Non, cette fois-ci ce n’est
pas le ministre de la guerre qui a mobilisé toutes les loges du Grand-Orient de
France pour ficher les officiers catholiques, (« les Tala », ceux qui
vont à la messe), ça, c’était du temps du général Louis André de 1900 à
1904, avant que le scandale n’éclate et que ce grandiose flicard de ministre si
républicain ne doive enfin démissionner.
Aujourd’hui, l’affaire
est venue du secrétaire général de la
CGT-FO, Pascal Pavageau, dont certains camarades syndiqués, un peu méfiants, ont
découvert qu’il avait fiché 126 responsables de la confédération avec toutes
mentions utiles sur leur personnalité, leur carrière, leurs appartenances,
leurs petits défauts…
Bien sûr, l’intégralité
du contenu des fiches, quelquefois sans doute un peu gênant, n’a pas été
communiquée. Secret syndical exige !
Mais les « découvreurs »
ont cependant révélé que figuraient des mentions telles que « niais »
ou encore « franc-maçon » ; ce qui n’est d’ailleurs pas
forcément incompatible, même si, à partir de certains degrés d’initiation, il
doit y avoir plus d’apparatchiks malicieux que de benêts.
Preuve en tous cas qu’il
n’y a pas que des « frangins » à FO.
Ce qui nous ramène à l’histoire
des origines de cette confédération créée en 1947-48 par ceux qui, derrière les
dirigeants historiques non communistes et au premier chef le socialiste
Jouhaud, n’acceptaient pas la prise de contrôle de la CGT par les communistes
staliniens.
Leur scission s’organisa
au sein d’une nouvelle confédération, la CGT-FO, véritable salmigondis de
courants concurrents sinon rivaux voire ennemis : réformistes,
anarchistes, socialistes et communistes trotskistes.
Parmi ces derniers se
maintenait sans doute encore fortement dans le lénino-trotskisme l’hostilité
communiste à la franc-maçonnerie, interdisant en 1921 la double appartenance.
Rappelons qu’après avoir
édicté les « 21 conditions d’adhésion à la troisième Internationale »,
(l’internationale communiste), Lénine et Trotski en imposèrent une 22°, mais
celle-là « non-écrite », la condamnation de cette double
appartenance. Pour la raison que le parti communiste et la franc-maçonnerie
étant organisés avec de respectives hiérarchies secrètes sinon clandestines, il
fallait être vigilant contre toute tentative de noyautage…
Ainsi Trotski, en 1922,
déclarait qu’il fallait « balayer la
franc-maçonnerie avec un balai de fer » ! Même si c’est le
trotskisme qui fut ensuite balayé par le stalinisme et si après la guerre,
syndicalistes et francs-maçons pouvaient se retrouver « face aux cosaques »
- comme on disait alors à FO. L’ancienne méfiance de ces syndicalistes souvent spécialistes
des coups tordus réciproques pour le contrôle de l’appareil n’a d’évidence pas
totalement disparu.
Je ne sais exactement
quelle est l’écurie d’origine de Pavageau. Mais à ce qui ressort de l’affaire
de ses fiches, c’est plutôt l’alliance avec les trotskistes contre les « frangins »
qu’il voulait essayer de jouer pour sauver son poste.
Mais cela n’était pas évident
tant il s’est mis de monde à dos, non seulement par ses positions mais aussi
par sa manière autocratique de diriger.
Si nous avons consacré
ces quelques lignes aux turbulences dans la confédération Force Ouvrière, c’est
que c’est parmi ses adhérents qu’il y a la plus forte proportion de partisans
de ce que l’on appelle aujourd’hui le populisme, ce que nous ne trouvons pas
antipathique.