lundi 22 avril 2013

Lettre à mon ami Louis-Ferdinand sur ma conversion à Frigide.


Mon cher Louis-Ferdinand,

Toi qu’on n’a pas encore mis au Panthéon avec Jaurès, Zola et les autres, je sais bien que tu trouves le temps long au fond de ton purgatoire. Tu me reproches de ne pas assez te donner de mes nouvelles, surtout en regard des évènements du monde que tu as quitté et dont tu ne connais ce qui s’y passe que par radio-Lucifer et télé-Satan que tu captes et dont, à ce que tu m’en dis, je sais qu’elles se contentent de retransmettre presque intégralement tout ce que diffuse ici France-Inter Val-Cohen et Télé Pujadas.

Mais aujourd’hui j’en ai une de mes nouvelles à te raconter. Tiens-toi bien, oui, oui je me suis converti selon ce que tu espérais pour ma tranquillité me conviant à ne pas continuer à vivre ici en haut, à l’écart des troupeaux et sans bergère.

Ma conversion à moi ne s’est pas passée sur le chemin de Damas, d’ailleurs impraticable aujourd’hui vu les évènements en Syrie pour cause de retard dans le printemps arabe. Ma conversion en un instant s’est passée sur l’autoroute alors que je rentrais du séminaire de l’Agrif en Provence, roulant vers Toulouse. Je regardais, comme d’habitude à cet endroit de l’autoroute, sur ma gauche, la colline inspirée de Fanjeaux qui m’est si chère, haut-lieu de l’apostolat et des miracles de saint Dominique et où sont des dominicaines qui ne sont pas exactement, et heureusement, dans la spiritualité de ton voyage au bout de l’ennui.
Oui, tu vas en être heureux, finalement, selon ton vœu si amical, je me suis donc converti à Frigide, à Frigide Barjot par laquelle désormais je vais me laisser guider sur les chemins d’une rose béatitude.

Figure-toi en effet que pour tromper la monotonie d’une longue route sans cahot grâce au régulateur de vitesse pour éviter les « flashes » de Big-Brother, je passais de l’audition d’une radio à une autre, espérant n’y pas entendre la même chose. Peine perdue. Plus je changeais de longueur d’onde, plus c’était pareil. Je voulais bien sûr savoir ce qu’il en était de la « Manif pour Tous » à Paris où étaient quelques uns de mes amis.
Mais moi j’avais dit que je n’irais pas, pour cause, je le mesure maintenant, dans mon inconscient freudien (l’inconscient est toujours freudien de même que la Marseillaise est vibrante et le garde à  vous figé) d’affreuses pulsions d’homophobie et d’islamophobie qui m’habitent sans doute, je le découvre, mêlées à mes habituelles répulsions agoraphobiques, claustrophobiques, reptilophobiques et même à une certaine aquaphobie pendant les repas.

Mais d’Orange à Lézignan, alors que peu à peu le soleil perçait les nuages, sans cesse les radios me retransmettaient les propos de Frigide, ses appels, sa chaleur, son enthousiasme. D’abord, je l’entendais répéter « aimez les homos », « homos nous vous aimons », « homos nous vous disons notre amour » et plus encore, à l’attention de ces homos : « aimez vous toujours plus » !
Oui, je l’avoue et je m’en repens bien maintenant, cela me révulsait. Ma ligne à moi, c’était plutôt de ne pas aimer quiconque en raison de son orientation (ou de sa désorientation) sexuelle, comme on dit aujourd’hui et de même, pas en raison de sa couleur de peau.
À vrai dire jusqu’ici j’appréciais, j’aimais, j’admirais en considération du talent, du service rendu, du génie militaire, politique, poétique ou littéraire. Sans chercher à savoir si le personnage était noir, blanc ou jaune, appartenait au genre « homo » ou au genre « hétéro » et à leur différentes variétés LGBT-OGM comme désormais on l’enseigne aux petits enfants dès l’école « première » (malheureux , ne dites pas « maternelle » !).

Mais de fréquence en fréquence, subrepticement, subliminalement, Frigide m’investissait, Frigide me convertissait. Ce que je croyais être mes défenses immunitaires, et qui n’étaient en réalité qu’abjectes préventions, s’amenuisaient. Mais c’est subitement après Bram, en ce pays « cathare » que se produisit mon illumination.
Alors je me rendis me rendant compte en un éclair qu’il fallait, moi aussi, me faire disciple de Frigide. On me la faisait écouter et encore écouter clamant « homos, vous aussi vous pouvez adopter, vous aussi vous pouvez éduquer, mais vous ne pouvez pas procréer » !
Au début ça m’avait paru curieux. Difficile en effet pour les homos, malgré les avancées modernes de la science sodomique et autres procédés, de procréer ! Mais sans doute faut-il comprendre que Frigide, on ne saurait le lui reprocher, mettait une limite aux émouvants désirs des homos en ne leur accordant pas le droit à l’achat sur les marchés de la « gestation pour autrui ». Mais pour le reste, pour elle, pas de difficulté ! Je mesurais alors la grandeur prophétique de Frigide, pourquoi se présentant mystérieusement comme « une fille à pédé », ce qui certes relève de sa vie privée, elle était comme portée par un grand souffle de charité, de glorification de l’homosexualité.

Jusque là j’avais pesté contre elle, trouvant scandaleux d’exalter devant ces masses innombrables d’enfants le modèle de l’amour et des fusions homosexuelles. Mes amis me disaient : avec tes objections de conscience tu introduis un ferment de division dans la grande mobilisation contre le « mariage » homo. Et je maugréais encore, triste « réac » que j’étais, que je ne voyais pas la nécessité de proposer avec Frigide, bien des députés et la plupart des évêques, un Contrat d’Union Civile, un « C.U.C. » qui serait un Pacs amélioré, un mariage somme toute, disais-je avec ironie, qui serait un mariage sans l’être tout en l’étant.
Comme si l’essentiel n’était pas de proclamer et faire comprendre à tous que l’homosexuel est grand justement parce qu’il est homosexuel. Frigide, je le pèse bien maintenant, n’aura pas peu contribué elle aussi, somme toute mieux que Caroline Fourest, à apprendre aux « hommes » (le mot est-il encore adéquat ?) qu’ils ne sont plus divisés entre hommes et femmes mais principalement entre « homos » et « hétéros » et qu’il faut savoir qu’il n’y a qu’un ennemi de l’humanité (ou de l’androité ?) : le « facho ».
Frigide nous aura enseigné la grandeur de la citoyenneté républicaine, de la collaboration avec la police qu’il faut aussi, bien sûr, aimer beaucoup et toujours plus. Car le facho, bête dangereuse et immonde, peut toujours se glisser, nager dans la houle de la foule. Il veut la faire déborder, l’indiscipliner.

Dieu merci, Frigide sait non seulement comme Lénine dénoncer le facho d’abord pour ce qu’il est, avant même de le traquer pour ce qu’il peut faire. Mais elle sait le faire repérer avec toute l’efficacité non pas d’un Big Brother mais de la Big Sister qu’elle est pour tous. Ainsi, grâce à elle, à ses vigilants gardes jaunes coopérant avec les noirs hoplites de Manuel Valls, a-t-on pu arrêter un porteur, selon les médias, de « six bombes lacrymogènes ». Certains ironiseront sur ces « bombes » que l’on peut acheter partout dans les magasins d’articles de chasse-pêche et qui ne sont que des aérosols anodins en comparaison de ceux de la police.
Mais ouf ! Comme à Boston, les six mille glorieux policier de Manuel Valls et les six mille gardes jaunes de Frigide, appuyés par les six cent professionnels des Services de Sécurité auront permis d’arrêter le « facho », aussi méphistophéliquement dangereux qu’un lanceur de bombe d’Hiroshima.

C’est ainsi vois-tu mon cher Louis-Ferdinand que mes yeux ne sont pas couverts d’écailles comme ceux de Saül de Tarse mais se sont ouverts comme ceux d’Ezéchiel. Et puisque on en vient ainsi aux prophètes, oui, je le sais désormais, Frigide est une grande prophétesse et même en notre époque de gloire du « trans » un grand prophète.
C’est ainsi qu’avec raison on la considère et qu’on l’exalte dans bien des presbytères et évêchés. Par exemple dans l’observatoire politique d’un diocèse on observe qu’ « elle dit souvent n’importe quoi », mais peu importe, on l’aime. Au diable la raison ! C’était pareil me disent des érudits avec les prophètes de la Bible, certains étaient totalement « déjantés », comme Frigide, mais dans le flot de leurs paroles on pouvait trouver des perles, de grands cris d’humanité.
Dans l’Église d’aujourd’hui et dans l’usage de sa langue on aime ceux ou celles qui « posent des actes prophétiques ». Ainsi Frigide, par delà ses propos déclamatoires, contradictoires et fulminatoires, pose-t-elle les actes prophétiques d’une humanité idéale, de grande équanimité pour l’homosexualité. Frigide, c’est tout à la fois Isaïe, Jérémie, Habacuc et les autres mais aussi Esther et Judith. Ainsi, elle fait défiler et patrouiller de jeunes créatures, tricolorement vêtues et en bonnet phrygiens, vigilantes Mariannes républicaines, sur le modèle jacobin de la « section des piques », ces piques sur lesquelles on promenait les têtes des « fachos » de l’époque. Et d’ailleurs comment l’humanité pourrait-elle progresser sans le « facho » à décapiter, l’irremplaçable facho sur la haine duquel se fonde la cohésion républicaine et qu’il faut bien inventer s’il n’existe plus.

À l’époque aussi de la prophétique Révolution Française, on lançait de grands cris d’amour, de vertus, d’abnégation citoyenne, pour l’humanité en général. De même, il faut aujourd’hui aimer les homos en général.
Tu vois donc mon cher Louis-Ferdinand combien je suis heureux d’être rentré dans le rang dans cette foule qui est, avec raison, frigidolâtre et d’un immense enthousiasme barjotin.
Le très catholique professeur Breloux en sera heureux, qui m’invitait à tout accepter de Frigide pour ne pas diviser le pays rassemblé à son appel ; heureux aussi mes amis royalistes pardonnant à Frigide tout le falbala jacobin ; heureux encore les clercs, satisfaits de ce que Frigide ait su providentiellement conjurer par son heureuse homophilie les pestilentiels souvenirs des affaires de pédophilie.

Une ère politique nouvelle s’est enfin ouverte sur la France : Frigide, rassemblant les deux grandes tribus des zétéros et des zomos, est le chef qu’il lui faut. Mieux que Fillon, mieux que Copé, mieux que Le Pen, mieux que le Prince Jean qui n’arrêtait pas de venir sans jamais arriver, elle est celle qui peut sauver la France. Voici donc que, moi aussi, je ressens les grands frémissements au tréfonds de mon être qui portent les masses vers Frigide.

Dieu, cher Louis-Ferdinand, si tu savais comme je suis heureux d’être si content d’être entré dans le rang, heureux de pouvoir dire après Frigide, à la manière de Marx et d’Enrico Macias, « Homos de tous les pays et de toutes couleurs, unissez-vous » ! Dans le meilleur des C.U.C. bien sûr, qui vaut bien un mariage….

Ton ami, Gaulois Lejoyeux.