samedi 13 juin 2015

Vidéo de Vincent Lambert : réponse à madame Chantal Delsol


Chantal Delsol publie dans Le Figaro de ce samedi 13 juin un article intitulé « affaire Vincent Lambert : la vidéo, nouvelle étape de la tragédie ». De sa hauteur de philosophe pas toujours bien inspirée, elle y renvoie dos-à-dos les partisans de la mort de Vincent Lambert et les défenseurs de sa vie, comme s’ils étaient tous des tenants de courants idéologiques antagonistes « essayant d’avoir le dernier mot ». Comme si pour madame Viviane Lambert, l’enjeu était de faire triompher une thèse !

Madame Delsol, êtes-vous à ce point dans le seul monde des idées pour ne pas voir que madame Lambert n’est pas d’abord une idéologue, et même pas du tout, mais une mère aimante, une mère souffrante qui ne veut pas que l’on condamne son enfant à mourir affreusement de faim, et surtout de soif. Et bien sûr, loin des regards, loin du faire-savoir de ce qu’est concrètement la solution de passage de vie à trépas, selon la loi Léonetti. Idéal, somme toute, pour vous, d’une mise en œuvre d’interruption « sociétale » de vie dans la dissimulation ! Surtout : ne pas montrer ! Selon le constant fondement de la morale bourgeoise.

On a fait le même coup avec l’IVG : surtout ne pas en faire voir aux jeunes gens les terribles images de la réalité !

On a fait de même avec les images des victimes torturées, enucléées, emasculées, de tant de terrorisme : « vos photos sont insupportables ! ».

De même pour les 3 000 jeunes femmes françaises enlevées en Algérie en 1962 : « arrêtez de nous parler de cela ! ».

Effectivement, ça peut couper l’appétit. Comme s’il fallait ne montrer que les seules horreurs des abominations de la Shoah. Et il faut effectivement le faire !

« Ob-scène », osez-vous écrire madame, certes en toute précaution sémantique, pour qualifier les deux minutes de vidéo de Vincent Lambert ! Non madame, cette vidéo n’est pas plus « ob-scène » qu’ « obscène » ! Elle ne relève en rien de ces tsunamis d’obscénité que fait déferler par tous les canaux, les spectacles et les images, l’immense barbarie médiatico-culturelle.

Tranquillement, universitairement, philosophiquement, vous renvoyez dos-à-dos les partisans de la vie et ceux de la mort. Chose inacceptable, hélas, car vous confondez totalement le cas de Vincent Lambert avec l’acharnement thérapeuthique d’un artificiel maintien en vie.

Pour manier leurs idées, il a toujours été des philosophes pour faire fi des nuances de la réalité, comme vous, hélas, en cette affaire. Et, analogiquement à votre position du jour, ça n’est pas la première fois ! Ainsi émettiez-vous des réflexions sur les livres de l’islam, témoignant de votre affligeante méconnaissance et du Coran et des Hadîths.

La réflexion de Jean Giraudoux dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu me revient : « le privilège des grands, c’est de contempler les catastrophes du haut d’une terrasse ». C’est du haut de votre terrasse académique et universitaire que vous considérez le cas de Vincent Lambert et de sa mère. Non sans vous auto-décerner au passage les lauriers d’une docte modération et du refus du manichéisme. Ainsi, il est donc « ob-scène » pour vous, de montrer Vincent, qui n’est pas en fin de vie, miraculeusement, car il est de fait retenu prisonnier dans un univers hospitalo-carcéral hostile qui nous rappelle celui des hopitaux des grandes abominations totalitaires.

Serait-il indécent de vous rappeler que c’est exactement à la même peine de mort par la soif que fut condamné dans l’enfer d’Auschwitz saint Maximilien Kolbe ayant pris héroïquement la place d’un autre détenu, achevé après des jours de lente agonie par une piqure d’acide infligée par son bourreau nazi ?



La réalité, c’est que vous dévaluez, madame, vos réflexions sur la problématique générale de la fin de vie par un grave déni de réalité, péché majeur pour les philosophes. Et sur le cas particulier de Vincent Lambert, ne serait-ce pas hélas votre manière de le considérer qui serait très réellement ob-scène ?


Bernard Antony