Après
les délires et la grande catastrophe du racisme nazi et du communisme
s’installant à l’Est, l’Allemagne réunifiée après la chute du Mur s’est
gentiment installée pour plus d’un quart de siècle dans une phase de prospérité
économique grandissante et de démocratie ronronnante. Période marquée aussi par
l’acceptation d’une immigration, principalement turque, jugée bienfaisante pour
combler les vides de la dénatalité.
C’est
que, après les folies idéologiques, les horreurs de la guerre et les
occupations, la dureté de la vie, ou plus exactement d’abord, de la survie, et
un travail acharné, le peuple allemand, globalement, rechignait aux efforts que
nécessite le renouvellement démographique. En ne mettant au monde et en
n’élevant que peu d’enfants, la société allemande obéissait à n’en pas douter à
un désir de repos et de jouissance des douceurs d’une société de consommation.
Pour beaucoup, un individualisme hédoniste l’emportait sur les joies mais aussi
les sacrifices nécessités par la vie
familiale et l’éducation de plusieurs enfants.
Les
deux années qui viennent de s’écouler ont marqué la fin de cette époque en
quelque sorte par le passage d’une phase d’immigrationnisme tranquille (non
sans grands dangers à terme) à celle que, pour paraphraser le langage
social-évolutionniste du darwino-marxisme, on pourrait désigner comme « un
saut quantitatif brusque ».
L’acceptation
par Angela Merkel d’une probable nécessité d’accueil encore de millions de
réfugiés a suscité chez beaucoup un compréhensible reflexe d’interrogation
sinon d’angoisse quant à un avenir dans une paix certaine de la société
allemande.
Ô
certes, il y eut jusqu’ici une longue connivence entre l’Allemagne et la
Turquie et l’islam :
-
l’alliance en 1914 et la connivence militaire dans le génocide
« arménien » ;
-
recrutement par Hitler de divisions SS bosniaques avec l’appui du grand mufti
de Jérusalem Hadj Amine el-Husseini ;
-
l’accueil d’une main d’œuvre fiable et bienvenue de travailleurs turcs (et
kurdes).
Mais
Angela Merkel s’est trouvé confrontée au fait que le saut quantitatif brusque
migratoire soit en simultanéité avec ce que j’ai naguère titré en couverture de
Reconquête : « Le grand retour ottoman ». Or, Erdogan, avec sa petite
moustache façon Adolf Hitler, est un idéologue de l’espace vital ottoman. Il se
veut tel un nouveau sultan. Et Angela a bien dû réaliser que le temps de la
lune de miel diplomatique avec lui, marquée par l’affection de quelques
hypocrites bises de retrouvailles, n’était plus.
Mais
désormais l’inquiétude allemande n’a cessé de s’affirmer. Cela explique la
percée électorale d’hier – 13 % c’est considérable – du mouvement « AfD »
qualifié de populiste ou encore de droite radicale. Ce mouvement ne me semble
hériter que très partiellement des valeurs de la droite chrétienne sociale
allemande, historiquement d’ailleurs antinazie. Mais, hélas, la CSU bavaroise,
traditionnellement alliée de la CDU, a, au fil des années, abandonnée sinon
trahi ces valeurs.
En
Allemagne aussi, on est hélas passé, selon la formule de Charles Péguy cinglant
Jaurès, de la mystique à la politique et de la politique à la cuisine
politicienne. Mais en Allemagne plus qu’ailleurs, quand le patriotisme fervent
fait défaut, alors peut surgir un nationalisme véhément.
On
peut encore, pour méditer cela, puiser dans les analyses et réflexions,
aujourd’hui encore souvent très pertinentes d’un Jacques Bainville.