À la fois peuple et religion
comme il en est beaucoup en Orient, et notamment leurs « cousins »
Alaouites issus eux aussi de dérivations du chiisme, les Druzes reviennent au
premier plan de l’actualité conflictuelle du Proche-Orient.
Voici en effet que les Druzes
d’Israël manifestent avec vigueur sur le Golan qu’ils n’accepteront pas le massacre
de leurs frères en Syrie.
Ce petit peuple qui ne peut guère
être défini comme musulman (pas de Coran, pas de mosquées, pas de polygamie,
pas de prosélytisme) est façonné totalement par une religion à deux niveaux,
ésotérique, syncrétique, gnostique dont seuls des sortes de parfaits, comme
jadis chez les cathares, connaissent la plénitude des secrets initiatiques.
Les Druzes ne sont pas nombreux,
et ne veulent pas l’être (l’enfant chez eux est rare). Comme toutes les
minorités, menacées dans le monde islamique, ils se sont établis de préférence
dans des zones montagneuses où ils peuvent se défendre. Ils ont cultivé
séculairement des grandes qualités guerrières et aussi de cruauté et
d’atrocités telles qu’au Liban lors de leurs massacres de maronites en 1860 et
dans les années 1980.
Pour survivre ils s’allient
traditionnellement aux puissances dominantes, fussent-elles en guerre. Ainsi
sont-ils presque toujours assurés d’être dans le camp des vainqueurs. Ce fut le
cas lors de la bataille des Pyramides en 1798. Ils y avait des Druzes avec
Bonaparte, d’autres avec les mamelouks. Lorsque le vent de la victoire souffla
pour le premier, les Druzes des mamelouks rejoignirent leurs frères dans le
camp français.
Les Druzes vivent aujourd’hui
essentiellement en Syrie (700 000), au Liban (120 000), en Israël (136 000).
En Syrie, ils sont globalement
avec le régime selon la logique d’alliance des minorités face à la majorité
sunnite.
En Israël, ils constituent une
minorité précieuse pour l’État qui y recrute nombre de policiers et de
militaires, et même des officiers supérieurs et aussi un ministre.
Mais, quoique de part et d’autre
d’une frontière et appartenant à des États officiellement en guerre
(Syrie-Israël) et même à leurs armées adverses, les Druzes affirment leur
solidarité trans-étatique et trans-frontalière. Ceux d’Israël n’admettent pas
que leurs frères de Syrie soient livrés au massacre. Ils exigent donc qu’Israël
les défende. Cela manifeste combien la guerre de conquête de l’État islamique
et autres forces jihâdistes est désormais arrivée aux frontières d’Israël
(comme du Liban).
Or, jusqu’à présent Israël avait
comme principal ennemi sur sa frontière nord le Hezbollah chiite encadré et
financé par l’Iran et allié du régime syrien.
La menace jihâdiste sur les
Druzes de Syrie modifie fortement la donne.
Pouvait-il d’ailleurs durablement
en être autrement ? Pouvait-on penser sérieusement que l’État islamique ne
viendrait pas tôt ou tard, inéluctablement, se heurter à Israël, l’ennemi
absolu ? Avec pour objectif de se rallier ainsi beaucoup de sympathies
parmi les masses musulmanes qui rêvent de la libération de Jérusalem et de
toute la Palestine.
Le calife Abu-Bakr al Bagdadi a tué ou chassé les chrétiens de toutes
les terres de ses conquêtes. Son but est d’en faire autant avec les Juifs. Ce
sera certes une affaire autrement difficile et périlleuse pour le calife fou.
Mais Israël ne pourra faire l’économie de cette guerre.