Le 5 mars 1953, un peu moins de huit ans après le suicide, dans son bunker berlinois d’Hitler, son « frère hétérozygote », (expression du grand historien Pierre Chaunu) le monde apprenait la mort de Staline.
Qui aurait dit, après les révélations accablantes du « rapport Khrouchtchev » le 25 février 1956 devant le XXème congrès du Parti Communiste de l’URSS, dévoilant les monstruosités des crimes du personnage, exterminations et goulags, que n’égalaient alors que celles d’Hitler;
après le succès immense de l’œuvre de Soljenitsyne et celle des Pasternak, Boukovski et autres grands écrivains « dissidents », après l’effondrement de l’URSS dans toutes les humiliations de ses défaites militaires et de ses échecs économiques et sociaux ;
Qui aurait dit, trente trois ans après la chute du Mur, qu’un nouveau dictateur, Vladimir Poutine, formé par la Tchéka et le KGB à l’école du démoniaque Félix Dzerjinsky, ferait ressurgir les fastes soviétiques sur la place Rouge à Moscou et autres capitales de l’immense empire non décolonisé ; et qu’il rétablirait le culte obligatoire pour tous les Russes du dieu de tout les communistes et de leurs compagnons de route : Staline!
Mais surtout, qui aurait dit que dans notre pays, la France, surgirait une véritable poutinôlatrie ? Et bien plus, semble t-il, à droite qu’à gauche !
Mais demeurons, l’espace de quelques lignes, sur ce que fut la vie, l’œuvre et la mort du tyran aujourd’hui poutiniennement encensé.
Le Figaro littéraire du 23 février a publié sur cela de très judicieuses pages sous le titre : « Staline, vie et mort d’un tyran ».
Dans son importante chronique, Jacques de Saint Victor écrit que ce 5 mars 1953, apprenant la mort du dictateur, « un des pires du XXème siècle », « la France semble frappée par un de ces élans d’aveuglement dont elle a le secret ».
« Un des pires, en effet », en compétition, dans le chiffre total des exterminations qu’ils ordonnent sans cesse, avec Hitler et Mao.
Quant ‘à la cruauté, Staline a hélas fait école pour les autres grands organisateurs des abominations bolcheviques que nous avons rappelées dans notre livre : « le communisme 1917-2017 ».
Et pourtant, écrit Saint Victor : « Du siège du PCF jusqu’au collège de France, en passant par le Palais Bourbon, une partie de la presse et du monde catholique, c’est un fleuve de lamentations qui se répand pour regretter la mort de Staline ».
Soixante-dix ans plus tard, on demeure stupéfait en retrouvant ce que furent les plus ahurissants déferlements alors de glorification posthume.
Innombrables sont les politiques et les intellectuels qui se ridiculisent et se déshonorent en émettant un désespoir digne des pleureuses professionnelles dans les obsèques siciliennes.
Aragon, cette crapule qui chantait « l’éclat des fusillades » et appelait de ses vœux un « Guépéou à la française » profère que « la France doit à Staline son existence de nation ». (sic !)
L’ancien ministre radical-socialiste, Pierre Cot, en réalité parfait compagnon de route du parti et « gogo utile » exemplaire, y va d’une transcendante abjection en écrivant pour la Pravda que « la mort de Staline est un immense malheur pour l’humanité ».
Et, sans vergogne, le président de l’Assemblée nationale, le grotesque radical Edouard Herriot qui jurait n’avoir rien vu, dans son voyage en Ukraine à l’invitation de Staline, de l’Holodomor, la grande famine des années 32-33 (six millions de morts) propose aux députés de se lever pour rendre un hommage à l’immortel « petit père des peuples ».
Saint Victor apprend à ses lecteurs qu’il n’y eut alors qu’un seul parlementaire à avoir le courage de rester assis : Jean le Bail, député socialiste de la Haute-Vienne.
Il leur rappelle aussi que le général de Gaulle qui voyait en l’URSS la continuité de l’éternelle Russie considérait le bilan de Staline « positif, ô combien, pour la Russie, qui le reconnaîtra un jour »…
Saint Victor, commente un brin sarcastique : « c’est précisément ce que Poutine est en train de tenter de faire sous nos yeux. »
Peut-être, ce lien entre « de Gaulle et les communistes », que notre ami Henri Christian Giraud a remarquablement analysé dans son ouvrage éponyme, explique t-il, au moins partiellement l’affligeant développement de ce que le journaliste Patrick Edery a appelé sur le site « Deliberatio » « le nid d’agents russes en France ».
Principalement recrutés dans des mouvances d’extrême-droite, ou de droite, dans certains médias et partis, dans l’armée et le renseignement et encore dans certains milieux catholiques.
Qui nous aurait dit ainsi que nous découvririons avec une grande tristesse que de bons amis, dont nous étions persuadés qu’ils demeuraient les militants catholiques et anticommunistes qu’ils avaient été, basculeraient, dès l’invasion de l’Ukraine, dans la poutinophilie ou la poutinôlatrie ?
Et qu’ils professeraient subséquemment de l’admiration pour la continuité stalinienne, de la Russie telle qu’exaltée dans l’indécente réécriture poutiniste de l’histoire et représentée dans les grandes manifestations du régime à grands renforts de drapeaux rouges, de faucilles et de marteaux et d’hymnes soviétiques.
Et que penser de ceux qui, considèrent cette histoire à la lumière de « vérités » alternatives, probablement, non sans une fascination d’ordre hypnotique pour la virile puissance poutinienne et « wagnérienne » ?