Que le régime du colonel Khadafi ait manigancé pendant des années de bien sales coups de terrorisme et autres vilaines opérations en Afrique semble une évidence. Mais depuis quelques années, comme je l’ai écrit par ailleurs, le volcan s’était, sinon éteint, du moins très assoupi. Aussi, même si on le considérait comme de plus en plus givré dans son folklore de bédouin provocateur toujours accompagné de ses panthères et plantant sa tente sur les vertes pelouses des palais gouvernementaux à Paris, Rome ou Madrid, on ne refusait pas de le recevoir considérant que les contrats, à bon goût de pétrole, qu’il offrait valaient bien une généreuse dédiabolisation.
Bernard Henri Lévy en a décidé autrement déterminant par son immense influence de philosophe autoproclamé l’intervention militaire de la France et de toute la coalition. Mais pour remplacer le colonel par qui ? Semble-t-il par de fieffés gredins de son entourage et par toute une cohorte d’islamistes idéologiquement pires. Musulman fort original, se voulant quasiment l’égal du prophète, Kadhafi n’était pas, c’est le moins qu’on puisse dire, un allié de Ben Laden, son ennemi juré et contre lequel le 16 mars 1998 les autorités judiciaires de Tripoli avaient rédigé un mandat d’arrêt international, reçu et repris le 15 avril suivant par le siège d’Interpol à Lyon, mais alors dédaigné par les américains.
On relira aujourd’hui avec profit sur cette question le très documenté ouvrage « Ben Laden, la vérité interdite » (Folio documents) de Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, spécialistes reconnus du renseignement économique et géopolitique.
A moins de grande naïveté bernardhenrilévienne, nul ne peut sérieusement alléguer que l’intervention en Libye n’aurait eu qu’un motif humanitaire . Comment expliquer alors l’inertie quant à la situation en Syrie ?
Faut-il alors aller chercher des explications dans le vieux ressentiment britannique contre l’officier qui, jadis, dans les années 1970, avant de devenir un dictateur fou récupéra pour son peuple les champs pétrolifères de Libye aux mains de British Petroleum ?
La politique anglaise ne rechigna pas alors à l’alliance avec les groupes les plus extrémistes de l’islam liés à l’Arabie Saoudite et aux Frères Musulmans.
La vérité en Libye ne serait-elle pas que l’on voudrait y négocier comme en Arabie un avantageux partage du pétrole au prix de la plus grande tolérance pour l’avancée islamique partout dans le monde. Les capitalistes, selon le célèbre expression léniniste, « payaient la corde pour les pendre ». Pour leurs intérêts pétroliers à court terme, ils n’ont semble-t-il pas fini de susciter des talibans et des Ben Laden.