Vieux militant contre-révolutionnaire et à mes heures activiste impénitent, j’ai cependant beaucoup d’indulgence pour ceux qui, à intervalle régulier, carrière accomplie, se lancent en politique, sans grande expérience et sans culture et n’hésitent pas à lister comme programme de salut public des lieux communs tels que la nécessité de remettre de l’ordre, d’améliorer l’économie, de redresser les injustices, de lutter contre l’insécurité… Sans remonter des effets aux causes, en se gardant d’employer les mots qui fâchent, avec la ferme intention de respecter la bienséance en toute occasion.
J’en ai beaucoup moins pour ces grands professionnels de la politique, dont l’art suprême pour capter l’électorat a toujours consisté à n’émettre que des généralités suffisamment vagues pour n’être pas conflictuelles, des souhaits sans risques fondés sur le « il faudrait ».
Raymond barre, qui au demeurant n’était pas le plus mauvais des hommes, s’était fait comme une spécialité avec une pointe de malice de dévider ainsi d’admirables platitudes chevillées à des évidences.
Edouard Balladur est dans le même registre mais moins plaisamment car dans son expression il ne saurait se départir de la gravité qui sied à l’importance de ce qu’il émet. Ainsi aujourd’hui enseigne-t-il qu’il faut « refuser tous les conformismes qui étouffent la liberté de l’esprit ».
Fort bien ! Mais on attend en vain le moindre exemple de cela ! On ne saura peut-être jamais quels sont selon lui les conformismes liberticides de l’esprit. Mais, ayant dit, et pas plus, il n’a évidemment chagriné personne, ni les bobos-gauchos façon NKM qui se veulent dans le vent ni les originaux plus rares qui émettraient par exemple que le principe de parité imposée est une stupidité, en vérité mue par une condescendance pour la femme que la loi doit aider à surmonter son infériorité.
Balladur nous émeut par la vaste et pénétrante originalité de ses propositions. Ainsi n’hésite-t-il pas à affirmer qu’il faut « libérer les énergies, diminuer les dépenses publiques, moderniser le droit du travail, réformer notre système d’éducation, adapter les acquis sociaux aux réalités nouvelles ».
N’est-ce pas magnifique ?
Maintenant, allez donc savoir si par exemple, comme nous, il entend remettre en cause la mainmise de l’État sur l’éducation, reconstruire l’école primaire avec l’étude fondamentale du français et d’une histoire événementielle où l’on n’occultera pas que la conquête musulmane de la France a Dieu merci échoué grâce à Charles Martel et aussi, et plus encore peut-être, un peu plus tard grâce à Guillaume, comte de Toulouse, duc d’Aquitaine et premier prince d’Orange, Charles étant le grand-père maternel de Guillaume. Mais je vous parlerai une autre fois de ce Guillaume admirablement chanté dans « lo Romancero occitan » par le grand poète occitan Prosper Estieu qui n’était pas de gauche.
Revenons à Edouard Balladur qui veut aussi que « l’Europe » (l’Union Européenne) change. Et pour cela, il n’hésite pas à formuler : « elle doit s’adapter à la diversité des nations qui la composent ». N’est-ce pas là vraiment une juste réflexion dont nous n’aurions pas eu l’idée ?