J’ai naguère parlé de la
« franc-macronnerie ». J’en conviens volontiers, c’était, à une
lettre près, un jeu de mots facile. Mais si j’y ai succombé, c’est qu’il
permettait d’évoquer une réalité : celle que reprend en couverture le Figaro
Magazine de ce jour avec, sur fond de Macron et de la pyramide du Louvre, le
titre « Macron et les francs-maçons, le bras de fer ».
On se souvient en effet
que, très significativement, Emmanuel Macron, venant d’être élu, avait choisi
pour sa première apparition solennelle en tant que président de la République
le cadre de la pyramide du Louvre, cette bâtisse, pâle copie des grands
monuments d’Égypte, totalement disharmonieuse et même profanatrice en un lieu
non seulement d’exposition de tant de chefs-d’œuvre de portée universelle mais
qui fut un des hauts lieux de la civilisation française.
Or on le sait, la pyramide fait partie du
falbala fantasmagorique du symbolisme de pacotille des rites de la
franc-maçonnerie pour lequel un Jean Jaurès lui-même n’avait que sarcasmes,
comme nous l’avons rappelé dans notre « Histoire de Jaurès ».
Mais si le Christ a
rappelé dans sa décisive parole de « rendre à César ce qui est à César et
à Dieu ce qui est à Dieu », les « Césars » français, depuis la
Révolution, ont hélas généralement accordé beaucoup plus de considération aux
exigences maçonniques qu’à celles du Décalogue.
Et en fait, depuis la première
République, jusqu’à la cinquième et y compris les deux empires et les trois
monarchies de la Restauration, surtout celle de Juillet, tous les régimes n’ont-ils
pas été peu ou prou ceux d’une plus ou moins visible « maçonnocratie » ?
Il n’est donc pas
étonnant que le thème de l’influence maçonnique sur la vie politique et
sociale, et surtout « sociétale » comme on dit aujourd’hui, soit
récurrent dans les magazines. Cela permet des titres accrocheurs, dynamisant
les ventes alors que le plus souvent les contenus n’apportent pas grand-chose d’essentiellement
nouveau sur le sujet.
Au mieux, quelques rappels
ou révélations nouvelles sur les affiliations des ministres et autres
politiciens. Rappelons au passage qu’à l’exception peut-être de Jacques Chirac
(loge Alpina ?), les présidents de la V° République n’étaient pas francs-maçons.
Mais tous, y compris Charles de Gaulle, furet très soucieux de ne jamais
remettre en cause l’influence de la franc-maçonnerie notamment dans leurs
gouvernements et administrations et de ne pas omettre de la saluer avec
déférence comme la conscience, voire la religion, de la République.
Inutile
d’ajouter ici qu’aucun ne s’est avisé pourtant de vouloir séparer cette
religion de l’État. L’article du « Fig Mag » n’est guère
extraordinaire. D’abord, le titre de la une, « le bras de fer », ne
correspond pas à la réalité. C’est une généralisation pour le moins abusive. Il
n’y a pas de « bras de fer » entre Macron et la maçonnerie. Son gouvernement
et son parti et ses soutiens sont trop truffés de maçons, et non des moindres,
pour que pareil titre corresponde à une situation générale.
Tout simplement, quels que
soient les gouvernements, les plus fanatiques laïcards parmi les « frangins »
(ainsi les « frères » s’appellent-ils entre eux) poussent aussitôt
des cris d’orfraie dès que les chefs de l’État dispensent comme l’ont fait
Macron et Sarkozy en son temps quelques propos de considération pour les religions
et le christianisme, sur lequel a été bâtie la France en particulier.
Et c’est plutôt d’ailleurs
ce qui ressort de l’article dont l’auteur s’efforce en quelque sorte de
distinguer les obédiences sur leur degré d’intégrisme laïciste.
Mais on ne peut qu’être
perplexe sur certaines de ses assertions. Ainsi qualifier la Grande Loge de France
de « très spiritualiste » est un peu court. Rappelons que cette
obédience, numériquement la deuxième après le Grand Orient, est globalement
positionnée encore plus à gauche.
Quant à son « spiritualisme »,
que recouvre exactement ce mot ? Quelque spiritisme peut-être ? Quel
était donc le « spiritualisme » du docteur Simon, le « père »
des lois Neuwirth et Veil qui se proclama d’abord athée puis affirma un étrange
salmigondis panthéiste mâtiné de bouddhisme et de Kabbale ?
Quant à l’assertion sur
l’héroïque colonel Arnaud Beltrame « à la fois catholique fervent et
franc-maçon revendiqué », elle n’est guère conforme à ce que nous avons pu
en savoir. Le colonel, quand il était franc-maçon, n’était pas ou n’était plus
catholique ; et quand il se convertit et retrouva la foi de son baptême,
alors il s’éloigna de la maçonnerie.
En revanche, l’article
du Figaro a au moins le mérite d’offrir le vaste panorama de la multiplicité
des « frangins » et « frangines » des différentes
obédiences au sein du gouvernement Macron.
Il serait sans doute
moins long de lister ceux qui ne le sont pas. Mais peut-on réellement le savoir ?
Ceci nous ramène à l’une
des objections principales que nous opposons au phénomène maçonnique : le
fait qu’il constitue des « hiérarchies parallèles » et des « noyaux
dirigeants », c’est-à-dire au sens strict « des pouvoirs non assortis
de responsabilités ».
La franc-maçonnerie qui
se targue d’être la religion de la République est ainsi un principe même de
violation constante de la démocratie.