samedi 19 novembre 2016

Y aura-t-il un Donald Trump français ?


            L’élection de Donald Trump, déjouant toutes les prédictions des « experts » et autres sondeurs, suscite, parmi les rares propos un peu sensés, des analyses globales d’une « droitisation » des peuples occidentaux, marquée dernièrement par le Brexit et par les scores des différents partis dits « populistes » ou « d’extrême-droite » en Europe. L’on peut en effet discerner certaines causes similaires à ces phénomènes dont on ne doit cependant pas négliger les spécificités liées au contexte national ou européen : la fragilisation d’une partie importante des classes moyennes, la question identitaire, la crise de la tsunamigration en Europe et celle des clandestins hispano-américains aux Etats-Unis, la colère devant une classe politico-médiatique qui cumule les tares : privilégiée, endogame, libérale-libertaire, arrogante, sûre de sa supériorité morale, parfois corrompue, et ayant organisé ou laissé faire le désastre politique que nos pays subissent depuis plusieurs décennies. La colère et ses motifs, en effet, ont bien des points communs d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, et aussi des divergences nombreuses, tant culturelles que conjoncturelles. Peut-on pour autant en déduire que ces causes communes produiront des effets semblables ?



D’aucuns le souhaitent, en voyant en Marine Le Pen un équivalent français à Trump. D’autres envisagent simplement le fait qu’elle bénéficiera d’un courant, d’une tendance de fond qui retirera à beaucoup d’électeurs les complexes et autres préventions qui les auraient empêchés de voter Front National en 2017. Il est en effet tout à fait possible qu’une sorte d’effet d’exemple agisse : « si les Américains ont pu soulever le joug des média hystériquement hostiles et voter massivement en faveur de cet outsider, outrancier mais talentueux, alors nous pourrons le faire aussi, dans l’espoir d’un changement, d’un homo novus qui mettrait, tant que faire se peut, le coup de balai attendu ». A notre sens, un tel effet est tout à fait souhaitable, pour sortir de l’alternative mortifère des « partis de gouvernement », tous acquis à l’immigrationnisme et à la culture de mort.



Tous ne sont pas de cet avis, à commencer par Jean-Marie Le Pen lui-même qui voit en la victoire de Trump une invalidation de la stratégie de dédiabolisation, analyse partagée par le journaliste Brice Couturier, interrogé par le Figarovox le 11 novembre : « Mais paradoxalement, son entreprise de dédiabolisation du Front National la dessert dans ce registre. Elle cherche à apparaître comme une politicienne comme les autres » alors que Trump a contourné les règles du jeu politique, a pratiqué la provocation, cherché le conflit, dans un grand « one-man-show ». En revanche, pour Bruno Larebière, ancien rédacteur en chef de Minute, dans un entretien publié sur Atlantico le même jour, Marine Le Pen persiste dans une « stratégie d’apaisement » et « d’évitement » qui consiste à nier toute dimension identitaire (en l’occurrence blanche et WASP) au vote Trump pour ne retenir que l’aspect « peuple contre élites corrompues », refus de la mondialisation (or, les enquêtes montrent que les préoccupations économiques sont secondaires par rapport à l’immigration dans le vote américain). Lorsqu’elle présente, mercredi 17 novembre, son quartier général de campagne à Paris, l’Escale, avec son slogan, « au nom du peuple », et son logo, une rose bleue (qui se veut synthèse de la gauche et de la droite, sic), l’on peut se dire que c’est la tendance de rassemblement par-delà les bords politiques, en réalité de captation des voix à gauche, qui prévaut. Cette stratégie ayant déjà été abondamment commentée et critiquée, on notera simplement au passage que le départ du SIEL, présidé par Karim Ouchikh, du Rassemblement Bleu Marine, marque bien la difficulté du Front de rassembler déjà à droite, faisant fuir les petites formations par ses comportements tyranniques et beaucoup d’électeurs de la droite de gouvernement par ses positions économiques et ses ambiguïtés sur l’islam.



            C’est justement pour ces raisons que, sur le fond, sur le plan des idées, Marine Le Pen n’est pas l’équivalent de Donald Trump. Sur la politique économique, parmi des ressemblances certaines, des différences majeures opposent les deux programmes : Trump semble tendre à un patriotisme économique radical qui pourra passer par la renégociation des différents traités de libre-échange, et c’est une bonne chose, mais au plan intérieur, autant certains grands projets étatiques donnent une tournure keynésienne à son programme, autant il veut aller vers le « moins d’Etat », vers des mesures d’économies strictes et de subsidiarité qui n’ont pas grand-chose à voir avec le jacobinisme, l’étatisme de Marine Le Pen et de Florian Philippot. De même sur l’islam, thème majeur sur lequel Donald Trump ne s’est pas embarrassé des précautions de Marine Le Pen pour dire le danger que la question islamique représente, ce qui n’a, là encore, rien à voir avec « l’islam compatible avec la République » tel que la présidente du FN l’a récemment décrit. Enfin, sur les questions pro-vie, la dissemblance est totale, Trump allant confirmer son intention de renverser la vapeur sur la question de l’avortement par la nomination d’un juge pro-vie à la Cour Suprême. Sur ce sujet, nous l’avons déjà dit et répété, Marine Le Pen semble avoir abandonné tout courage politique et entériné la culture de mort qui prévaut en France depuis quarante ans.



            L’élection de Donald Trump montre aussi que rien n’est inéluctable, les errements de la doctrine d’un parti ne le sont donc sans doute pas ! Souhaitons-le en tout cas pour 2017.



Pierre Henri