L’élection de Donald Trump, déjouant toutes les
prédictions des « experts » et autres sondeurs, suscite, parmi les
rares propos un peu sensés, des analyses globales d’une
« droitisation » des peuples occidentaux, marquée dernièrement par le
Brexit et par les scores des différents partis dits « populistes » ou
« d’extrême-droite » en Europe. L’on peut en effet discerner certaines
causes similaires à ces phénomènes dont on ne doit cependant pas négliger les
spécificités liées au contexte national ou européen : la fragilisation
d’une partie importante des classes moyennes, la question identitaire, la crise
de la tsunamigration en Europe et
celle des clandestins hispano-américains aux Etats-Unis, la colère devant une
classe politico-médiatique qui cumule les tares : privilégiée, endogame,
libérale-libertaire, arrogante, sûre de sa supériorité morale, parfois
corrompue, et ayant organisé ou laissé faire le désastre politique que nos pays
subissent depuis plusieurs décennies. La colère et ses motifs, en effet, ont
bien des points communs d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, et aussi des
divergences nombreuses, tant culturelles que conjoncturelles. Peut-on pour
autant en déduire que ces causes communes produiront des effets semblables ?
D’aucuns le souhaitent,
en voyant en Marine Le Pen un équivalent français à Trump. D’autres envisagent
simplement le fait qu’elle bénéficiera d’un courant, d’une tendance de fond qui
retirera à beaucoup d’électeurs les complexes et autres préventions qui les
auraient empêchés de voter Front National en 2017. Il est en effet tout à fait
possible qu’une sorte d’effet d’exemple agisse : « si les Américains ont pu soulever le joug
des média hystériquement hostiles et voter massivement en faveur de cet outsider,
outrancier mais talentueux, alors nous pourrons le faire aussi, dans l’espoir
d’un changement, d’un homo novus qui mettrait, tant que faire se peut, le coup
de balai attendu ». A notre sens, un tel effet est tout à fait
souhaitable, pour sortir de l’alternative mortifère des « partis de
gouvernement », tous acquis à l’immigrationnisme et à la culture de mort.
Tous ne sont pas de cet
avis, à commencer par Jean-Marie Le Pen lui-même qui voit en la victoire de
Trump une invalidation de la stratégie de dédiabolisation, analyse partagée par
le journaliste Brice Couturier, interrogé par le Figarovox le 11
novembre : « Mais
paradoxalement, son entreprise de dédiabolisation du Front National la dessert
dans ce registre. Elle cherche à apparaître comme une politicienne comme les autres »
alors que Trump a contourné les règles du jeu politique, a pratiqué la
provocation, cherché le conflit, dans un grand « one-man-show ». En revanche, pour Bruno Larebière, ancien
rédacteur en chef de Minute, dans un entretien publié sur Atlantico le même
jour, Marine Le Pen persiste dans une « stratégie d’apaisement » et « d’évitement » qui consiste à nier toute dimension identitaire
(en l’occurrence blanche et WASP) au vote Trump pour ne retenir que l’aspect
« peuple contre élites corrompues », refus de la mondialisation (or,
les enquêtes montrent que les préoccupations économiques sont secondaires par
rapport à l’immigration dans le vote américain). Lorsqu’elle présente, mercredi
17 novembre, son quartier général de campagne à Paris, l’Escale, avec son
slogan, « au nom du peuple »,
et son logo, une rose bleue (qui se veut synthèse de la gauche et de la droite,
sic), l’on peut se dire que c’est la
tendance de rassemblement par-delà les bords politiques, en réalité de
captation des voix à gauche, qui prévaut. Cette stratégie ayant déjà été abondamment
commentée et critiquée, on notera simplement au passage que le départ du SIEL, présidé
par Karim Ouchikh, du Rassemblement Bleu Marine, marque bien la difficulté du
Front de rassembler déjà à droite, faisant fuir les petites formations par ses
comportements tyranniques et beaucoup d’électeurs de la droite de gouvernement
par ses positions économiques et ses ambiguïtés sur l’islam.
C’est justement pour ces raisons que, sur le fond, sur le
plan des idées, Marine Le Pen n’est pas l’équivalent de Donald Trump. Sur la
politique économique, parmi des ressemblances certaines, des différences
majeures opposent les deux programmes : Trump semble tendre à un
patriotisme économique radical qui pourra passer par la renégociation des
différents traités de libre-échange, et c’est une bonne chose, mais au plan
intérieur, autant certains grands projets étatiques donnent une tournure
keynésienne à son programme, autant il veut aller vers le « moins d’Etat »,
vers des mesures d’économies strictes et de subsidiarité qui n’ont pas grand-chose
à voir avec le jacobinisme, l’étatisme de Marine Le Pen et de Florian
Philippot. De même sur l’islam, thème majeur sur lequel Donald Trump ne s’est
pas embarrassé des précautions de Marine Le Pen pour dire le danger que la
question islamique représente, ce qui n’a, là encore, rien à voir avec « l’islam compatible avec la République »
tel que la présidente du FN l’a récemment décrit. Enfin, sur les questions
pro-vie, la dissemblance est totale, Trump allant confirmer son intention de
renverser la vapeur sur la question de l’avortement par la nomination d’un juge
pro-vie à la Cour Suprême. Sur ce sujet, nous l’avons déjà dit et répété,
Marine Le Pen semble avoir abandonné tout courage politique et entériné la
culture de mort qui prévaut en France depuis quarante ans.
L’élection de Donald Trump montre aussi que rien n’est
inéluctable, les errements de la doctrine d’un parti ne le sont donc sans doute
pas ! Souhaitons-le en tout cas pour 2017.
Pierre Henri