Tous les gens cultivés, et donc tintinophiles, connaissent
bien sûr très bien les jurons et exclamations du capitaine Haddock dont celle
de « mille milliards de sabords ! ». Voici que grâce à Andreas
keller, chercheur au laboratoire de neurogénétique du comportement de
l’université Rockfeller à New York, on apprend que nous sommes à même de
distinguer mille milliards d’odeurs : soit une par sabord. Ce que Haddock,
fin dégustateur de whisky et de rhum, pressentait peut-être.
Et cela grâce aux 300 récepteurs spécifiques dont le
Créateur a pourvu notre système olfactif, nous permettant de saisir un grand
nombre des combinaisons à l’infini des mélanges de molécules différentes. Ainsi
la seule odeur de la rose résulte-t-elle de l’harmonieuse fusion de 275
molécules. C’est dire que les métiers de la dégustation ont de beaux jours
devant eux puisque, avant même les subtilités du goût, il y a celles des
senteurs, des odeurs, des parfums qui permettent de différencier un grand cru
d’un picatre. Et ce n’est pas mon ami François de Badereau, délégué de l’AGRIF
dans le Bordelais le meilleur connaisseur de vin de Bordeaux qui soit au monde,
bien que d’origine normande, qui me démentira.
En cette affaire, disons-le pour rassurer les inquiets, la
longueur du nez n’est pas déterminante. Ainsi est-il de notoriété publique que
Nicolas Sarkozy, dont l’appendice nasal est cyranesque, est incapable de
distinguer, même grossièrement, un Bergerac d’un Irouléguy. Le nez moins long
mais plus large de Christiane Taubira ne lui permet d’ailleurs pas davantage de
saisir la différence entre un Chanturgue et un Madiran.
Mais la vérité, c’est que si tout le monde perçoit une
infinité d’odeurs, chacun ne possède pas l’aptitude à exprimer les nuances de
ce que l’on perçoit. Il faut pour cela beaucoup d’attention et de la culture,
il faut savoir manier subtilement un grand nombre de mots.
C’est là une affaire d’éducation et de civilisation. C’est
ainsi que seuls les esquimaux sont capables de distinguer des centaines de
formes et couleurs différentes de la neige et des odeurs qu’elle transporte.
Pas nous.
Dans l’ordre politique en revanche, nos politiciens, mais
aussi magistrats et journalistes, ont plus ou moins le nez creux et sont
presque tous très entraînés à humer les vents dominants, lourds d’effluves
charognardes et des odeurs des scandales vrais ou faux qu’ils vont exploiter.
Pour cela, les ministres ont l’avantage de disposer d’une
multitude de limiers fureteurs meilleurs que les Dupond et Dupont de Tintin,
aidés par les grandes oreilles de l’écoute, toujours plus perfectionnée,
policière, espionne, journalistique, et qui, de par le monde, permet un bilan
annuel dépassant désormais les mille milliards de conversations enregistrées.
Sans parler de celles pratiquées par les maniaques des
archives sonores et autres, comme le malheureux Patrick Buisson qui n’a pas
compris qu’il ne faut pas à la fois vouloir jouer un rôle dans l’histoire et
tout enregistrer pour écrire l’histoire !
L’aspect négatif de cela, c’est évidemment l’incessant
accroissement des moyens de domination des Big Brothers des systèmes qui se
partagent le monde.
Mais le positif, c’est que comment douterait-on de
l’existence de Dieu sous le prétexte qu’aucun être ne saurait tout voir, tout
entendre, tout savoir et tout prévoir ?
Quelle stupidité à l’évidence, quand on mesure ne
serait-ce que ce dont l’homme à l’intelligence limitée est déjà capable dans la
maîtrise des ondes et des invisibles particules de l’infiniment petit !
Et c’est ainsi qu’en cette période de carême notamment, je
vous souhaite de ne pas être stupidement fixé devant vos écrans de télévision
mais de sortir un peu par les nuits sans nuages contempler les mille milliards
d’étoiles de la voûte céleste. Sans compter qu’il y en a bien d’autres que l’on
ne peut voir au même moment qu’en descendant aux antipodes.