mardi 28 mars 2017

Discours de Mgr Pontier à Lourdes : une ligne périmée.


Ce jour, pour l’ouverture de l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, Mgr Pontier, président de la CEF, a délivré un discours très politisé dans la droite et consternante ligne du livret « Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique » que Bernard Antony avait allègrement démonté dans Reconquête n°332. Politisé, certes, mais pas téméraire, puisque l’article de la Croix qui le traite précise d’emblée que Mgr Pontier veut « alerter contre la montée du Front National sans jamais le citer », « exercice délicat » qui fut donc fait plus en douceur que les calomnies pures prononcées à la fin des années 1980 par Mgr Decourtray, Primat des Gaules d’alors.

Ce discours introductif fut donc un récitatif éraillé d’idées épiscopalement correctes, illustration parfaite de la « langue de buis » analysée par Laurent Dandrieu dans Eglise et immigration : le grand malaise (Presses de la Renaissance), prônant à grands coups d’abstractions molles et de concepts creux la « fraternité » contre le « repli », cette menace nébuleuse et fort peu définie planant sur la France et l’Europe. Bien entendu, sur la tsunamigration et le choc identitaire qu’elle provoque, tout va très bien, « Ceux qui viennent chez nous et sont accueillis, peuvent s’intégrer, apporter leur savoir-faire […]. Notre conviction chrétienne et citoyenne nous invite à la générosité. » Le devoir de discernement en vue du Bien commun est noyé sous les bons sentiments, toujours justifiés par la référence évangélique (qui semble devenue l’alpha et l’oméga de toute la pensée politique de l’épiscopat français) « l’hospitalité offerte à l’étranger qui a besoin d’un refuge est offerte à Jésus-Christ lui-même. »

Cette attitude proprement impolitique, au sens que lui donnait l’essayiste Julien Freund, s’est vu donner un nom officiel par une partie de l’épiscopat : la « culture de la rencontre ». Remède miracle aux « peurs » illégitimes suscitées par la déferlante d’immigrés illégaux et de réfugiés, tout autant que fondement biaisé de l’attitude que les catholiques seraient censés avoir vis-à-vis de l’islam, ladite « culture de la rencontre » permet de « grandir dans la connaissance et le respect mutuel », à l’opposé du « dangereux regard de méfiance » portés sur les musulmans en France après les attentats. Ici, l’absence totale de volonté de recul, de bon sens et de liberté de critique de l’islam comme phénomène intrinsèquement politico-religeux, n’est que le signe d’un discours épiscopal en flagrant décalage par rapport aux enjeux de l’heure, tant pour la France que pour le monde.

Cette gravissime absence de pertinence, enrobée dans l’épaisseur émoliente de la bonne conscience, est de moins en moins admise par les pratiquants catholiques. Ainsi, les évêques, aux dires de la Croix, semblent bien embarrassés : face à des paroissiens qui sont de plus en plus nombreux à voter ouvertement pour le FN, plus question de leçons de morale politique en chaire, sans même parler de consignes de vote ! Le discours de la Ligne Générale de l’épiscopat est devenu inaudible. Il s’est donc mué en cette désapprobation qui ne nomme pas sa cible, marquant plus encore la difficulté chronique à adapter une analyse périmée à la réalité des choses.

La mise en garde finale sur le « développement de pratiques eugéniques » et la disparition de « toutes les procédures de dialogue et de réflexion contenues dans la loi Veil » laisse pour le moins insatisfait : qu’en termes choisis ces choses-là sont dites, alors qu’il s’agit, dans le cas de l’extension du délit d’entrave à l’avortement au numérique, d’une loi purement totalitaire ! Nous attendons que l’Eglise soit offensive, à l’avant-garde du combat contre la culture de mort. Au sommet de la CEF, ce n’est malheureusement pas encore ça.

Pierre Henri