En complément de la tribune du général Cann, voici le
point de vue de notre ami Richard Haddad.
Depuis
l'apparition de l'Etat islamique en Syrie, la cote de Bachar el-Assad auprès
d'une partie de la classe politique et des sympathisants de la droite française
est en constante augmentation. S'emballer au quart de tour pour des chefs
d'Etats étrangers est une maladie chronique de la droite française frustrée.
Mais transformer des dictateurs caricaturaux du Moyen-Orient en héros et
modèles de résistance dépasse l'entendement et démontre surtout une
méconnaissance inquiétante de la géopolitique de cette région et du profil des
acteurs locaux.
Que le régime
syrien soit moins pire que l'Etat islamique pour les chrétiens d'Orient comme
pour l'Occident, nul ne peut le contester. Mais la politique internationale ne
peut être traitée de façon binaire. Si Bachar el-Assad est moins nocif que
Al-Bagdadi, cela ne fait pas de lui un modèle de régime politique au Moyen Orient,
d'autant plus que sa responsabilité dans l’ascension des groupes djihadistes est bien réelle.
Revenons aux
faits. Le régime syrien, une dictature, officiellement nationaliste arabe et
socialiste (très hostile à la France pour des raisons historiques) est en fait
tenu par un clan politico-mafieux issu de la communauté alaouite (secte
musulmane issue du chiisme) ultra minoritaire. S'étant trouvé en difficulté au
début de la guerre civile de 2011 que sa nature totalitaire a largement
encouragé, le régime syrien a utilisé tous les moyens stratégiques pouvant
redorer son image en Occident. L'objectif ultime étant de renforcer les plus
extrémistes de ses adversaires afin de paraître comme le seul recours face à la
monté de l'islamisme mais aussi comme le protecteur des minorités y compris
chrétiennes. A plusieurs reprises, celui que certains présentent comme le
défenseur des chrétiens de Syrie sacrifia ses derniers en livrant leurs
villages aux combattant de l'EI afin de mettre en scène plus tard leur libération
par ses troupes.
Et qu’en est-il
de ce régime très utile pour la lutte anti-terroriste ? Parlons-en de ces
renseignements de premier choix qu'il donnerait à nos gouvernements :
quand il ne s'agit pas de fausses informations, il s'agit de donner des fiches
sur des éléments djihadistes qu'il a lui même remis en selle en les envoyant en
Irak après les avoir recrutés dans les pays voisins ou même dans ses propres
prisons. La politique internationale du clan Assad est bien connue depuis plus
de trente ans et elle n'a guère changé, elle est fondée sur le principe de se
rendre incontournable dans la région. S'ils ne le sont plus, ils créent la
situation qui leur permette de le redevenir, la fin justifiant les moyens, la
subversion, la manipulation et les actes terroristes sont pratiqués sans
scrupules à cette fin. Drôle de façon de lutter contre le terrorisme en
comptant sur des terroristes. Parce que le régime syrien, auteur de dizaines
d'assassinats et d'attentats au Liban, principalement contre des chrétiens qui
ne lui sont pas soumis, et contre l'ambassadeur de France, est aussi l'allié
des terroristes libano-iraniens, auteurs de l'attentat du Drakar, où une
soixantaine de nos plus valeureux paras ont trouvé la mort, sans compter les
prises d'otages d'Occidentaux pendant plus de vingt ans.
Quant aux
intérêts de la France dans la région, car c'est bien cela qui importe le plus,
ils ne peuvent en aucun cas se confondre avec ceux des Russes, que l'on soit
leur allié sur d'autres plans ou pas, nous n'avons pas obligatoirement les
mêmes amis. Les liens des Russes avec le régime syrien qui leur donne un accès
à la Méditerranée sont un héritage de l'Union soviétique, ils le soutiendront
jusqu'à ce qu'un autre leur garantisse les mêmes avantages. Les alliés historiques
de la France, et les plus fiables, sont les chrétiens du Liban et certainement
pas ceux de Syrie. Or Assad et son régime soutenu par l'Iran (État islamiste et
djihadiste lui aussi) n'ont jamais toléré la souveraineté politique des
chrétiens libanais et n'ont cessé de la combattre. Ils ne tolèrent les
chrétiens que lorsqu'ils leur sont soumis. Cette soumission mettrait
définitivement fin à la présence française au Levant. Ce que les Anglo-saxons
ont rêvé, en s'appuyant sur leurs alliés historiques sunnites, serait
finalement réalisé par les Iraniens, les Russes et leurs alliés alaouites.
A moins que la
France ait enfin une politique étrangère digne de ce nom et négocie avec les
Russes son soutien à condition que leurs alliés n'interfèrent pas dans sa sphère
d'influence.
Richard Haddad