jeudi 6 avril 2023

Ce « Mémorandum de Budapest » dont Bill Clinton vient de rappeler l’importance qu’il aurait eu pour le maintien de la paix en Ukraine, si les Américains en avaient exigé l’application

Hier au soir, sur le plateau de LCI, certains découvraient avec stupéfaction :

- d’une part l’importance que ces accords, exhumés dans la journée par Bill Clinton, auraient dû avoir pour garantir la paix en Ukraine ;

- de l’autre, que si les Ukrainiens les avaient refusés, ils auraient conservé leur arsenal nucléaire, disposant ainsi de quoi opposer une contre menace atomique au chantage nucléaire de Poutine.

Depuis la publication à l’automne 2022 de notre livre « L’Ukraine face à Poutine », nous sommes restés longtemps seul à rappeler l’importance de ce mémorandum signé le 5 décembre 1994 à Budapest. Nul, dans cette partie de la droite française poutinolâtre, n’a évidemment évoqué cela.

Pour ceux des lecteurs de ce blog qui n’auraient pas lu notre livre, extrayons ce que nous avons écrit de ce mémorandum :

« Ce que l’histoire a retenu sous le terme de Mémorandum de Budapest, ce fut une trilogie de trois mémorandums rédigés en termes identiques et pareillement signés le 5 décembre 1994 à Budapest par la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine ainsi que par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie qui tous trois, accordent des garanties pour le respect de leur indépendance, de leur intégrité territoriale et de leur sécurité à chacune de ces trois anciennes Républiques de l’URSS en échange de leur ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Rappelons que lors de l’invasion russe de la Crimée en 2014, l’Ukraine se référa à ce traité pour rappeler à la Russie ses engagements et aux deux autres signataires qu’ils en étaient les garants…

Avec l’effondrement de l’URSS, l’Ukraine héritait d’une partie de ses forces armées, d’une partie de la flotte de la mer Noire et de son aviation, et surtout de 17 % de son arsenal nucléaire. Dans la classe politique ukrainienne des voix s’élevaient en faveur de la conservation d’un arsenal qui, faisant de l’Ukraine une puissance nucléaire de premier rang, était un facteur de dissuasion protectrice. Contre cela, chose étrangement très peu invoquée aujourd’hui, le gouvernement américain, pour la plus grande satisfaction de Moscou, était « vent debout ». Le secrétaire à la Défense du président Bill Clinton, William Perry, n’affirma-t-il pas que la réticence de l’Ukraine à se dénucléariser constituait « la plus grande menace pour la paix et la sécurité internationale » ! Il est vrai que les armes nucléaires en Ukraine, comme beaucoup de celles en URSS, étaient en grand nombre pointées vers les USA. Mais l’Ukraine désoviétisée était pourtant disposée à ce que les armes en sa possession ne ciblent plus l’ennemi américain. Il y a peut-être là un point d’histoire à creuser…

La position américaine, stupide, était qu’en tant qu’« État continuateur » de l’URSS, la Russie devait assumer seule l’héritage nucléaire de l’URSS. Et c’est ainsi qu’au cours des années 1995-1996, tout l’arsenal nucléaire de l’Ukraine fut envoyé en Russie pour y être détruit. L’Ukraine disposait alors de 176 missiles balistiques intercontinentaux dotés de 1180 ogives thermonucléaires. On peut penser que si elle avait conservé cet armement, celui-ci aurait constitué un facteur dissuasif pour M. Poutine. »