de déclencher son invasion de l’Ukraine sous le prétexte gaguesque d’aller y exterminer les nazis ! Mais vous, Claude et Henri, comment pouvez-vous soutenir, comment pouvez-vous admirer le sieur Poutine, capable en effet d’une pareille continuité stalinienne dans le crime et le mensonge ?

Les dates et les récits de nos opérations, si vous n’en êtes pas poutinolâtrement honteux, vous les retrouverez dans la collection de Reconquête ou dans mon livre « Combats pour mon pays ».

Claude et Henri, auparavant, vous avez approuvé totalement aussi nos campagnes contre la loi Veil, puis les inlassables dénonciations au Parlement européen de l’eurocratie totalitaire. Et puis encore, mes frictions au sein du parti avec un Front National de plus en plus favorable, avec Marine Le Pen, à la légalisation de l’avortement.

Claude et Henri, je vous ai connu ardents défenseurs du Liban chrétien. Peut-être même m’y avez-vous accompagné lors de l’un de nos nombreux déplacements de solidarité chrétienne ? Nous n’irons sans doute plus jamais ensemble au Liban. Car vous, désormais, votre camp c’est celui du Hezbollah, celui de la Syrie et de l’Iran, celui de ce Hezbollah qui a massacré nos cinquante-cinq paras du Drakkar, celui du terrorisme syrien qui a assassiné, parmi des milliers d’autres, Bechir Gemayel dont l’épouse Solange est présidente de Chrétienté-Solidarité.

Mais, bien sûr, désormais vous ne pouvez que vous réjouir de la fructueuse alliance de la Syrie et de l’Iran, grand fournisseur à Poutine de drones et autres engins du même genre.

Par le fait même, votre camp n’est pas non plus celui de l’héroïque peuple iranien luttant pour sa liberté, au premier rang les femmes, contre le régime des mollahs toujours plus lié à votre cher Poutine qui ne cesse de l’exhorter à réprimer toujours plus vigoureusement. Et Diable sait qu’il s’y connait, votre Poutine, en matière de répression et non seulement en matière de liquidation des Ukrainiens dans les villes martyrisées, bombardées, rasées.

Claude et Henri, pour justifier votre allégeance à Poutine, vous osez invoquer la décadence des mœurs chez nous en France et en Occident en général ; et vous excipez en regard de celle-ci de la qualité de l’ordre moral qui règnerait selon vous en Russie poutinienne débarrassée enfin du million et plus de « décadents » qui l’ont quitté depuis le déclenchement de « l’opération policière spéciale » en Ukraine.

Et vous voudriez donc que s’établisse chez nous un ordre moral semblable à celui de l’ordre poutinien ! Sur lequel pourtant, vous savez parfaitement à quoi vous en tenir, semblable qu’il est de plus en plus à l’ordre stalinien tel que décrit jadis dans les ouvrages des admirables écrivains russes dissidents, de Soljenitsyne à Boukovsky.

Certes, quand Poutine, pur produit du KGB, menait au début du siècle son double jeu et n’osait pas encore en venir à la glorification de Staline et de l’URSS, il alla rencontrer Soljenitsyne. Mais, après cela, ce qu’il décida, vous le savez bien, ce fut la réécriture de l’histoire au point, je le redis, de faire commencer obligatoirement la Seconde Guerre mondiale le 22 juin 1941. Alors qu’à cette date, on en était au 22e mois d’une collaboration (débutée le 23 août 1938) de l’armée nazie et de l’armée rouge !

Rappelons ici, au passage, les phrases de Soljenitsyne : « Dans mon cœur, il n’y a pas de place pour un conflit russo-ukrainien. Et si, Dieu nous en préserve, nous en arrivions à cette extrémité, je peux le dire : jamais, en aucune circonstance, je n’irai moi-même participer à un affrontement russo-ukrainien, ni laisserai mes fils y prendre part, quels que soient les efforts déployés par des têtes démentes pour nous y entraîner ».

Jusqu’au 28 décembre 2021, l’association créée notamment en Russie sous l’impulsion du grand physicien russe Andreï Sakharov, prix Nobel de la paix en 1975, pouvait encore, de plus en plus difficilement, enquêter sur les disparus de la Tcheka, de la Loubianka, des camps du goulag et des grandes exterminations staliniennes. À cette date, l’ONG Mémorial a été dissoute en Russie, toute continuation de ses activités faisant l’objet d’une totale interdiction sous peine de lourdes condamnations carcérales.

En soutenant Poutine, ce n’est pas seulement pour le malheur de l’Ukraine que vous agissez, c’est aussi pour le malheur de la Russie. Cette Russie dont, avec mes amis solidaristes, je soutenais dans les dernières années du XXe siècle, le mouvement de résistance russe antisoviétique, le NTS (Narodno Trudovoy Soyouz), c’est-à-dire l’Union des Solidaristes Russes.

Mais voilà que vous êtes désormais très enthousiastes pour ce dictateur, lui-même grand admirateur de cet incomparable tortionnaire et exterminateur que fut Félix Dzerjinsky dont, comme de Staline, il a fait rétablir les statues et grands portraits et encenser la mémoire à la Loubianka.

Sans doute trouvez-vous, pour justifier le fait qu’en Russie au moins, comme il en est aussi en Chine rouge, en Corée du Nord, en Iran (magnifique « bande des quatre » comme on disait du temps de Mao), que les lobbies LGBTQ++ n’occupent pas le haut du pavé médiatique. Peut-être, mais faites-vous semblant d’ignorer que l’IVG et le divorce n’y sont pas moins répandus qu’en France et que la dénatalité n’affecte pas moins la démographie russe ?

Et, faut-il vous rappeler que mes amis et moi n’avons pas du tout attendu le modèle poutiniste pour combattre aussi le faux mariage homosexuel et toutes les abominations de la culture de mort largement développées, vous le savez bien, en URSS, avant, pendant et après Staline…

Claude, Henri, je crois savoir, que vous professez la baliverne de l’identité chrétienne de la Russie poutiniste. Cela ne semble pas gêner les ardents admirateurs néo-païens de Poutine que sont, entre autres, Alain de Benoist ou un Pierre Vial et aussi nombre de néo-nazis semble-t-il pas du tout perturbés non plus par la grossière affabulation poutino-kagébiste selon laquelle l’Ukraine, que préside le juif Zelensky, n’en serait pas moins un repaire de nazis !

Mais, vous vous pâmez aussi sur le beau modèle de société harmonieusement chrétienne que constituerait la société russo-poutinienne, sa dyarchie admirable du patriarche Kyrille et du président Poutine. Tous deux issus du même moule de la Tchéka devenue GPU, puis NKVD, puis KGB et enfin FSB.

Quoi qu’il en soit, cela ne paraît pas vous gêner non plus qu’ils soient surtout sous l’influence des idéologues de l’eurasisme (Douguine et autres Malofeev), les propagandistes d’un néo-mondialisme réunifiant les peuples d’identités asiatiques et islamiques. Mais, aujourd’hui, cela signifie-t-il en réalité autre chose que l’émergence de l’immense puissance politique de la Chine ?

Notons d’ailleurs, à ce propos, Claude et Henri, que l’alliance des pays de la bande des quatre, centrée sur la Chine rouge, ne semble pas vous inquiéter, pas plus que le fait qu’ils soient rejoints par Cuba, le Venezuela et le Nicaragua selon les anciens contours de la superficie d’influence soviétique en Amérique du Nord. De même, vous que j’ai connus patriotes français, n’avez-vous point manifesté quelque réprobation lorsque la milice poutiniste Wagner de l’illustre Prigojine a organisé au Mali contre l’armée française, le coup tordu que vous savez, en l’occurrence, le montage du faux charnier de Gossi.

Claude et Henri, je veux maintenant comme catholique vous dire combien j’ai été, et bien d’autres comme moi, affligé par l’indifférence des catholiques que vous fûtes au sort des chrétiens d’Ukraine, que ce soit celui des orthodoxes quittant massivement le patriarcat de Moscou du kagébiste Kirille, que ce soit celui des cinq millions de catholiques de l’Église uniate (de rite grec-catholique) quasi-ressuscitée après les exterminations communistes du temps des abominations staliniennes. Quant à l’Église officielle russe, vous le savez bien, c’est un énorme mensonge que d’affirmer qu’elle serait en meilleure situation que l’Église catholique en France. Toutes les études des instituts et revues spécialisées indiquent le contraire : la morale chrétienne n’influence pas plus les mœurs, et la brutalité et même souvent la sauvagerie des relations est dans la société russe largement supérieure.

Les chrétiens d’Ukraine meurent toujours en grand nombre sous les massifs bombardements poutiniens de leurs villes. Que je sache, aucun bombardement ne frappe les populations de Saint-Pétersbourg, de Moscou, de Kazan, de Nijni-Novgorod. Aucune des milliers de villes de l’immense fédération de Russie, plus de vingt fois plus grande que l’Ukraine, n’est bombardée. Aucune population russe n’est massacrée par l’armée ukrainienne ! Les Russes qui meurent en grand nombre du fait de l’opération poutinienne spéciale, sont les soldats recrutés dans les dizaines de nationalités de l’empire russe – qui ne parlent pas tous le russe ! – ou des miliciens de « Wagner » recrutés par Prigojine dans la crapulerie des prisons et des bagnes.

Claude et Henri, la propaganda-staffel poutiniste vous a déjà fait avaler n’importe quoi. Ainsi, asséniez-vous que jamais, au grand jamais, ce bon Poutine n’envahirait l’Ukraine. Souvenez-vous sur Radio-Courtoisie, j’affirmais le contraire. Sans grand mérite car il suffisait pour cela d’un peu de bon sens.

Le triste, voyez-vous, c’est que vous êtes fascinés par la puissance poutiniste. Déjà, en son temps, Charles Maurras dénonçait un semblable phénomène d’hypnose exercée par la puissance hitléro-germanique sur les « collabos ».

Voyez-vous, Claude et Henri, encore une fois, ni mes amis ni moi n’avons attendu Poutine et le poutinisme pour lutter contre la décadence, pour nous opposer en son temps à la loi Veil, pour dénoncer inlassablement le néo-totalitarisme eurocratique, pour combattre le pseudo mariage homosexuel. Et cela ne nous empêchait pas simultanément de dénoncer les turpitudes semblables dans la politique américaine. Nous avions d’ailleurs dénoncé les lâches abandons du Vietnam du Sud, et la véritable trahison du Shah d’Iran. Mais, aujourd’hui, vous les Claude et Henri, et les poutinolâtres comme vous, en soutenant Poutine, vous soutenez tous les régimes communistes ou néo-communistes par le monde et le régime islamiste des mollahs criminels qui dirigent l’Iran.

Voyez-vous, camarades poutinistes, Claude et Henri, nos amis partout en France, patriotes et chrétiens, ne sont pas, vous le savez bien, des inconditionnels des régimes occidentaux. Nous n’avons même jamais cessé d’en être le plus souvent des adversaires déterminés et agissants.

Nous avons toujours, et nous continuerons s’il plaît à Dieu, à défendre chez nous nos valeurs et donc, avec les peuples qui nous sont les plus proches, les valeurs universelles de la Chrétienté : Dieu, Famille, Patrie, auxquelles nous ajoutons aussi la Liberté, cette liberté qui procède de la Vérité (« La vérité vous rendra libre », Jean 8-30).

Un dernier point : il y a certainement des aspects déplaisants dans le régime ukrainien et dans celui des États-Unis, et dans ceux de toutes les nations européennes, mais la résistance héroïque du pays libre ukrainien, même soutenue par l’Occident, n’en est pas moins magnifique, exemplaire. Et c’est aux États-Unis, après la Pologne, que les forces de vie sont les plus agissantes contre la culture de mort. Et d’ailleurs, la Pologne la plus catholique des nations d’Europe fait admirablement bloc avec le peuple ukrainien.

Mais, nous admirons aussi cette Europe du Nord et de l’Est, celle de la Finlande, des pays scandinaves, des pays Baltes, des pays slaves chez lesquels Poutine a réactivé la mémoire de ce que furent les occupations soviétiques avec ses tchékas, ses goulags, ses famines et ses exterminations de masse.

Libre à certains, libre à vous, Claude et Henri, de partager l’exaltation poutinienne pour le stalinisme, le maoïsme version Xi Jiping, et autres variantes de communisme, « horizon indépassable de l’esclavagisme moderne ».

Nous, notre camp est celui de la liberté !

Que Dieu donne enfin la paix à l’Ukraine et aussi à l’Arménie et au Liban. Prions pour cela Notre Dame de Czestochowa.