lundi 16 mai 2022

Canonisation à Rome : désormais, il est « Saint Charles de Foucauld »

 

Dix « bienheureux » dont trois français ont été hier matin canonisés par le pape François sur la place Saint Pierre à Rome. Parmi les nouveaux saints, trois Français : Marie Rivier, César de Bus et le père Charles de Foucauld. Il est significatif que parmi les cinq mille Français assistant à cette cérémonie il y ait eu pas moins de 130 élèves officiers de l’école de Saint Cyr Coëtquidan présents sur les 157 de la promotion Caillaud (tous ne pouvant être dégagés des obligations de service de l’école). Et avec eux, plusieurs commandants d’écoles militaires ou chefs de corps et notamment celui du 4ème régiment de chasseurs d’Afrique qui fut celui du capitaine Charles de Foucauld.

De nombreux écrits on été consacrés à la vie et à la mort (en 1916) du nouveau saint.

L’œuvre de référence demeure la biographie passionnante, riche d’abondantes citations de Foucauld lui-même, que livra dès 1921 le grand écrivain catholique, membre de l’Académie française, René Bazin. Il en tira par la suite une « Petite vie de Charles de Foucauld » allant certes à l’essentiel mais dans laquelle il ne put notamment s’étendre sur les années passées en Orient par le futur saint.

Charles de Foucauld, alors frère Marie-Albéric, fut en effet envoyé en juin 1980 de la Trappe de Notre-Dame des-Neiges dans l’Ardèche au monastère de Notre-Dame du Sacré-Cœur (Trappe de cheïkhlé) dans le Vilayet d’Adana  (actuelle Turquie).

La France était alors sous la IIIe République dans la conjoncture des persécutions maçonniques anti-catholiques et de l’expulsion des congrégations.

Les trappistes de Notre-Dame-des-Neiges avaient donc établi en cette région de l’Empire Ottoman entre actuelles Turquie et Syrie, un monastère pouvant être un refuge s’ils devaient, eux aussi, devoir quitter la France.

Ce monastère, comme les autres œuvres chrétiennes occidentales dans l’empire bénéficiait alors, de par les traités, d’une relative protection.

En revanche, dès cette époque, sur ordre du sultan Abdul-Hamid, déjà étaient perpétrés en cette région de Cilicie des massacres d’Arméniens par les Turcs et les Kurdes.

Le frère Marie-Albéric écrivait alors « Autour de nous, il y a eu des horreurs, une foule de massacres, d’incendies, de pillages. Beaucoup de chrétiens ont été réellement martyrs car ils sont morts volontairement, sans se défendre, plutôt que de renier leur foi…Par ordre du sultan, on a massacré près de 14 000 chrétiens (Arméniens) depuis quelques mois…Dans la ville la plus proche d’ici, à Marache, la garnison a tué 4500 chrétiens en deux jours…Nous aurions dû périr, je n’en ai pas été digne…Les Européens sont protégés par le gouvernement Turc, de sorte que nous sommes en sureté…C’est douloureux d’être si bien avec ceux qui égorgent nos frères, il vaudrait mieux souffrir avec eux que d’être protégés par les persécuteurs…

C’est honteux pour l’Europe : d’un mot, elle aurait pu empêcher ces horreurs et elle ne l’a pas fait. Il est vrai que le monde a si peu connu ce qui se passait ici, le gouvernement turc ayant acheté la presse »

Si, après sa conversion, le père de Foucauld fut toujours un apôtre de la paix du Christ, contrairement à des détournements caricaturaux de sa personnalité, il ne fut jamais un pacifiste. Il n’est que de lire ses lettres pour le vérifier.

Jusqu’à son assassinat il ne se départit d’ailleurs jamais de sa fraternelle sollicitude pour les défenseurs de la paix française dans les immensités sahariennes.

Il partageait avec un Lyautey et avec un Laperrine la même conception du rôle civilisateur de la France.

Il fut lié à ce dernier, ancien élève de l’école de Sorèze, devenu le légendaire général de l’épopée méhariste, par une indestructible amitié, durant quarante ans. Le souvenir en fut marqué le 20 avril 1929 par la cérémonie du placement du coffret renfermant le cœur du père de Foucauld dans le monument érigé en mémoire du général Laperrine à Tamanrasset.

Saint Charles de Foucauld entièrement consacré à Dieu n’en était pas moins resté à sa manière un fidèle compagnon d’arme du général. N’écrivait-il pas le 1er septembre 1916 au général Mazet, soit trois mois avant son martyre :

« Nous pourrions être attaqués par les Tripolitains. J’ai transformé mon ermitage en fortin, il n’y a rien de nouveau sous le soleil : je pense en voyant mes créneaux aux couvents fortifiés et aux églises fortifiées du dixième siècle. Comme les choses anciennes reviennent, et comme ce qu’on croyait à jamais disparu reparaît ! On m’a confié six caisses de cartouches et trente carabines gras qui me rappellent notre jeunesse… »

Le 15 septembre suivant, le père écrivait à Laperrine son inquiétude en raison de mauvaises nouvelles venant de la frontière tripolitaine. Il regrettait le retrait des troupes françaises devant des fellaghas senoussistes : « cette reculade devant quelques centaines de fusils est lamentable. Il y a là (à quel degré de la hiérarchie, je l’ignore) une faute grave de commandement. Il est clair que si, sans même les combattre, on recule, les senoussistes avanceront. Si on ne change pas promptement de méthode, ils arriveront ici dans quelques temps. Je regrette de vous inquiéter encore, mais la chère vérité veut que je vous le dise ».

Quelques semaines plus tard un rezzou de vingt fellaghas senoussistes surprenait le saint homme dans son fortin et s’efforçait en vain dans la torture de le faire abjurer.

Comme tout le manifeste dans sa vie d’ermite mais aussi dans sa correspondance, saint Charles de Foucauld est sans aucun doute un « frère universel » mais parce que d’abord un saint de France, un saint de Chrétienté !  

Longtemps encore sans doute on devra méditer ses prophétiques propos qu’il réitéra quelques fois avec variante : « Si nous n’avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu’ils deviennent Français est qu’ils deviennent chrétiens. »