mardi 31 janvier 2017

Rappel sur le régime des Assad

En complément de la tribune du général Cann, voici le point de vue de notre ami Richard Haddad.

Depuis l'apparition de l'Etat islamique en Syrie, la cote de Bachar el-Assad auprès d'une partie de la classe politique et des sympathisants de la droite française est en constante augmentation. S'emballer au quart de tour pour des chefs d'Etats étrangers est une maladie chronique de la droite française frustrée. Mais transformer des dictateurs caricaturaux du Moyen-Orient en héros et modèles de résistance dépasse l'entendement et démontre surtout une méconnaissance inquiétante de la géopolitique de cette région et du profil des acteurs locaux.

Que le régime syrien soit moins pire que l'Etat islamique pour les chrétiens d'Orient comme pour l'Occident, nul ne peut le contester. Mais la politique internationale ne peut être traitée de façon binaire. Si Bachar el-Assad est moins nocif que Al-Bagdadi, cela ne fait pas de lui un modèle de régime politique au Moyen Orient, d'autant plus que sa responsabilité dans l’ascension des groupes djihadistes est bien réelle.

Revenons aux faits. Le régime syrien, une dictature, officiellement nationaliste arabe et socialiste (très hostile à la France pour des raisons historiques) est en fait tenu par un clan politico-mafieux issu de la communauté alaouite (secte musulmane issue du chiisme) ultra minoritaire. S'étant trouvé en difficulté au début de la guerre civile de 2011 que sa nature totalitaire a largement encouragé, le régime syrien a utilisé tous les moyens stratégiques pouvant redorer son image en Occident. L'objectif ultime étant de renforcer les plus extrémistes de ses adversaires afin de paraître comme le seul recours face à la monté de l'islamisme mais aussi comme le protecteur des minorités y compris chrétiennes. A plusieurs reprises, celui que certains présentent comme le défenseur des chrétiens de Syrie sacrifia ses derniers en livrant leurs villages aux combattant de l'EI afin de mettre en scène plus tard leur libération par ses troupes.

Et qu’en est-il de ce régime très utile pour la lutte anti-terroriste ? Parlons-en de ces renseignements de premier choix qu'il donnerait à nos gouvernements : quand il ne s'agit pas de fausses informations, il s'agit de donner des fiches sur des éléments djihadistes qu'il a lui même remis en selle en les envoyant en Irak après les avoir recrutés dans les pays voisins ou même dans ses propres prisons. La politique internationale du clan Assad est bien connue depuis plus de trente ans et elle n'a guère changé, elle est fondée sur le principe de se rendre incontournable dans la région. S'ils ne le sont plus, ils créent la situation qui leur permette de le redevenir, la fin justifiant les moyens, la subversion, la manipulation et les actes terroristes sont pratiqués sans scrupules à cette fin. Drôle de façon de lutter contre le terrorisme en comptant sur des terroristes. Parce que le régime syrien, auteur de dizaines d'assassinats et d'attentats au Liban, principalement contre des chrétiens qui ne lui sont pas soumis, et contre l'ambassadeur de France, est aussi l'allié des terroristes libano-iraniens, auteurs de l'attentat du Drakar, où une soixantaine de nos plus valeureux paras ont trouvé la mort, sans compter les prises d'otages d'Occidentaux pendant plus de vingt ans.

Quant aux intérêts de la France dans la région, car c'est bien cela qui importe le plus, ils ne peuvent en aucun cas se confondre avec ceux des Russes, que l'on soit leur allié sur d'autres plans ou pas, nous n'avons pas obligatoirement les mêmes amis. Les liens des Russes avec le régime syrien qui leur donne un accès à la Méditerranée sont un héritage de l'Union soviétique, ils le soutiendront jusqu'à ce qu'un autre leur garantisse les mêmes avantages. Les alliés historiques de la France, et les plus fiables, sont les chrétiens du Liban et certainement pas ceux de Syrie. Or Assad et son régime soutenu par l'Iran (État islamiste et djihadiste lui aussi) n'ont jamais toléré la souveraineté politique des chrétiens libanais et n'ont cessé de la combattre. Ils ne tolèrent les chrétiens que lorsqu'ils leur sont soumis. Cette soumission mettrait définitivement fin à la présence française au Levant. Ce que les Anglo-saxons ont rêvé, en s'appuyant sur leurs alliés historiques sunnites, serait finalement réalisé par les Iraniens, les Russes et leurs alliés alaouites.

A moins que la France ait enfin une politique étrangère digne de ce nom et négocie avec les Russes son soutien à condition que leurs alliés n'interfèrent pas dans sa sphère d'influence.

Richard Haddad