vendredi 21 mars 2014

Mille milliards de sabords !



Tous les gens cultivés, et donc tintinophiles, connaissent bien sûr très bien les jurons et exclamations du capitaine Haddock dont celle de « mille milliards de sabords ! ». Voici que grâce à Andreas keller, chercheur au laboratoire de neurogénétique du comportement de l’université Rockfeller à New York, on apprend que nous sommes à même de distinguer mille milliards d’odeurs : soit une par sabord. Ce que Haddock, fin dégustateur de whisky et de rhum, pressentait peut-être.

Et cela grâce aux 300 récepteurs spécifiques dont le Créateur a pourvu notre système olfactif, nous permettant de saisir un grand nombre des combinaisons à l’infini des mélanges de molécules différentes. Ainsi la seule odeur de la rose résulte-t-elle de l’harmonieuse fusion de 275 molécules. C’est dire que les métiers de la dégustation ont de beaux jours devant eux puisque, avant même les subtilités du goût, il y a celles des senteurs, des odeurs, des parfums qui permettent de différencier un grand cru d’un picatre. Et ce n’est pas mon ami François de Badereau, délégué de l’AGRIF dans le Bordelais le meilleur connaisseur de vin de Bordeaux qui soit au monde, bien que d’origine normande, qui me démentira.

En cette affaire, disons-le pour rassurer les inquiets, la longueur du nez n’est pas déterminante. Ainsi est-il de notoriété publique que Nicolas Sarkozy, dont l’appendice nasal est cyranesque, est incapable de distinguer, même grossièrement, un Bergerac d’un Irouléguy. Le nez moins long mais plus large de Christiane Taubira ne lui permet d’ailleurs pas davantage de saisir la différence entre un Chanturgue et un Madiran.

Mais la vérité, c’est que si tout le monde perçoit une infinité d’odeurs, chacun ne possède pas l’aptitude à exprimer les nuances de ce que l’on perçoit. Il faut pour cela beaucoup d’attention et de la culture, il faut savoir manier subtilement un grand nombre de mots.

C’est là une affaire d’éducation et de civilisation. C’est ainsi que seuls les esquimaux sont capables de distinguer des centaines de formes et couleurs différentes de la neige et des odeurs qu’elle transporte. Pas nous.

Dans l’ordre politique en revanche, nos politiciens, mais aussi magistrats et journalistes, ont plus ou moins le nez creux et sont presque tous très entraînés à humer les vents dominants, lourds d’effluves charognardes et des odeurs des scandales vrais ou faux qu’ils vont exploiter.

Pour cela, les ministres ont l’avantage de disposer d’une multitude de limiers fureteurs meilleurs que les Dupond et Dupont de Tintin, aidés par les grandes oreilles de l’écoute, toujours plus perfectionnée, policière, espionne, journalistique, et qui, de par le monde, permet un bilan annuel dépassant désormais les mille milliards de conversations enregistrées.

Sans parler de celles pratiquées par les maniaques des archives sonores et autres, comme le malheureux Patrick Buisson qui n’a pas compris qu’il ne faut pas à la fois vouloir jouer un rôle dans l’histoire et tout enregistrer pour écrire l’histoire !

L’aspect négatif de cela, c’est évidemment l’incessant accroissement des moyens de domination des Big Brothers des systèmes qui se partagent le monde.

Mais le positif, c’est que comment douterait-on de l’existence de Dieu sous le prétexte qu’aucun être ne saurait tout voir, tout entendre, tout savoir et tout prévoir ?

Quelle stupidité à l’évidence, quand on mesure ne serait-ce que ce dont l’homme à l’intelligence limitée est déjà capable dans la maîtrise des ondes et des invisibles particules de l’infiniment petit !

Et c’est ainsi qu’en cette période de carême notamment, je vous souhaite de ne pas être stupidement fixé devant vos écrans de télévision mais de sortir un peu par les nuits sans nuages contempler les mille milliards d’étoiles de la voûte céleste. Sans compter qu’il y en a bien d’autres que l’on ne peut voir au même moment qu’en descendant aux antipodes.