Et si le principal avantage dans la présidence de Bouteflika était à l’opposé de tout ce que l’on dit et écrit ?
Moi-même, je me suis
quelquefois gaussé, à tort, de cette momie comme aucune autre, peut-être pas
encore assez entortillée et embaumée, capable en effet quelquefois de battre
paupière sur un œil fixe ou même de crachoter, preuve d’une vie résiduelle.
Or, y a-t-il de
meilleurs ordres politiques que ceux qui s’ordonnent autour de pérennes, d’immuables
personnages, inexpugnables sinon du fait de leur immobilité, du moins de leur
incarnation du non-changement ?
Ainsi y eut-il, des siècles
durant, des empereurs de Chine ou du Japon inaccessibles au commun des mortels
dans leurs cités interdites, véritablement divinisés.
Songez aussi que ce qui
demeure encore de principe d’unité à tous les pays du Commonwealth, c’est la
Reine. La Reine qui règne d’autant plus qu’elle ne gouverne pas du tout. La reine
vénérée mais qui ne s’aviserait pas d’émettre des idées, ou pire, des opinions
voire des solutions. Par exemple, quel règne superbe que celui d’Elisabeth II
ayant appris d’abord à chevaucher et à parler équitation ; à promener ses
chiens admirables d’aristocratique laideur canine ; à ne tenir que propos
délibérément anodins ; à causer météorologie et jardinage. Ce d’ailleurs,
comme en Chine ou au Japon, grâce au séculaire apprentissage, à l’opposé de
tous les excès, de l’art consommé de « prendre le thé ».
Songez encore au rôle de
la momie de Lénine en son mausolée de la Place Rouge, sans cesse resiliconée et
embaumée. Pas plus que Staline et ses successeurs, Poutine n’en méconnaît l’importance :
là est le socle inchangeable, le lieu de la sacralisation du pouvoir soviétique
et encore un peu du pouvoir russe.
Et, à l’évidence, même
Macron dans sa fantasmagorie pharaonique a bien réfléchi à cela. Dès le premier
jour de ce qu’il rêvait être un règne : cours du Louvre, sous la pyramide.
Les généraux de l’ALN
algérienne qui ne sont probablement que des humanistes très modérés, ont néanmoins,
d’instinct sans doute, compris cette loi de l’histoire. Alors autant qu’ils le
pouvaient, autant qu’ils le peuvent encore, ils tiennent à conserver la plus
intacte possible le plus longtemps possible la momie Bouteflika. Car,
désormais, pour les plus gradés et les plus ambitieux, le moment est venu non
seulement d’être « calife à la place du calife » mais de se garder de
tout autre calife possible.
Rappelons simplement ici
que « calife » est la francisation du mot arabe (kalifa) signifiant
successeur et que sur les cinq premiers califes après Mahomet, quatre furent
assassinés, système modèle dès lors d’une pratique que la tradition ottomane
fondatrice de la coutume algérienne n’a pas abolie.
Que va-t-il maintenant
se passer ?...
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