En Syrie, la guerre civile a commencé. Inexpiable. Le sang va couler de plus en plus.
- D’un côté, le régime dictatorial de Bachar el Assad avec le Baas, son parti unique et reposant essentiellement sur la minorité alaouite, secte dérivée du chiisme et, comme souvent en Orient, devenue un peuple constituant de 10 à 12 % de la population. Ce fut un coup de génie du père de Bachar, Hafez el Assad, que de s’emparer du pouvoir dans les années 1970 par le noyautage conjugué du parti et des régiments d’élite de l’armée.
Dans le parti Baas, on trouve aussi, comme jadis chez son frère ennemi le parti Baas irakien, des chrétiens, des kurdes, des druzes et longtemps une minorité de sunnites ralliés à sa force bien plus par l’intérêt (et la peur) que par idéologie.
- De l’autre côté, l’immense majorité de la population sunnite très majoritaire dans le pays (70 % au moins) mais aussi les minorités d’opposants au régime des autres confessions et peuples (de rares alaouites, des kurdes, et chrétiens).
Globalement, entre les alaouites et les sunnites le point de non-retour a été atteint. Les sunnites, encadrés par les Frères Musulmans et autres salafistes, crient vengeance pour les massacres, crimes et tortures perpétrés par un régime dont le principe de gouvernement depuis 1971 a été, en Syrie comme au Liban, de faire de tout opposant un homme mort.
Le sort des chrétiens.
À gauche (chevènementistes) comme à droite (y compris dans le Front National) certains ont jusqu’à ce jour mis en avant le fait que le régime Assad constituait une protection pour les chrétiens de Syrie. Ce n’est pas une considération à rejeter avec mépris.
Comme en Irak (où Saddam Hussein, issu du sunnisme majoritaire, avait intérêt à ne pas négliger la minorité chrétienne, élément d’équilibre face à la forte majorité chiite), le régime a en effet tenu à ménager les chrétiens, les maintenant dans un statut de dhimmitude douce, mais en aucun cas dans un statut d’égalité (pas de liberté d’enseignement…).
À vrai dire, les chrétiens, comme en Irak, n’avaient guère le choix : c’était ou l’allégeance au régime ou la persécution.
Aujourd’hui en Syrie, ils risquent de payer cher cette compromission si la marée humaine sunnite déferle sur la minorité alaouite qui pourrait alors, dans un processus de partition, se replier sur un « réduit » alaouite constitué des régions où la secte est majoritaire. Mais où iraient les chrétiens ? Dans ce réduit ? Au Liban ?
Les aounistes : fieffés imbéciles ou collabos.
Cependant, au Liban, on peut observer comment se comporte le Hezbollah chiite, allié de la Syrie et sous contrôle iranien, toujours soutenu par le général Aoun et ses partisans chrétiens.
Dans les zones à majorité chiite (banlieue-sud de Beyrouth, sud du Liban et Bekaa), le Hezbollah fait régner de plus en plus, comme en Iran, l’ordre de la théocratie totalitaire islamique version chiite. On y interdit la vente publique de vins et boissons alcoolisées, on y impose la charia, et même dans les écoles chrétiennes, on impose désormais une heure d’enseignement islamique hebdomadaire, par un imam.
Avec ses « alliés » syro-aounistes, le Hezbollah entend imposer sa principale revendication consistant en l’abolition du fameux « statut de 1943 » selon lequel la représentation politique au Liban est partagée à part à peu près égale entre chrétiens et musulmans au profit d’une représentation proportionnelle.
Étant donné la forte démographie de la population chiite, cela aboutirait inéluctablement à l’institution d’une république islamique. Ce serait alors la fin du Liban moderne, seul pays du Moyen-Orient (avec Israël) à n’être pas soumis à la loi islamique.
Mais pour l’heure, la question est de savoir si le Hezbollah et les deux gouvernements chiites de l’Iran et de l’Irak vont constituer une coalition pour venir au secours du régime alaouite. Que feront dans ce cas les États sunnites ?
De la guerre civile en Syrie, on pourrait bien passer alors, selon certains, à un grand conflit régional entre l’islam sunnite et l’islam chiite. Les conséquences pourraient alors être désastreuses pour le monde, ne serait-ce que pour nos approvisionnements énergétiques.
Pour ma part, je crois que ce n’est ni l’intérêt de l’Iran, ni celui de l’Arabie saoudite, ni celui des pays d’Europe et d’Amérique.
Le pire n’est donc pas sûr. Et la fin du régime alaouite serait sans nul doute une bonne chose pour le Liban.