Mon cher
Louis-Ferdinand,
Toi qu’on n’a pas encore mis au
Panthéon avec Jaurès, Zola et les autres, je sais bien que tu trouves le temps
long au fond de ton purgatoire. Tu me reproches de ne pas assez te donner de
mes nouvelles, surtout en regard des évènements du monde que tu as quitté et
dont tu ne connais ce qui s’y passe que par radio-Lucifer et télé-Satan que tu
captes et dont, à ce que tu m’en dis, je sais qu’elles se contentent de
retransmettre presque intégralement tout ce que diffuse ici France-Inter
Val-Cohen et Télé Pujadas.
Mais aujourd’hui j’en ai une de
mes nouvelles à te raconter. Tiens-toi bien, oui, oui je me suis converti selon
ce que tu espérais pour ma tranquillité me conviant à ne pas continuer à vivre
ici en haut, à l’écart des troupeaux et sans bergère.
Ma conversion à moi ne s’est pas
passée sur le chemin de Damas, d’ailleurs impraticable aujourd’hui vu les
évènements en Syrie pour cause de retard dans le printemps arabe. Ma conversion
en un instant s’est passée sur l’autoroute alors que je rentrais du séminaire
de l’Agrif en Provence, roulant vers Toulouse. Je regardais, comme d’habitude à
cet endroit de l’autoroute, sur ma gauche, la colline inspirée de Fanjeaux qui
m’est si chère, haut-lieu de l’apostolat et des miracles de saint Dominique et
où sont des dominicaines qui ne sont pas exactement, et heureusement, dans la
spiritualité de ton voyage au bout de l’ennui.
Oui, tu vas en être heureux,
finalement, selon ton vœu si amical, je me suis donc converti à Frigide, à
Frigide Barjot par laquelle désormais je vais me laisser guider sur les chemins
d’une rose béatitude.
Figure-toi en effet que pour
tromper la monotonie d’une longue route sans cahot grâce au régulateur de
vitesse pour éviter les « flashes » de Big-Brother, je passais de
l’audition d’une radio à une autre, espérant n’y pas entendre la même chose.
Peine perdue. Plus je changeais de longueur d’onde, plus c’était pareil. Je
voulais bien sûr savoir ce qu’il en était de la « Manif pour Tous » à
Paris où étaient quelques uns de mes amis.
Mais moi j’avais dit que je
n’irais pas, pour cause, je le mesure maintenant, dans mon inconscient freudien
(l’inconscient est toujours freudien de même que la Marseillaise est vibrante
et le garde à vous figé) d’affreuses
pulsions d’homophobie et d’islamophobie qui m’habitent sans doute, je le
découvre, mêlées à mes habituelles répulsions agoraphobiques,
claustrophobiques, reptilophobiques et même à une certaine aquaphobie pendant
les repas.
Mais d’Orange à Lézignan, alors
que peu à peu le soleil perçait les nuages, sans cesse les radios me
retransmettaient les propos de Frigide, ses appels, sa chaleur, son
enthousiasme. D’abord, je l’entendais répéter « aimez les homos »,
« homos nous vous aimons », « homos nous vous disons notre
amour » et plus encore, à l’attention de ces homos : « aimez
vous toujours plus » !
Oui, je l’avoue et je m’en repens
bien maintenant, cela me révulsait. Ma ligne à moi, c’était plutôt de ne pas
aimer quiconque en raison de son orientation (ou de sa désorientation)
sexuelle, comme on dit aujourd’hui et de même, pas en raison de sa couleur de
peau.
À vrai dire jusqu’ici
j’appréciais, j’aimais, j’admirais en considération du talent, du service rendu,
du génie militaire, politique, poétique ou littéraire. Sans chercher à savoir
si le personnage était noir, blanc ou jaune, appartenait au genre
« homo » ou au genre « hétéro » et à leur différentes
variétés LGBT-OGM comme désormais on l’enseigne aux petits enfants dès l’école
« première » (malheureux , ne dites pas
« maternelle » !).
Mais de fréquence en fréquence,
subrepticement, subliminalement, Frigide m’investissait, Frigide me
convertissait. Ce que je croyais être mes défenses immunitaires, et qui
n’étaient en réalité qu’abjectes préventions, s’amenuisaient. Mais c’est
subitement après Bram, en ce pays « cathare » que se produisit mon
illumination.
Alors je me rendis me rendant
compte en un éclair qu’il fallait, moi aussi, me faire disciple de Frigide. On
me la faisait écouter et encore écouter clamant « homos, vous aussi vous
pouvez adopter, vous aussi vous pouvez éduquer, mais vous ne pouvez pas
procréer » !
Au début ça m’avait paru curieux.
Difficile en effet pour les homos, malgré les avancées modernes de la science
sodomique et autres procédés, de procréer ! Mais sans doute faut-il
comprendre que Frigide, on ne saurait le lui reprocher, mettait une limite aux
émouvants désirs des homos en ne leur accordant pas le droit à l’achat sur les
marchés de la « gestation pour autrui ». Mais pour le reste, pour
elle, pas de difficulté ! Je mesurais alors la grandeur prophétique de
Frigide, pourquoi se présentant mystérieusement comme « une fille à
pédé », ce qui certes relève de sa vie privée, elle était comme portée par
un grand souffle de charité, de glorification de l’homosexualité.
Jusque là j’avais pesté contre
elle, trouvant scandaleux d’exalter devant ces masses innombrables d’enfants le
modèle de l’amour et des fusions homosexuelles. Mes amis me disaient :
avec tes objections de conscience tu introduis un ferment de division dans la
grande mobilisation contre le « mariage » homo. Et je maugréais
encore, triste « réac » que j’étais, que je ne voyais pas la
nécessité de proposer avec Frigide, bien des députés et la plupart des évêques,
un Contrat d’Union Civile, un « C.U.C. » qui serait un Pacs amélioré,
un mariage somme toute, disais-je avec ironie, qui serait un mariage sans
l’être tout en l’étant.
Comme si l’essentiel n’était pas
de proclamer et faire comprendre à tous que l’homosexuel est grand justement
parce qu’il est homosexuel. Frigide, je le pèse bien maintenant, n’aura pas peu
contribué elle aussi, somme toute mieux que Caroline Fourest, à apprendre aux
« hommes » (le mot est-il encore adéquat ?) qu’ils ne sont plus
divisés entre hommes et femmes mais principalement entre « homos » et
« hétéros » et qu’il faut savoir qu’il n’y a qu’un ennemi de
l’humanité (ou de l’androité ?) : le « facho ».
Frigide nous aura enseigné la
grandeur de la citoyenneté républicaine, de la collaboration avec la police
qu’il faut aussi, bien sûr, aimer beaucoup et toujours plus. Car le facho, bête
dangereuse et immonde, peut toujours se glisser, nager dans la houle de la
foule. Il veut la faire déborder, l’indiscipliner.
Dieu merci, Frigide sait non
seulement comme Lénine dénoncer le facho d’abord pour ce qu’il est, avant même
de le traquer pour ce qu’il peut faire. Mais elle sait le faire repérer avec
toute l’efficacité non pas d’un Big Brother mais de la Big Sister qu’elle est
pour tous. Ainsi, grâce à elle, à ses vigilants gardes jaunes coopérant avec
les noirs hoplites de Manuel Valls, a-t-on pu arrêter un porteur, selon les
médias, de « six bombes lacrymogènes ». Certains ironiseront sur ces
« bombes » que l’on peut acheter partout dans les magasins d’articles
de chasse-pêche et qui ne sont que des aérosols anodins en comparaison de ceux
de la police.
Mais ouf ! Comme à Boston,
les six mille glorieux policier de Manuel Valls et les six mille gardes jaunes
de Frigide, appuyés par les six cent professionnels des Services de Sécurité
auront permis d’arrêter le « facho », aussi méphistophéliquement
dangereux qu’un lanceur de bombe d’Hiroshima.
C’est ainsi vois-tu mon cher
Louis-Ferdinand que mes yeux ne sont pas couverts d’écailles comme ceux de Saül
de Tarse mais se sont ouverts comme ceux d’Ezéchiel. Et puisque on en vient
ainsi aux prophètes, oui, je le sais désormais, Frigide est une grande
prophétesse et même en notre époque de gloire du « trans » un grand
prophète.
C’est ainsi qu’avec raison on la
considère et qu’on l’exalte dans bien des presbytères et évêchés. Par exemple
dans l’observatoire politique d’un diocèse on observe qu’ « elle dit
souvent n’importe quoi », mais peu importe, on l’aime. Au diable la raison !
C’était pareil me disent des érudits avec les prophètes de la Bible, certains
étaient totalement « déjantés », comme Frigide, mais dans le flot de
leurs paroles on pouvait trouver des perles, de grands cris d’humanité.
Dans l’Église d’aujourd’hui et
dans l’usage de sa langue on aime ceux ou celles qui « posent des actes
prophétiques ». Ainsi Frigide, par delà ses propos déclamatoires,
contradictoires et fulminatoires, pose-t-elle les actes prophétiques d’une
humanité idéale, de grande équanimité pour l’homosexualité. Frigide, c’est
tout à la fois Isaïe, Jérémie, Habacuc et les autres mais aussi Esther et
Judith. Ainsi, elle fait défiler et patrouiller de jeunes créatures,
tricolorement vêtues et en bonnet phrygiens, vigilantes Mariannes
républicaines, sur le modèle jacobin de la « section des piques »,
ces piques sur lesquelles on promenait les têtes des « fachos » de
l’époque. Et d’ailleurs comment l’humanité pourrait-elle progresser sans le
« facho » à décapiter, l’irremplaçable facho sur la haine duquel se
fonde la cohésion républicaine et qu’il faut bien inventer s’il n’existe plus.
À l’époque aussi de la
prophétique Révolution Française, on lançait de grands cris d’amour, de vertus,
d’abnégation citoyenne, pour l’humanité en général. De même, il faut
aujourd’hui aimer les homos en général.
Tu vois donc mon cher
Louis-Ferdinand combien je suis heureux d’être rentré dans le rang dans cette
foule qui est, avec raison, frigidolâtre et d’un immense enthousiasme barjotin.
Le très catholique professeur
Breloux en sera heureux, qui m’invitait à tout accepter de Frigide pour ne pas
diviser le pays rassemblé à son appel ; heureux aussi mes amis royalistes
pardonnant à Frigide tout le falbala jacobin ; heureux encore les clercs,
satisfaits de ce que Frigide ait su providentiellement conjurer par son
heureuse homophilie les pestilentiels souvenirs des affaires de pédophilie.
Une ère politique nouvelle s’est
enfin ouverte sur la France : Frigide, rassemblant les deux grandes tribus
des zétéros et des zomos, est le chef qu’il lui faut. Mieux que Fillon, mieux
que Copé, mieux que Le Pen, mieux que le Prince Jean qui n’arrêtait pas de
venir sans jamais arriver, elle est celle qui peut sauver la France. Voici donc
que, moi aussi, je ressens les grands frémissements au tréfonds de mon être qui
portent les masses vers Frigide.
Dieu, cher Louis-Ferdinand, si tu
savais comme je suis heureux d’être si content d’être entré dans le rang,
heureux de pouvoir dire après Frigide, à la manière de Marx et d’Enrico Macias,
« Homos de tous les pays et de toutes couleurs, unissez-vous » !
Dans le meilleur des C.U.C. bien sûr, qui vaut bien un mariage….
Ton ami,
Gaulois Lejoyeux.