lundi 25 novembre 2019

Les mots de François et… la Chanson de Roland


J’avais promis de m’exprimer ce jour sur les propos du pape François sur la Chanson de Roland, prononcés le 18 novembre dernier. C’est grâce à nos amis de Riposte Catholique que j’en avais pris connaissance, appréciant également leurs excellents rappels de ce que fut cette oeuvre. 

L’allocution du pape a été prononcée lors de l’audience accordée aux participants à la réunion organisée par l’Istituto para el Dialogo Interreligioso de la Argentina (IDI) dont il a salué tout particulièrement les trois vice-présidents : le père Guillermo Marco, le musulman Omar Abboud et le rabbin Daniel Goldman.

Tout d’abord, je dois dire : « loué soit François ! », puisqu’il a été la cause du plaisir que j’ai eu à relire la Chanson de Roland, le plus ancien des poèmes épiques qui nous soient parvenus, et l’un des tout premiers monuments de notre littérature.

Sa version la plus usitée est celle du célèbre manuscrit d’Oxford, due à un scribe ayant livré avec ce poème un spécimen très pur du français qui se parlait et s’écrivait en Angleterre cent ans après la conquête, vers 1170. La langue anglaise ne se façonnerait qu’au fil des siècles suivants…

À ses auditeurs, François a notamment déclaré ce que l’on va lire ci-après, traduit de l’espagnol en anglais par les services de communication officielle du Vatican mais traduit aussi en français par notre chère Jeanne Smits qui a reçu le don du ciel d’aussi bien parler et écrire en de multiples langues européennes que dans sa langue natale, le hollandais. Elle précise que sa traduction en français confirme celle, en anglais, du Vatican.

Propos de François : 

« Il est important que nous démontrions que nous, les croyants, sommes un facteur de paix pour les sociétés humaines. C’est ainsi que nous répondrons à ceux qui accusent injustement les religions de fomenter la haine et d’être cause de la violence. Dans le monde incertain d’aujourd’hui, le dialogue entre les religions n’est pas un signe de faiblesse. Il trouve sa propre raison d’être dans le dialogue de Dieu avec l’humanité. Il s’agit de changer des attitudes historiques. Comme symbole de cela, me vient à l’esprit une scène de la Chanson de Roland, lorsque les chrétiens emportent la victoire sur les musulmans et les mettent tous en rang devant le font baptismal, et l’un a une épée. Et les musulmans devaient choisir : ou le baptême, ou l’épée. C’est nous les chrétiens qui avons fait cela. C’était une mentalité qu’on ne peut plus accepter aujourd’hui ni comprendre, et qui ne peut plus fonctionner. »

Cela est hélas consternant et dans la forme et dans le fond.

 Ne parlons même pas de la mémorisation parcellaire et primaire que livre François de la Chanson de Roland, ce premier joyau de notre littérature de chansons de geste pour laquelle l’histoire, légendée, sans souci de la réalité, ne constituait toujours qu’un « pré-texte ».

Peu importe donc que Charlemagne n’ait jamais conquis Saragosse, que Roland et ses preux compagnons n’aient pas été occis à Roncevaux par des Maures mais par des montagnards basques. Et bien sûr, peu importe que les chiffres des combattants n’aient aucune vraisemblance puisqu’il ne s’agissait dans les chansons de geste de les utiliser (dix ou vingt mille, cent mille ou quatre cent mille) que pour exprimer un « beaucoup » ou une « multitude », et pour des raisons de versification. 

Mais dans la Chanson, que de fraîcheur d’âme, de poésie, de beauté, de grandeur, d’expression de la foi, de l’honneur et du courage, d’exaltation de l’héroïsme, du merveilleux chevaleresque !

Tout cela, certes greffé sur le fond de la vérité historique de la féroce conquête de l’Espagne par les hordes musulmanes, berbères ou arabes de Tariq ibn Ziyad et d’Abdal Aziz ibn Musa, puis par la dynastie des trois Abd al Rahman, et puis par les sanguinaires dominations successives des Almoravides et des Almohades. 

Mais pas plus qu’il n’a lu ou n’a compris ou qu’il ne se souvient de la Chanson de Roland, François ne pèse, comme le firent ses plus grands prédécesseurs, ce qu’il en serait advenu du christianisme s’il n’y avait eu la longue résistance et la Reconquista des chrétiens d’Espagne.
Il n’a rien lu de l’immense travail d’une Bat Ye’Or, historienne rigoureuse, de religion juive, pour combattre la désinformation sur l’exaltation du mythe d’Al-Andalous ; on ne lui a sans doute pas fait le résumé de ses ouvrages majeurs et au moins de : « Juifs et Chrétiens sous l’islam ».

Sans doute ne lui en a-t-on pas fait l’histoire, ne sait-il rien des massacres génocidaires des juifs et des chrétiens de Cordoue par les maîtres du « paradis andalou ».

Sans doute n’a-t-il pas lu ou pas voulu se faire un peu résumer le livre essentiel, plus récent, de Serafin Fanjul, universitaire espagnol et arabisant, mondialement reconnu : « Al-Andalous, l’invention d’un mythe ».

Non, François devant ses auditeurs juifs ou musulmans qui, eux, n’ont pas semble-t-il échangé quelque repentance en retour de la sienne sur la Chanson de Roland, n’a même pas évoqué des faits de réelle culpabilité chrétienne. 

Il a fallu qu’il s’en prenne, ignarement, imbécilement, à une de nos racines culturelles. Et de surcroît, c’est dans un texte lu, donc écrit qu’il a commis cela. Car on sait que lorsqu’il cause dans l’avion aux journalistes, il peut dire n’importe quoi et il est alors demandé de ne pas y accorder trop d’importance.

Mais il y a cependant pire que ses blablas : ses silences. 

Son silence sur les abominations perpétrées par le régime cubain de son cher Fidel Castro.

Son silence sur les dix huit mille tués au Vénézuela par le régime de Nicolas Maduro.

Son silence terrible sur les persécutions aggravées de tous les catholiques chinois après son injonction sans appel à l’Église clandestine de rentrer dans les rangs de l’Église officielle. Sur celle-ci désormais l’État néo-maoïste de Xi Jinping resserre le carcan d’une communisation et d’une sinisation toujours plus impitoyables. 

Mais François avait bien dit au début de son pontificat qu’il était « un poco furbo » (« un peu rusé »). Cela se vérifie.

Voilà qu’il vient de réussir le coup de la « Pachamama », la « déesse-mère » au culte désormais revivifié jusque dans les jardins du Vatican et sur certains autels. Manipulation éhontée des braves indiens d’Amazonie instrumentalisés aux fins d’une expérimentation d’Église, première (comme aurait dit Chirac) qui devrait très vite constituer le modèle que suivra d’abord l’Église d’Allemagne. 

Somme toute, le vieux coup du modèle du « bon sauvage » de Jean-Jacques Rousseau, appliqué à la déconstruction de l’Église catholique.

Rusé ce pape, non ?