Lorsque le bien commun est en
jeu, il faut savoir rendre à chacun ce qui lui est dû. La bataille pour le
culte remportée le 18 mai 2020 devant le Conseil d’Etat est de ces belles
œuvres communes qui ont vu agir associations, congrégations, instituts
religieux et fidèles du bout du banc animés par l’amour de l’Eglise et de Dieu.
Mais la justice ne peut exister
sans la vérité.
L’une de ces associations,
Civitas s’est octroyée le mérite de cette victoire en parlant avec mépris des
autres requérants qui lui auraient « emboîté le pas ». Pour ce faire,
elle a publié une fausse chronologie de l’affaire, en mettant en cause
« ceux qui en parlent le plus » qui « sont souvent ceux qui en
font le moins ». Il est donc indispensable de rectifier pour la justice et
la vérité.
Cette victoire n’est en aucun cas
due à cette association. On peut même dire que si on l’avait laissée agir, la
bataille aurait été perdue, ce qu’elle s’est bien gardée de dire. Une
ordonnance particulière, datée du 18 mai et visant plus précisément les
référés-libertés de Civitas contre le décret du 23 mars et celui du 11 mai
rejette expressément ces demandes.
Chronologie
Le 1er mai 2020,
cette association annonce avoir déposé un référé-liberté contre le décret du 23
mars 2020 interdisant le culte public dans les églises, soit 37 jours après le
début de l’interdiction du culte. Au-delà du caractère tardif de ce recours, une
telle action visant le confinement initial imposé au pays entier était vouée à
l’échec au nom de l’ordre public sanitaire et la protection de la santé
publique justifiant des restrictions au culte comme le confirmera le Conseil
d’Etat dans son ordonnance du 18 mai 2020 : "La liberté du culte doit,
cependant, être conciliée avec l'objectif de valeur constitutionnelle de
protection de la santé". Quoiqu’il en soit, ce décret ayant été abrogé le
11 mai, cette première requête sera déclarée sans objet par le Conseil d'Etat,
chose que cette association ne précise pas.
Le 4 mai 2020, Civitas annonce un
nouveau référé-liberté contre les annonces verbales du Premier ministre. Une
telle requête était également vouée à l’échec ainsi que l’a confirmé le Conseil
d’Etat dans sa grande ordonnance du 18 mai 2020, rappelant que ne peuvent pas être
attaquées de simples annonces verbales – évolutives et ayant évolué – de
mesures de police à venir.
Le 11 mai 2020, cette association
dépose un troisième et dernier référé-liberté, contre le décret n° 545 du lundi
11 mai 2020 déconfinant la France mais maintenant le confinement du culte. Mais
ce décret n° 545 sera abrogé le soir même par un décret n° 548 publié le
12 mai 2020 au matin, désormais le seul en vigueur et qui sera seul déclaré
manifestement illégal le 18 mai 2020. Ce 3ème référé-liberté sera
lui aussi déclaré sans objet.
Ainsi, les trois requêtes déposées
par cette association qui revendique pourtant la victoire seront toutes
déclarées sans objet par le Conseil d’Etat.
C’est dans ces conditions que,
dès le 11 mai 2020, deux requêtes ont été déposées contre le décret n° 545 du
11 mai 2020 par l’AGRIF, Bernard Antony, Guillaume de Thieulloy, et Jeanne
Smits d’un côté, et par la Fraternité Saint Pierre, l’abbé Laguérie, l’Institut
du Christ Roi et la Fraternité Saint Vincent Ferrier de l’autre.
Mais le 11 mai au soir, le décret
n° 545 était purement et simplement abrogé et remplacé par le décret n° 548
publié le 12 mai au matin, désormais seul en vigueur et attaquable.
Or, seules quatre séries de
requérants vont déposer le 12 mai 2020 de nouvelles requêtes en référé-liberté
contre ce nouveau décret, seul applicable :
- - L’AGRIF, Bernard Antony, Guillaume de Thieulloy,
et Jeanne Smits,
- - la Fraternité Saint Pierre, l’abbé Laguérie,
l’Institut du Christ Roi et la Fraternité Saint Vincent Ferrier,
- - la Fraternité sacerdotale Saint Pie X,
- - Bruno Gollnisch.
-
Ces requérants se tenaient prêts
depuis l’annonce verbale du 28 avril.
Contrairement à ce que prétend
l’association revendiquant la victoire et sa supériorité sur les autres
requérants, l’audience du 15 mai n’a pas été fixée à la suite du dépôt de sa
requête du 11 mai contre un décret qui était d’ores et déjà abrogé.
Le Conseil d’Etat a en effet attendu
les premières requêtes du 12 mai contre le nouveau décret n° 548, désormais
seul en vigueur. Ce sont ces requêtes du 12 mai 2020 contre le seul décret
désormais applicable que le Conseil d’Etat attendait pour fixer une audience
pour l’ensemble des requérants, y compris Civitas qui avait déposé sa requête 11
jours plus tôt.
A l’inverse, le Conseil d’Etat a
alors invité les autres requérants à régulariser leurs requêtes afin qu’elles
visent le bon décret.
Ainsi, loin d’avoir
« emboîté le pas » à l’association revendiquant pour elle-même la
victoire, ce sont les requérants du 12 mai qui ont en réalité déclenché la
fixation de l’audience que cette association attendait depuis 11 jours sans
comprendre pourquoi elle n’était pas encore fixée.
Rappelons également que les
procédures devant le Conseil d’Etat sont entièrement gratuites pour ceux qui ne
se font pas représenter par un avocat.
Cette
victoire n’appartient pas à l’un ou l’autre des requérants et il n’est pas
question d’exclure de cette victoire ceux qui ont agi, même maladroitement,
mais animés par l’amour de l’Eglise et le sens de la foi. Cette victoire
appartient à tous, y compris à ceux qui sont partis trop tôt. Mais l’enjeu est
trop grand et trop universel pour laisser l’un ou l’autre s’approprier cette
victoire qui constitue notre bien commun à tous.