M. Erdogan, habitué jusqu’ici à
toutes les complaisances occidentales, mais aussi russes et israéliennes, a été
surpris par le fait que l’Allemagne et les Pays-Bas, en une sorte de sursaut
élémentaire lui aient refusé de venir fanatiser un peu plus ses partisans parmi
les populations turques de ces pays.
Pour la plupart d’ailleurs de ces
ressortissants, la possession de la nationalité des pays d’accueil ne présente
que l’intérêt de multiples commodités de vie mais ne les empêche pas de
demeurer turcs avant tout et par-dessus tout.
En attendant le jour où, devenus
majoritaires dans quelque région sur le modèle du Kosovo, ils pourront y
proclamer l’indépendance d’une entité qui pourra être fédérativement rattachée
à la mère-patrie ottomane, comme il en est de l’entité turque du nord de Chypre…
Dans l’affaire de ses meetings,
Erdogan a préféré bien sûr la complaisance française de pré-dhimmitude.
Mais contre l’Allemagne, il a
proféré une menace dont seuls nos diplomates, politiciens et commentateurs
ignorants ne voient pas combien elle s’inscrit à l’évidence dans une continuité
mimétique.
Il a déclaré : « Si je veux venir en Allemagne, je le ferai et
si vous ne me laissez pas passer par vos portes et ne me laissez pas parler, je
mettrai le monde sens dessus dessous ».
Il ne faut pas prendre à la
légère les éructations de ce genre de dictateur.
Il traite de nazis les Hollandais
et les Allemands mais, quoique sa moustache soit un peu moins marquée que celle
d’Hitler, ses menaces, avec la gestuelle qui va avec, rappellent d’abord celles
de ce dernier.
Mais la continuité mimétique
remonte en fait à bien plus haut. Erdogan, qui connaît son histoire turque et
ses modèles, a d’évidence voulu parler comme Mehemet II écrivant en 1451 à
Constantin XI de Constantinople : « Les deux rives du Bosphore m’appartiennent : celle d’Asie parce qu’elle
est peuplée par mes ottomans, celle d’Europe car vous n’êtes plus capables de
la défendre… ».
Mais qui pèse aujourd’hui qu’une
majorité de Turcs ne sont pas chagrinés de ce que beaucoup de leurs
grands-pères ou arrières-grands-pères furent, eh oui, les assassins,
tortionnaires ou bourreaux qui génocidèrent les Arméniens, Assyro-Chaldéens et
autres chrétiens au siècle dernier et dès le XIX° siècle ?
Il y eut en effet une parfaite
unanimité turco-ottomane pour exterminer les chrétiens. Ce fut d’abord dans les
années 1875 sous l’impulsion du sadique sultan Abdul-Hamid II, qui se délectait
d’ordonnancer les pires tortures. Il fut écarté de la réalité du pouvoir par
les Jeunes-Turcs « laïques ». Ces derniers firent en 1909 dans les
massacres d’Adana comme une répétition préalable au génocide déclenché en 1916.
À partir de 1918, Mustapha Kemal
paracheva le génocide. Cela ne l’empêcha pas de superbement manœuvrer diplomatiquement
en grand artiste d’une Taqiyya au quadruple langage, entretenant en effet de
bonnes relations avec les Allemands, les Français, les Anglais et les
Soviétiques.
Il est vrai que déjà, en 1918, l’Europe
des vainqueurs comme celle des vaincus avait commis le grand crime historique et
géopolitique de ne pas vouloir ressusciter et redonner Constantinople à la
Grèce.
Et ainsi, M. Poutine doit-il s’efforcer
d’être aimable avec M. Erdogan qui contrôle le Bosphore et les Dardanelles.