Ce jour, pour l’ouverture de l’Assemblée plénière des
évêques de France à Lourdes, Mgr Pontier, président de la CEF, a délivré un
discours très politisé dans la droite et consternante ligne du livret « Dans un monde qui change, retrouver le sens
du politique » que Bernard Antony avait allègrement démonté dans
Reconquête n°332. Politisé, certes, mais pas téméraire, puisque l’article de la
Croix qui le traite précise d’emblée que Mgr Pontier veut « alerter contre la montée du Front National
sans jamais le citer », « exercice
délicat » qui fut donc fait plus en douceur que les calomnies pures
prononcées à la fin des années 1980 par Mgr Decourtray, Primat des Gaules d’alors.
Ce discours introductif fut donc un récitatif éraillé d’idées
épiscopalement correctes, illustration parfaite de la « langue de buis »
analysée par Laurent Dandrieu dans Eglise
et immigration : le grand malaise (Presses de la Renaissance), prônant
à grands coups d’abstractions molles et de concepts creux la « fraternité » contre le « repli », cette menace nébuleuse et
fort peu définie planant sur la France et l’Europe. Bien entendu, sur la
tsunamigration et le choc identitaire qu’elle provoque, tout va très bien, « Ceux qui viennent chez nous et sont accueillis,
peuvent s’intégrer, apporter leur savoir-faire […]. Notre conviction chrétienne et citoyenne nous
invite à la générosité. » Le devoir de discernement en vue du
Bien commun est noyé sous les bons sentiments, toujours justifiés par la
référence évangélique (qui semble devenue l’alpha et l’oméga de toute la pensée
politique de l’épiscopat français) « l’hospitalité offerte à l’étranger qui a besoin
d’un refuge est offerte à Jésus-Christ lui-même. »
Cette attitude proprement impolitique, au sens que
lui donnait l’essayiste Julien Freund, s’est vu donner un nom officiel par une
partie de l’épiscopat : la « culture de la rencontre ». Remède miracle aux « peurs » illégitimes
suscitées par la déferlante d’immigrés illégaux et de réfugiés, tout autant
que fondement biaisé de l’attitude que les catholiques seraient censés avoir
vis-à-vis de l’islam, ladite « culture de la rencontre » permet de « grandir dans la connaissance et le respect
mutuel », à l’opposé du « dangereux regard de méfiance »
portés sur les musulmans en France après les attentats. Ici, l’absence totale
de volonté de recul, de bon sens et de liberté de critique de l’islam comme
phénomène intrinsèquement politico-religeux, n’est que le signe d’un discours
épiscopal en flagrant décalage par rapport aux enjeux de l’heure, tant pour la France
que pour le monde.
Cette gravissime absence de pertinence, enrobée
dans l’épaisseur émoliente de la bonne conscience, est de moins en moins admise
par les pratiquants catholiques. Ainsi, les évêques, aux dires de la Croix,
semblent bien embarrassés : face à des paroissiens qui sont de plus en
plus nombreux à voter ouvertement pour le FN, plus question de leçons de morale
politique en chaire, sans même parler de consignes de vote ! Le discours
de la Ligne Générale de l’épiscopat est devenu inaudible. Il
s’est donc mué en cette désapprobation qui ne nomme pas sa cible, marquant plus
encore la difficulté chronique à adapter une analyse périmée à la réalité des
choses.
La mise en garde finale sur le « développement de pratiques eugéniques »
et la disparition de « toutes
les procédures de dialogue et de réflexion contenues dans la loi Veil »
laisse pour le moins insatisfait : qu’en termes choisis ces choses-là sont
dites, alors qu’il s’agit, dans le cas de l’extension du délit d’entrave à l’avortement
au numérique, d’une loi purement totalitaire ! Nous attendons que l’Eglise
soit offensive, à l’avant-garde du combat contre la culture de mort. Au sommet
de la CEF, ce n’est malheureusement pas encore ça.
Pierre Henri