Certes la vente socialo-capitaliste de l’aéroport de
Toulouse à un gros milliardaire de la Chine communiste est moins grave que
l’abandon de l’Algérie à la bande des criminels de Ben Bella.
Certains
me disent qu’on pourra toujours le reprendre. Sans doute, mais non sans
difficulté tant que nous demeurerons dans le marasme de plus en plus tragique
de notre économie. Je crains plutôt que le jour où les Chinois auront assez
pressé le citron de Toulouse et tiré tout le bénéfice possible du voisinage
avec Airbus-Industrie, ils n’en refilent la propriété au Qatar qui pourra ainsi
créer notamment une ligne directe quotidienne vers La Mecque.
On
se souvient aussi que pour que les Chinois achètent des Airbus, on leur a
consenti, avec la complaisance du chef de l’État d’alors, Nicolas Sarkozy, de
pouvoir un jour les assembler chez eux, avec les transferts de technologie
nécessaires.
En
attendant, je médite dans mon bureau devant deux fauteuils, pour moi
historiques, qui m’ont été donnés par Émile Bertholio en 1983. Émile Bertholio,
d’abord chez Latécoère, avait été dans les années 1950 / 1970 un très
grand directeur du personnel et des affaires sociales de l’Aérospatiale qui
s’opposait fermement à la domination de la CGT sur le personnel. Prenant sa
retraite, il m’avait proposé en 1972 de collaborer avec lui dans un projet que
nous intitulâmes : « Centre de formation aux relations du
travail ».
À cette époque, je travaillais comme chef du personnel
puis directeur des relations humaines au sein du groupe Pierre Fabre. Je
n’avais pas trop mal réussi dans ce métier passionnant. Aussi étais-je souvent
demandé pour animer, à la lumière de mon expérience et de mes connaissances des
idéologies, des journées de formation pour des cadres et agents de maîtrise et
aussi pour des syndicalistes non inféodés au Parti communiste. Pierre Fabre
m’accorda alors de pouvoir m’absenter systématiquement un jour par semaine pour
ce projet de bon fonctionnement hiérarchique et de paix sociale dans les
entreprises.
Bertholio
s’occupait de recruter les stagiaires, notamment des militants syndicalistes
alors très anticommunistes de Force Ouvrière, de la CFTC et de la CGC. C’est
ainsi que par-delà nos divergences j’eus le grand plaisir de rencontres
fréquentes avec ce grand honnête homme qu’était André Bergeron, le
« patron » de FO. Très malicieux, il me disait avec un bon
sourire : « On n’est pas de la même paroisse, mais je préfère
envoyer mes gars entendre vos sermons plutôt que celui des cosaques ».
Les « cosaques » dans le parler syndical, c’était la CGT ;
c’est-à-dire les rouges, les soviétiques. Et mes « sermons », c’était
toute une formation en six journées sur six semaines à la contre-subversion,
une sorte de vaccination contre les virus bolchéviques et gauchistes.
Après
plusieurs années à l’Aérospatiale, chez Latécoère et ailleurs dans diverses
entreprises de la métallurgie et de la chimie, les syndicalistes libres et
Emile Bertholio me firent l’amitié de considérer que les reculs constants de la
CGT étaient en grande partie dus à mon travail.
Mais
était venu le temps pour moi d’un changement d’activité dont j’ai raconté les
raisons « hétérotéliques » dans mes deux livres d’entretien avec
Cécile Montmirail. Et bientôt, c’est au Parlement Européen et ailleurs que
j’allais continuer à batailler contre les cosaques marxistes-léninistes (la
majorité des cosaques authentiques ont été, on le sait, fidèles au tsarisme).
Emile Bertholio prenait sa retraite définitive. Il tint
alors à me faire le très beau cadeau
des deux fauteuils qu’il avait toujours fait suivre dans ses différents
bureaux. Ils avaient été dans ceux de son ami le grand ingénieur et prestigieux
constructeur aéronautique Emile Dewoitine, le créateur de l’extraordinaire
avion de chasse français de la seconde guerre, le D 520, produit en trop peu
d’exemplaires hélas, faute des crédits refusés par Léon Blum.
Ces
deux fauteuils avaient été précédemment encore parmi ceux des bureaux du
constructeur Latécoère, ceux de son ami Didier Daurat, l’immense aviateur puis
le légendaire créateur de l’Aéropostale (qui deviendra Air France) avec toute
l’épopée d’héroïsme des Vacher, Mermoz, Estienne, Guillaumet et Saint-Exupéry,
les pilotes pionniers de l‘Aéropostale avec la ligne Toulouse-Casablanca-Dakar
que ce dernier a évoquée dans son œuvre superbe. Devenu trop petit, leur
aéroport Toulouse-Montaudran fut transporté à Toulouse-Blagnac. Mais le nouvel
aéroport ne fut que la continuité de l’autre, qui avait été le réceptacle de l’immense
réussite française des pionniers de l’aéronautique dans l’alliance de la
créativité et de l’héroïsme.
Mes
fauteuils me racontent un peu cela. Ce n’est pas sans émotion que je pense que
leurs accoudoirs ont été lustrés par des hommes magnifiques qui mettaient leur
peau au bout de leur idéal de service. Que diraient-ils aujourd’hui devant une
dépossession mercantile d’intérêt à court terme, d’un instrument résultant de
tout un esprit de conquête et de sacrifice mais aussi d’une parfaite modernité.
Faut-il que nos dirigeants politiques et économiques
soient aussi irresponsables, à la fois méprisants de l’héritage et insoucieux
de l’avenir, pour en laisser à des Chinois, et des Chinois de la Chine rouge,
la propriété et les bénéfices qu’ils ne manqueront pas d’en retirer Comme quoi
la ténébreuse alliance des matérialismes, du capitalisme et du communisme n’a
pas fini de faire des ravages.
Ps :
Je sais bien sûr qu’il y a un canadien dans le consortium de la rouge
chinoiserie. Mais ce canadien n’est en réalité qu’une sorte de chinois.
Nous
apprenons ce jour les démêlés de madame Anne Lauvergeon poursuivie naguère par
l’AGRIF pour ses propos discriminatoires contre les « mâles blancs ».
nous allons suivre cette nouvelle affaire avec
intérêt.