C’est
lors de l’avènement d’Alexandre V, en 1409, sur le trône de saint Pierre que
fut employée pour la première fois dans le rituel de couronnement des papes la
sentence désormais passée dans le langage courant : « Sic transit gloria mundi ». Le maître de la cérémonie
la prononçait sur la combustion d’une mèche d’étoupe sur le pommeau d’une canne
d’argent. Dans sa sagesse, l’Église catholique savait qu’il n’était pas inutile
de rappeler au nouveau pape l’inéluctable brièveté de la gloire de son règne et
qu’il se souvienne de la réplique du Christ : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront
point ».
Ceci
m’est revenu à l’esprit alors que je parcourais quelques coupures de presse sur
le sort d’un autre Alexandre, ou dénommé tel, Alexandre Benalla.
Je
n’ai pas été le seul, dès le début de sa présidence à l’Élysée, à observer
l’évidence du phénomène de mimétisme bonapartiste et napoléonien de Macron.
Mais j’ai été peut-être le premier à formuler, sur ce blog, un peu
irrespectueusement combien je trouvais beaucoup de Néron dans ce Macron. Et
n’en a-t-il pas été ainsi de ses joies partagées avec Brigitte dans l’accueil à
l’Élysée de la faune rapeuse aux délicates mœurs que l’on sait.
Macron
aime s’encanailler un peu comme Néron. Mais surtout il y eut les scènes de
triomphe de la coupe du monde dont tel un César au Colisée, Macron, bien
évidemment s’attribuait les lauriers dans la constante de l’impérissable
programme politique de la Rome décadente : « Panem et circenses ».
Méfiant
comme Néron, l’imperator Macron se souciait également de se doter d’une garde
prétorienne sûre, donc recrutée personnellement par lui afin de conjurer les
habituels complots dans le Sénat et les menaces toujours possibles de quelque
Brutus, même au sein de sa légion « En Marche ».
Pour
cela, il lui fallait évidemment mettre d’abord en place un préfet du Prétoire
absolument dévoué à sa personne, donc recruté ailleurs que dans l’institution
policière dont il faut toujours craindre les accointances de ses hiérarques et
leurs coups tordus. L’homme tout trouvé pour cela, tel, il y a deux mille ans,
les vigilants protecteurs de Néron choisis parmi les meilleurs et les plus
chéris de ses gladiateurs affranchis, fut le très efficace et notoirement bien
aimé du chef de l’État, Alexandre Benalla.
Le
très franc Macron, toujours soucieux de combattre les rumeurs, éprouva même
étrangement le besoin de révéler de ce dernier : « Il n’était pas mon amant ». Comme si pareille chose
était imaginable ! Mais justement on sait combien notre président de la
République aime souvent discourir sur l’importance de l’imaginaire. Pour
autant, s’il affectionne de se draper dans des postures césariennes, il ne veut
sans doute pas que l’on puisse un jour dire de lui, comme de l’inépuisable
Caius Julius Caesar, qu’il aurait été « l’homme
de toutes les femmes et la femme de tous les hommes ». Néanmoins cela
renforce l’ambiance néronienne ! Car avec un pareil propos il n’en fallut
pas plus pour que certains susurrent alors d’autres méchants soupçons…
Toujours
est-il que l’Alexandre Ben Allah, donc ce « fils de Dieu », ce
protecteur protégé, peut-être pas sot mais complètement ignare des leçons de
l’Antiquité, ne méditait sûrement pas l’exemple tant de fois vérifié selon
lequel « la roche tarpéïenne est
proche du Capitole »…
Or,
n’avait- il pas senti les frémissements de la gloire capitolienne, c’est-à-dire
élyséenne, lorsqu’il put parader sur leur char pour le triomphe des vainqueurs
rentrant du Colisée de Moscou. Tout désormais lui souriait : aujourd’hui
la gloire d’une proximité sans pareille avec son empereur, demain peut-être
celle de son accession à l’une des plus hautes dignités de la Res Publica. Et
d’ailleurs, pour le préparer humanistement à cela, l’imperator ne l’avait-il
pas fait admettre dans l’obédience maçonnique qu’il appréciait le plus, la
préférant au Grand Orient des frères Collomb ou de Le Drian ou à La Libre
Pensée de la sœur Marlène Schiappa : la Grande Loge Nationale Française
(G.L.N.F.). Et de plus, dans l’atelier si bellement baptisé : « Les
chevaliers de l’espérance ».
Il
y a peu encore, tout ne pouvait donc que conforter le bien-aimé Alexandre dans
l’idée qu’il était vraiment un « Ben Allah », un enfant chéri de la
providence. Or, malédiction, voilà que la Place de la Contre-escarpe devint
pour lui comme une suicidaire roche tarpéïenne. Car il n’y fut pas poussé mais
s’y précipita, tout seul, sans aucune prudence, même pas dissimulé sous le
casque de légionnaire de la sécurité intérieure qu’il avait tout de même exigé
pour se prémunir des jets de pierre de la plèbe avant de montrer à ces
pèquenots de la préfecture de police ce que savait faire à lui tout seul le
futur préfet de la garde prétorienne en cours d’organisation.
Mais
laissons maintenant Alexandre Benalla se remettre comme il le pourra des
contusions de sa chute.
Certains
commentateurs de la vie politique ont manifesté de l’exaspération devant
l’importance prise pas une affaire ne relevant, selon eux, que de la « futilité ». Parmi eux, Luc
Ferry n’a concédé à cette « déplaisante
affaire » qu’un intérêt relatif « par
ce qu’elle révèle de fonctionnement monarchique de l’Élysée ». Pour cultivé qu’il soit par ailleurs, Luc
Ferry manifeste ainsi combien il confond regrettablement la monarchie et la
monocratie. Certes, Emmanuel Macron a jadis exprimé la juste observation que la
mise à mort du Roi Louis XVI, dont l’immense majorité du peuple ne voulait pas,
avait constitué une irrémédiable et tragique rupture dans l’histoire de notre
France : « Dans la politique
française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que
le peuple français n'a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide
émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n'est plus là ! On a essayé ensuite
de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures : ce sont les moments
napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française
ne remplit pas l'espace. On le voit bien avec l'interrogation permanente sur la
figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après
lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au
cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu'on attend du président de la
République, c'est qu'il occupe cette fonction. Tout s'est construit sur ce malentendu »
(« Le 1 hebdo »,
juillet 2015).
Pour
autant, il n’est d’abord nullement le partisan d’une résurrection monarchique,
d’ailleurs, à vue humaine, impossible. Surtout, il ne pratique aucun empirisme
organisateur par lequel on pourrait penser qu’il entendrait s’inspirer de ce
qu’il y avait jadis de bon (et tout ne l’était pas !) dans les
institutions et les politiques de l’Ancien Régime.
Nous
l’avons dit ou écrit à maintes reprises, il est fondamentalement un jacobin, et
plus précisément un saint-simonien, partisan d’un pouvoir fort reposant sur un
fonctionnement technocratique de la politique et ce, au service de son
libéralisme révolutionnaire visant à continuer dans la voie de la
désintégration sociétale et de la reconstruction totalitaire du « meilleur
des monde ». Le vieil adage maçonnique somme toute : « Solve et coagula ».
Or,
la monarchie, par-delà ses vicissitudes, les erreurs de ses derniers rois et de
ses parlements et les regrettables confusions cléricalo-politiques des titres
et des charges, toutes choses qui, certes, appelaient des réformes, n’en
demeurait pas moins un régime assurant à la fois l’autorité de l’État et la
continuité de sa politique mais assurant aussi une certaine harmonie de la
cohésion de la société et d’une décentralisation léguée par l’histoire.
Alors,
certes, l’affaire Benalla, en regard de nos grandes questions de survie, ne
devrait être considérée que comme une futilité. Mais elle ne perturbe
principalement que l’avancement de réformes loin d’être globalement positives
comme celles qui relèvent de la violation de l’écologie humaine sous
l’influence des groupes de pression et des minorités imposant toutes les
désorientations familiales et sexuelles.
Macron ne peut vraiment pas être comparé à un monarque
bienfaisant, il est en réalité un monocrate narcissique agité par des pulsions
tyranniques.