Pour le prochain numéro
de Reconquête, j’ai hésité à consacrer un article plus long que je ne l’ai déjà
fait à l’analyse de la politique d’Emmanuel Macron, notamment sous l’éclairage
de sa personnalité et de sa conception de l’action.
Je ne crois pas m’être
trompé jusqu’ici en invoquant l’importance psycho-morphologique du mimétisme bonapartiste.
Car Macron, abordant fermement les manifestants hostiles ou les assemblées
réticentes, semble dans un choix constant de postures rappelant les peintures
de Bonaparte au pont d’Arcole (d’ailleurs moins conformes à la réalité
historique qu’à la recherche évidente d’héroïcisation mythique).
Mais, pour l’heure, n’allons
pas plus loin dans ce registre car Macron n’obéit pas seulement à ce mimétisme
bonaparto-napoléonien dans ses postures mais plus encore peut-être dans son
idéologie et sa stratégie politicienne.
Je crois d’abord que ce
n’est pas l’avenir de la patrie charnelle qui le préoccupe mais le
fonctionnement de l‘État, ce « plus froid des monstres froids ». Il
me paraît en effet être avant tout un jacobin, au sens plein de ce qu’était l’idéologie
jacobine fondée sur les deux abstractions de l’individu et de l’État (« le
zéro et l’infini »).
À l’évidence, il n’est
pas un enthousiaste des corps intermédiaires. Certes il lui arrive d’invoquer
notre chère Simone Weil, la mystique et philosophe de l’importance de « l’enracinement ».
Mais ce n’est pas la revitalisation des communautés naturelles qui semble sa
préoccupation : ni de celle de la famille dont il n’a, à ce que l’on en
connaît, que l’expérience d’une exception pas très modélisable pour la
continuité de la société ; ni de celle des communes (et encore moins des
dernières paroisses !), ni de celles des provinces ou régions.
Son idée de l’éducation
n’est pas celle de la liberté et des libertés telles qu’elles prévalent en bien
d’autres pays prospères. Rien n’indique à ce jour qu’il veuille remettre en
cause le désastreux monopole de ce que Simone Weil appelait « le gros
animal ».
Comme cette dernière, il
n’aime sans doute pas le concept et la réalité des partis politiques. Mais à l’évidence,
pas pour les remplacer par un sain fonctionnement de démocratie réelle des
corps intermédiaires.
Or il faut bien une
assise à l’encadrement politique de la société. Sur ce point, Macron a
certainement encore à l’esprit le modèle de l’Empire. À la différence des
dictateurs des régimes totalitaires ultérieurs, fascistes ou communistes, la
structure d’encadrement idéologique sur laquelle s’appuya Napoléon était la
franc-maçonnerie.
Celle-ci avait un temps
été officiellement dissoute par la Convention comme société particulière, mais
en réalité en raison de la rivalité du club des jacobins. Ce dernier ayant été
dissous, la maçonnerie en sommeil se réveilla, et se développa comme seule
société de pensée et officine d’influence politique au service de l’Empire.
Tout semble indiquer que
Macron préfère travailler avec les clubs et les « sociétés de pensée »
modernes et les officines maçonniques les plus influentes plutôt que dans la
routine d’un ou plusieurs partis. Même s’il faut faire semblant d’en vouloir.
L’homme est intelligent,
habile et, on l’a vu, redoutable pour ceux avec qui il débat. Mais c’est hélas
un jacobin, certes moderne, d’un jacobinisme aux trois niveaux du
constructionnisme, étatique, eurocratique et mondialiste.
Somme toute conforme à
la vieille utopie maçonnique de la République universelle.