mardi 15 février 2011

LE MIEL ET LE CYANURE

Ce sera le titre des réunions que j’animerai au long des prochains mois à Paris, à Toulouse, à Nice, à Bordeaux, à Brest, à Toulon… Le sous-titre explicatif sera ainsi libellé : « Islamophilie, connivence maçonnique : anciennes et nouvelles formes de la subversion dans l’Eglise ».
- Plusieurs d’entre vous, chers lecteurs, m’ont dit leur stupéfaction en apprenant la réunion de mielleuse propagande philo-maçonnique à l’Institut Catholique de Toulouse autour de Paul Pistre.
- Comme annoncé, on trouvera un peu plus loin dans le blog les éléments de réplique à son bouquin où se mêlent le miel à destination des braves cathos-gogos et le cyanure contre la condamnation constante de la F.M. par l’Eglise catholique de Clément XII à Benoît XVI. Ce texte fera l’objet d’un dépliant à faire circuler à Toulouse notamment et au-delà.

I - L’islamophilie au monastère d’En Calcat

C’est bien pire que ce que j’en ai dit à la lecture des extraits de « Bismillah – Au nom de Dieu » que l’on m’avait envoyés ! Car il s’agit là en effet d’un article publié dans la revue même du monastère « Présence d’En Calcat » (n°189 – décembre 2010).
Je suis allé l’acheter ce samedi à la librairie du monastère. Avant de le payer, je n’ai même pas été surpris de constater que le livre de Paul Pistre était à la vente. Comment l’aurais-je été puisqu’une fois précédente j’y avais trouvé, très bien exposée, une stupéfiante « Histoire du christianisme » (éditée aussi comme Pistre chez Privat) où la densité des erreurs historiques ne le disputait qu’à la méchanceté anticatholique ? J’avais déclenché alors quelques réactions et le livre avait été vite retiré des librairies régionales. Je me souviens du moine vendeur qui ne l’avait pas lu et à qui je faisais remarquer par exemple l’énormité des lignes indigentes sur saint Athanase, traité de « chef de bande maniant le gourdin » (sic !). Ce bon frère me répondit par un incroyable aveu (je n’osai supposer un mensonge) de ce qu’on était dans une librairie non dans une bibliothèque et qu’il vendait ce qu’on leur fournissait ! Mais qui est donc ce fournisseur ? En tout cas ce n’est pas à la librairie d’En Calcat que l’on trouvera des livres non favorables à la franc-maçonnerie tel celui de Mgr Rey : « Peut-on être catholique et franc-maçon ? » De même on y cherchera en vain les grands livres d’étude critique de l’islam comme ceux d’Anne-Marie Delcambre, des Urvoy, de Lagartempe, du père Antoine Moussali, du pasteur Mark A. Gabriel ou du père Edouard Marie Gallez. Pas un seul livre non plus sur les tragédies des chrétiens d’Orient, sur le génocide des Arméniens et autres chrétiens. On y cherchera en vain les livres de Jean-Pierre Valogne, de Bat’ Ye-Or, de Joseph Fadelle : « Le prix à payer ».
Le prix de dhimmitude et de jihad, de persécutions, de massacres et de génocides qu’ont payé les populations conquises par l’islam, ne semble pas être l’objet des études de nos moines. Ainsi, avant l’article « Bismillah », on peut lire dans l’article « Se rencontrer pour connaître Dieu », signé Adil Qostali, les lignes suivantes :
« Bien au contraire, l’Islam est une religion de cohabitation avec toutes les religions et toutes les ethnies, comme elle l’a prouvé maintes fois depuis la venue du prophète ».
Et encore :
« Dans cette société globale, nous devons admettre un principe sur lequel les maîtres soufis ont toujours insisté, à savoir qu’il y a autant de chemins vers Dieu qu’il y a d’individus, et que tous ces chemins différents mènent au même point : la Vérité absolue qui est une et la même pour tous. Et toute autre approche partielle ou réductrice ne pourra qu’aggraver les conflits et les déséquilibres dans le monde d’aujourd’hui. Que Dieu fasse de nous des témoins de la fraternité universelle ! »
Qu’entend donc ce soufiste-là par « approche partielle ou réductrice » ? Celle du Coran, celle de Mahomet ? Celle de l’Evangile, celle de Jésus-Christ ? Mais alors se pose la question de savoir quelle est exactement la religion que prônent les Bénédictins d’En Calcat ? La religion catholique ou un syncrétisme qui, de facto, ne peut qu’exclure Celui qui a dit : « Je suis la voix, la vérité et la vie » ?
Le long article « Bismillah » est tout dans cette veine. Avant ce que j’ai déjà cité et sur quoi il faut revenir, extrayons encore ceci :
« A chacune de nos rencontres, je vis de manière plus vraie et plus intérieure ce que j’expérimente déjà au quotidien avec ma communauté monastique d’En Calcat : une fraternité sans faux-semblant, dénuée d’hypocrisie, et respectueuse de nos différences. Dieu, notre Père, aime la diversité sinon Il ne nous aurait pas créés si différents les uns des autres. Une différence qui n’est pas synonyme de division ni d’adversité, mais qui est source d’enrichissement mutuel, de vérité entre nous, de tension vers une plus grande simplicité d’être, d’amour fraternel, de croissance spirituelle. Nous n’avons tous, musulmans et chrétiens, qu’un seul Père et nous somme tous frères. Nous sommes tous de la descendance d’Abraham car Dieu tient toujours ses promesses ! »
Ce salmigondi est énorme, extravagant, déboussolé ! Dieu nous a créés à son image mais ayant donné à l’homme la liberté, celui-ci a pu, hélas, après le péché originel, vivre en effet dans une grande diversité de voies vers le bien ou le mal. Il a pu être adorateur de toutes sortes de Baal, il a pu être anthropophage, communiste, nazi et même musulman. Est-ce vraiment-là une diversité aimée par Dieu ? Dieu, le Dieu-Trinité, le Dieu qui s’est fait homme, est-il aussi le Dieu du Coran avec ses sept cents occurrences de violences, le sort que l’on y fait des juifs et des chrétiens et la place et le rôle des femmes. Ce Dieu a-t-il donc envoyé Mahomet l’égorgeur des neuf cents hommes des Banu Qorayza, la dernière tribu juive de Médine ? Ce Mahomet qui fait crever les yeux, trancher les pieds et les mains des chrétiens de la tribu des Oklites qui n’avaient pas apprécié le médicament qu’il leur avait prescrit, mélange d’urine et de lait de chamelle ?
Mais le frère Grégory a-t-il seulement un peu parcouru les livres des hadiths que l’on enseigne à tous les musulmans dans toutes les mosquées, tenus pour presque aussi importants que le Coran ?
Et nous revoilà encore dans les énormités du « même Dieu » et du « même Abraham ». Qu’au moins les moines d’En Calcat ouvrent le remarquable « Dictionnaire du Coran » (sous la direction d’un grand universitaire musulman). Ce livre est au moins dans leur librairie ! Un peu d’étude éviterait au frère Grégory de penser et d’écrire n’importe quoi et surtout à son père abbé de lui offrir les pages du bulletin officiel du monastère qui fut fondé par Dom Romain Banquet.
Citons à nouveau les lignes déjà partiellement publiées sur ce blog :
« Musulmans et chrétiens sont appelés à être ces hommes de toute race, langue, peuple et nation qui se rassemblent afin d’être les pierres vivantes de la cité sainte, la Jérusalem céleste dès à présent et chaque jour que Dieu nous donne. Sans pour autant renier notre propre foi chrétienne, je suis convaincu que nous devons la laisser être interrogée, bousculée, dépouillée par la foi de nos frères et sœurs de l’Islam, car c’est ainsi que nous pourrons être enrichis par les rayons de vérité qui nous viennent de cette foi au Dieu Unique ».
Ces lignes, je pèse mes mots, sont odieuses. Je pense, en effet, en ce dimanche soir où je termine ce pénible travail, aux chrétiens qui souffrent partout dans les pays sous domination musulmane, je pense aux convertis qui ont quitté l’idéologie de Mahomet pour la foi au Christ menacés de mort, à ceux que l’on a suppliciés, pendus pour cela il y a encore peu de temps au Pakistan, en Iran, en Afghanistan. Nous pensons à Asia Bibi (violée au Pakistan), emprisonnée, coupée de ses cinq enfants et de son mari, tous menacés, condamnée à mort par pendaison et dont on ne sait plus rien. Oui elle, elle est en effet « interrogée, bousculée, dépouillée, par la foi de ses frères et sœurs de l’islam ».

Je demande à tous mes amis de répercuter le plus possible ce qui précède auprès des évêques et des prêtres et des communautés religieuses et voici pourquoi.
Pendant des dizaines d’années, selon l’expression même, peu avant sa mort, du cardinal Decourtray, « de vastes pans de l’Eglise collaborèrent avec le communisme ». On en attend d’ailleurs toujours la repentance… Voilà maintenant que sous le prétexte du dialogue inter-religieux dont le pape Benoît XVI a pourtant bien rappelé qu’outre les motifs de sociabilité, la finalité ultime ne peut être que la mission d’annonce de l’Evangile, c’est à une ouverture au soufisme que l’on nous convie aujourd’hui au monastère d’En Calcat et hélas ailleurs.
Le soufisme, on le sait, a suscité les confréries de derviches-tourneurs. Oui, on verra sans doute certains bénédictins apprendre l’art de la danse tournoyante. Déjà leurs têtes tournent. Cela favorisera bien sûr l’entrée de l’Union européenne dans le nouveau grand ensemble ottoman. Enfin, on pourra encore laisser notre foi recueillir les rayons de lumière de l’hindouisme, du bouddhisme, du zoroastrisme, des chamanismes et du vaudou. Puisque Dieu aime la diversité religieuse ! On ne s’en aperçoit certes pas beaucoup dans l’Ancien Testament où Yahvé ne tolère guère les autres dieux et encore moins dans l’Evangile où le Christ ne dialogue guère avec les prêtres des religions grecques, phéniciennes et romaines et autres qui, pourtant, pullulaient dans la Palestine romaine. 
Vraiment si les martyres de l’Eglise catholique au long des siècles avaient su que Dieu aimait la diversité, ils se seraient épargné bien des tourments. Et si Asia Bibi avait la bonne idée de se convertir à l’islam, fut-il soufiste, nul doute que cela mettrait un terme à son supplice. Le Christ n’est-il pas finalement pour les soufistes et amateurs de diversité, un empêcheur de tourner en rond ?


II – Le miel et le cyanure

Commentaire de la réunion annoncée comme « conférence-débat » à l’Institut Catholique de Toulouse autour de Paul Pistre, auteur de « Catholiques et francs-maçons – Eternels adversaires ? ».

Après le débat refusé, la réplique de Bernard Antony.

Ce mardi 8 février dans la salle Tolosane de l’Institut, prennent place sur l’estrade autour de Paul Pistre, à sa gauche la grande autorité toulousaine du Grand Orient De France Jean-Jacques Rouch, à la gauche de ce dernier et qui lui manifestera sans cesse au long de la réunion sa considération et sa connivence par de souriants conciliabules, le directeur des éditions Privat, Philippe Terencle, président de la réunion. A droite de Paul Pistre, un homme dont l’habit civil ne le suggère pas comme moine, le père dominicain Jean-Michel Maldamé. Au premier rang au pied de l’estrade, le recteur de l’Institut Catholique de Toulouse, l’abbé Pierre Debergé est venu dire les mots de bienvenue à cette prestigieuse tribune et à la salle.
Il présente avec enthousiasme Paul Pistre comme un brillant historien, qui est chez lui en ces lieux. Pas moins. Il remercie avec chaleur le haut représentant du Grand Orient De France et Philippe Terencle. Il se réjouit de la présence du père Maldamé, « très grand philosophe », « esprit universel » et j’en passe. Surtout, il se félicite de ce que cette réunion se tienne selon la meilleure tradition de débat et de controverse de l’Institut Catholique.
Lui succède alors Philippe Terencle pour exposer qu’il en sera bien ainsi après la conférence par Paul Pistre de présentation de son si beau livre. On comprend à l’évidence qu’il s’agit ce soir-là du lancement de ce livre militant pour qu’enfin l’Eglise catholique s’ouvre aux idéaux de la franc-maçonnerie. Et en effet, quoi rêver de mieux pour cela que l’Institut Catholique de Toulouse ?

Paul Pistre va alors procéder à une large présentation de son travail, des résultats de ses longues années d’historien de la maçonnerie et d’ami connaissant parfaitement toutes les obédiences et toutes les loges de la région et au-delà. Paul Pistre précise qu’il n’est pas franc-maçon. A écouter son enthousiasme pour « les spiritualités maçonniques » et leur dynamisme, on peut se demander comment il peut en être ainsi. Mais peut-être, pour les besoins de la cause, est-il plus utile qu’il ne soit pas officiellement maçon ? Plutôt un « ami » comme on dit dans le monde politique…
Dans son propos, Paul Pistre n’ajoute rien à ce qui est dans son livre. On verra que ce rien n’est pas rien tant on y trouve à peu près rien de ce qui fait, sur le fond, l’incompatibilité de la foi et de la doctrine catholique et des gnoses et ésotérismes maçonniques.
La parole est alors aux voisins de Pistre : congratulations, volonté de dialogue, d’ouverture, recherche de pistes en commun. En fait de débat, un gentil consensus. Pas l’ombre d’une controverse.
Le haut gradé du Grand Orient est tout sucre tout miel. Tout le monde peut frapper à la porte de son obédience. On ouvrira à tous les honnêtes gens. Ceux qui croient au ciel quelle que soit leur religion et à ceux qui, comme lui, demeurent dans la « grisaille de l’incertitude ». Bien sûr la maçonnerie veut préserver le secret de ses temples mais avec ce qui s’est passé en 1940, il faut comprendre qu’on se méfie. Nul à la tribune ne lui rétorque que dans bien des pays et dans bien des époques et notamment en France aux moments de la Révolution française et puis des lois maçonniques, on a persécuté bien plus le catholicisme et que pour autant ses églises rebâties ou rouvertes ne sont pas fermées, ni secrètes ses hiérarchies, ses liturgies et ses assemblées. Nul ne lui rétorque que le secret est toujours de règle dans bien des pays où la maçonnerie non seulement n’a jamais été persécutée mais même a été persécutrice. Et d’ailleurs, même si elle est très visible par ses temples grandioses, le secret des travaux surtout des hauts grades est toujours la règle imprescriptible même au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Elle y est pourtant l’institution fondamentale d’imprégnation des pouvoirs et de « l’establishment ». Le père Maldamé ne se hasarde pas à causer de ce qui s’est réellement passé en 1940 dans la maçonnerie et de l’attitude très variable des « frangins ». Ici dans le Sud-Ouest, on pourrait pourtant parler notamment de René Bousquet, de Peyrouton et même de Papon…
Le frère Jean-Jacques Rouch parle avec la tranquille assurance d’une domination idéologique incontestée. Non ce n’est vraiment pas le père Maldamé qui va le déséquilibrer. Ce dernier préfère avouer d’emblée qu’il ne connaît pas grand-chose à la maçonnerie. Il va en effet le prouver. Il se hasarde à constater que les maçons se réfèrent beaucoup à la Bible et notamment, lui semble-t-il, à Salomon. Alors, il en conclut que c’est un point commun avec l’Eglise catholique et il en conclut qu’il y aurait sans doute « une piste d’étude et de dialogue possible » ! Ce malheureux philosophe semble en effet manifestement ne pas savoir grand-chose de la fonction des livres sacrés en maçonnerie et de l’utilisation de la Bible et de ses légendes dérivées dans le symbolisme maçonnique. Il ne questionnera donc pas Paul Pistre ou le frère Rouch sur les grades et les rituels, et encore moins sur les « hauts grades ». Sans doute n’a-t-il jamais entendu parler de l’échec en Allemagne en 1974 de la commission officielle de dialogue entre catholicisme et maçonnerie ? Cet échec eût pour cause le refus de cette dernière de dévoiler la teneur des réunions des hauts grades, et encore le curieux symbolisme toujours utilisé des images de Jabulon et de Baphomet  (Cf mon ouvrage Vérités sur la franc-maçonnerie, p.174).
Le père Maldamé semble sincèrement ignorant, mais pourquoi est-il alors dans cette affaire ? A l’évidence comme caution catholique. Comment a-t-il accepté ce rôle « d’idiot utile » ? Alors il préfère s’embarquer dans un propos pas facile à suivre sur les diverses manières de considérer la notion de révélation. A chacun la sienne, somme toute. Cela ne heurte évidemment pas Paul Pistre ou le frère Rouch.
On attend donc toujours que cette soirée soit autre chose qu’un gentil consensus sans débat réel et sans le moindre début de controverse.

La parole va être enfin à la salle après plus d’une heure et demie de propos « maçonniquement corrects » et catholiquement indigents.
Je la demande. On me passe le micro. Très courtoisement je me présente, je montre mon livre, « Vérités sur la franc-maçonnerie », et j’exprime que connaissant donc un peu le sujet, je voudrais apporter rapidement un autre éclairage sur le dialogue maçonnico-catholique, en parfaite application de l’esprit de débat et de controverse à la loyale tel qu’exalté en ouverture de réunion par le père de Berger qui, hélas, s’est éclipsé.
Je la réclame en tant que modeste expert du phénomène maçonnique que je suis tout de même beaucoup plus que le dominicain Maldamé. Je la réclame ainsi en tant que catholique défendant les positions constantes des papes sur la maçonnerie que nul, ce soir-là, ne s’est à la tribune avisé de défendre, Paul Pistre s’étant contenté, sans même en citer quelques extraits, de les déclarer passéistes, rétrogrades, ne correspondant pas aux évolutions de notre société que la franc-maçonnerie comprend si bien.
Je la réclame enfin parce que ce monsieur qui, à l’évidence ne m’a pas lu, m’a malhonnêtement consacré une phrase de son bouquin, que voici :
« Quelques extrémistes catholiques, comme Henri Coston, Léon de Poncins, ont poursuivi [l’antimaçonnisme] jusqu’à Bernard Antony, lieutenant de Jean-Marie Le Pen, avec une certaine audience dans les milieux de l’Eglise ».
Je ne tiens tout de même pas à préciser ce soir-là que je n’ai jamais été exactement un « lieutenant » de Jean-Marie Le Pen mais bien plutôt, en tant que président de Chrétienté-Solidarité jaloux de son indépendance, un allié pas toujours facile. Et que, d’ailleurs, pour des raisons de défense de la doctrine sociale de l’Eglise et de la culture de vie, je n’appréciais pas certaines tendances au sein du Front National et pour tout dire certaines présences très maçonnisantes, impulsant l’adhésion de l’actuelle présidente, entre autres choses regrettables, aux mérites de la loi Giscard-Chirac-Veil sur l’avortement.
Quoi qu’il en soit, en quoi le fait d’avoir été jusqu’en 2003 (date à laquelle nous nous sommes séparés) un élu du Front National (ce dont je suis fier et que je ne renie pas du tout), dévaluerait-il mes analyses critiques du phénomène maçonnique ? Sous le prétexte qu’ils ont été en 1968, et longtemps après, des fieffés et féroces communistes, selon les cas gauchistes, trotskystes de tous poils, maoïstes. Interdit-on de s’exprimer par exemple à messieurs Regis Debray, Alexandre Adler, Serge July, Bernard-Henri Levy, Kouchner, Cambadelis, Moscovici et mille autres comme eux, chez eux dans les médias et qui devraient pour le moins se repentir d’avoir été les compagnons de route de l’exterminationnisme communiste qu’ils ne pouvaient ignorer ?
Je précise tout de même aussi, car c’est la vérité, que si je combats l’idéologie de la franc-maçonnerie, j’ai des amis francs-maçons courtois et loyaux que j’ai connu en faculté il y a bien longtemps, qui n’ont guère trouvé d’erreurs ou de d’imputations diffamatoires dans mon livre. Et j’ajoute, en fixant certains du regard dans l’assistance, qu’il ne s’en trouvera certainement pas ici pour me démentir… Aussi, hormis quelques fanatiques frangins excités voulant m’expulser, l’ensemble de l’assistance, à n’en pas douter, aurait préféré que je puisse m’exprimer. Ce soir-là, indubitablement, chez bien des braves gens, la fable de la tolérance maçonnique en a pris un coup.
Pour ma part j’ai lu le bouquin de Paul Pistre avec une grande attention, même s’il est mal écrit, confus, répétitif. Lui, il n’a pas lu mon livre, et Rouch non plus bien sûr, et pourtant il se permet de le juger. Ce n’est pas intellectuellement très honnête. Si j’ai fait l’effort de l’analyser c’est que, comme le prouve cette soirée à l’Institut Catholique de Toulouse, Paul Pistre qui affirme qu’il n’est pas franc-maçon, joue un rôle dans la stratégie maçonnique d’attrape-gogo-cathos dans le miel de « l’humanisme » tant invoqué.
Mais ce soir-là, très vite, Paul Pistre et son compère le frère Rouch, vont prouver que la tolérance, le respect, le débat, la controverse et tutti quanti ce ne doit pas être appliqué aux « maçonniquement incorrects » comme moi. Nous revoilà dans l’ambiance du vieux cri de haine jacobin de tous les totalitarismes : « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».
Je vais cependant m’efforcer de garder un peu le micro pour essayer quelques brèves observations et questions. Le frère président Térencle tout de noir vêtu et plutôt du genre calme et pâle de président de tribunal voudrait que je me taise. Pourtant j’aurais voulu lui proposer d’éditer un franc dialogue de moi avec Paul Pistre et ses amis francs-maçons. Avec un titre du genre « Controverse en trente-trois points ». Paul Pistre, lui, ne cache pas sa rage. Manifestement colérique, il est rouge comme un sans-culotte au club des jacobins. Il me rétorque n’importe quoi, vraiment à côté de la plaque. Le frangin Rouch, dispose évidemment lui aussi de l’avantage de la tribune. Il n’est plus comme précédemment, au long de la causerie et du faux débat, tranquillement sûr de lui et dominateur, tout sucre et tout miel. Avec moi, pas de fair-play maçonnique. Mais quelle est donc cette réunion sans « frère couvreur » ? N’est-il pas temps qu’à l’Institut Catholique on puisse filtrer les entrées comme dans les loges ? Nul doute que lui aussi expliquera qu’il ne faut pas de tolérance pour les intolérants. Et le catholicisme papiste avec son Credo dogmatique inentamable n’est-il pas la quintessence de l’intolérance ? Ce qu’aime le frère Rouch c’est un bon « catho », comme Paul Pistre qui aime la maçonnerie plus encore que le plus enthousiaste des frangins(1).

Venons-en maintenant au livre de Paul Pistre lancé à l’Institut Catholique de Toulouse et vendu au monastère d’En Calcat où l’on ne trouvera pas le mien, cela va sans dire, ni même celui de monseigneur Rey. Nous distinguerons d’abord les erreurs et les plus graves occultations, ensuite ce que nous appellerons le déni de réalité.

1) Erreurs et graves occultations

Paul Pistre prend habilement soin de jouer les juges impartiaux d’un conflit qui n’a que trop duré. Au long de plusieurs pages il énonce avec une apparence d’équanimité les regrettables excès de part et d’autre qui ont marqué selon lui la rivalité entre l’Eglise et la loge. Hélas, cet homme qui s’affirme catholique et non maçon, n’explique pas sérieusement les raisons fondamentales de la condamnation de la maçonnerie depuis la bulle « In Eminenti » de Clément XII du 4 mai 1738 et sans cesse réitérée par ses successeurs jusqu’au « jugement négatif » exprimé le 26 novembre 1983 sous Jean-Paul II par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en raison des « principes inconciliables » de la maçonnerie avec la doctrine de l’Eglise. Au mépris de la vérité, il ose assimiler les opposants sérieux et motivés à l’entreprise maçonnique au provocateur et fabulateur Léo Taxil, qui a bien servi la propagande maçonnique. On trouvera dans mon livre les éléments essentiels de sa vie d’escroc. En revanche, pas un mot chez Paul Pistre de l’œuvre essentielle sur les « sociétés de pensée » et donc sur la maçonnerie du grand historien et sociologue Augustin Cochin, un catholique admirable de sainteté et d’héroïsme, mort au champ d’honneur le 8 juillet 1916, quoique encore en convalescence, après être reparti au combat comme il l’avait déjà fait à deux reprises après ses blessures. Et si l’on organisait, cher père Debergé, un colloque sur Augustin Cochin à l’Institut Catholique de Toulouse ? Je vous y amènerai, je vous le promets, de grands historiens.
Paul Pistre amalgame vraiment sans le moindre scrupule d’honnêteté (à moins qu’il ne faille excuser une crasse et impardonnable ignorance chez cet expert) Taxil à l’abbé Augustin Barruel, célèbre auteur, certes longtemps très maçonniquement décrié, de « L’histoire du jacobinisme ». On peut certes contester certains aspects de l’œuvre de Barruel mais Paul Pistre pourrait au moins ouvrir l’article que lui consacre la très maçonnique « Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie », accessible dans la collection Livre de Poche. Il y lirait que « le procès qu’on lui a fait doit être inscrit en révision ». Il y a évidemment de vrais historiens francs-maçons et honnêtes, nous le reconnaissons bien volontiers par delà nos divergences. On en a édité, jadis, chez Privat.
Paul Pistre devrait pour le moins apprendre que, réfugié en Angleterre pendant la Révolution, l’abbé Barruel, jésuite, écrivit son œuvre chez son ami le grand chroniqueur et historien anglais Edmond Burke, qui lui-même était franc-maçon comme longtemps tant d’autres intellectuels non catholiques au Royaume-Uni.
Paul Pistre pourrait au moins apprendre que l’abbé Barruel consacra presque toute son œuvre à un rameau de la maçonnerie, les fameux « Illuminés de Bavière », ces nihilistes et fanatiques révolutionnaires qui obéissaient aveuglément à leur gourou Adam Weishaupt. L’auteur de l’encyclopédie maçonnique écrit que l’on ne saurait contester l’importance des informations acquises et transmises par l’abbé Barruel. Rien que sur ce cas, l’historien Paul Pistre est gravement disqualifié.
Alors on ne s’étonnera pas que sur les origines de la franc-maçonnerie il ne dévide que des lieux communs sans mettre du tout en lumière le phénomène subversif essentiel, mais sans doute ne l’a-t-il pas saisi, ce qui était pardonnable pour les maçons qui au XVIIIe et XIXe siècle n’avaient pas de recul suffisant. Ce phénomène de subversion c’est le passage de l’ancienne maçonnerie dite « opérative » à la maçonnerie dite « spéculative ». L’ancienne maçonnerie (celle des « old charges », les anciens devoirs) était en effet une institution catholique ayant à la fois pour but d’éduquer religieusement et moralement en premier lieu les apprentis, d’en faire des compagnons travaillant auprès de maîtres qualifiés. Leurs locaux de réunion et de travail étaient appelés ateliers ou encore loges. Mais Paul Pistre a-t-il seulement lu les textes et notamment le « Regius » de cette vieille maçonnerie née sur les chantiers de la cathédrale d’York où l’on commentait la messe et apprenait à prier, d’évidence sous la houlette de moines de grande intelligence éducative.
Mais peu à peu, ces loges, dans les convulsions des guerres religieuses et dynastiques des Iles britanniques, se mirent à accueillir de plus en plus de visiteurs dits « maçons acceptés », trouvant là des lieux discrets, propices à l’expression de leurs réflexions spéculatives et aussi de leurs complots politiques. Au lieu de bâtir des cathédrales, on s’avisait là de vouloir bâtir un monde nouveau, on n’y « planchait » plus sur des plans mais sur des utopies. Et des aristocrates qui s’ennuyaient, dépossédés par la bourgeoisie, le plus souvent libertins et agnostiques, fabriquaient de plus en plus les fictives et mirobolantes hiérarchies maçonniques aux titres si grandiloquents qu’ils en sont souvent grotesques (« Chevalier du Serpent d’Airain », « Sublime Prince du Royal Secret », etc…) De là allait naître et se développer les habitudes de falbalas maçonniques, de « cordonnite » et de recherche de grades au demeurant très couteux à obtenir. La maçonnerie rompait aussi avec la soumission au réel, elle n’était plus « opérative », elle n’était plus celle du travail et de la prière, elle devenait « spéculative ». Ce fut, dit-on (car tout est sujet à caution dans l’histoire maçonnique qui toujours se mêle au légendaire), le 24 juin 1717, à Londres, que quatre loges constituèrent la Grande Loge de Londres qui allait devenir la Grande Loge d’Angleterre, désormais mère de la franc-maçonnerie. C’est la date en quelque sorte officielle de la révolution maçonnique.
La maçonnerie était devenue de moins en moins catholique, elle devint de moins en moins chrétienne. Elle était de plus en plus vaguement spiritualiste ou déiste, et puis, en France notamment, elle prit souvent le tour d’un athéisme militant férocement anticatholique.
Selon les obédiences et les loges, on s’ouvrit à toutes les spiritualités, à toutes les légendes les plus fantasmagoriques sur ses origines. Selon les imaginations, ses racines égyptiennes, phéniciennes, templières, développant un symbolisme selon les cas dérivé du zoroastrisme, de la Bible, des sectes pythagoriciennes ou hermétistes, de l’alchimie et de la kabbale. On y utilisa grandement le personnage de Hiram, sans toujours préciser lequel (le roi de Tyr ou le fondeur de la « mer » du Temple de Jérusalem). On y fit largement appel à Salomon, ce qui permet au père Maldamé de voir là « une piste de recherche en commun » (sic !) entre catholiques et frangins. Ce bon père au demeurant très œcuméniste et même adepte du dialogue inter-religieux et inter-spiritualiste semble ignorer combien Salomon est exécré par les rabbins du judaïsme traditionnel pas tellement pour ses péchés multiples toujours pardonnables, ni pour l’importance de son fabuleux harem mais pour avoir épousé une fille de Pharaon, « une étrangère » !
On le voit, Paul Pistre se moque vraiment du monde dans ses pages où il nous assène la communauté de culture biblique des catholiques avec les francs-maçons. Car la maçonnerie fait son miel de tout dans le fatras de son multi-ésotérisme, de ses gnoses et légendes qui permettent à chaque obédience d’élucubrer à son gré et de concocter les rituels les plus vaticinants et souvent désopilants. Le problème n’est-il pas en effet ce que l’on fait de la Bible et de l’Ancien Testament, de l’Evangile et du Christ ?
Regroupés dans leurs loges et obédiences, pour leurs planches et leurs spéculations selon leurs différents rites, les frangins se retrouvent surtout dans des fraternelles professionnelles inter-obédiencielles.
Dans les loges, du moins les plus importantes, les plus sélectives, on fait le travail sérieux. On y concocte les lois essentielles avec « un fil direct » de relation avec l’Elysée comme l’affirme, toujours si suffisant et plein de lui, l’ancien Grand Maître Alain Bauer, conseiller en choses multiples, voire en toutes choses, de Nicolas Sarkozy. De même qu’une multiplicité de ses prédécesseurs, Bauer exalte la maçonnerie comme « la secrète religion de la république ». Est-ce que cela est bien conforme à la religion du Christ, dont Blaise Pascal rappelle qu’elle n’est pas celle des savants, et donc pas celle des initiés mais selon le Christ lui-même, celle « d’Isaac et de Jacob », celle du peuple ? Est-ce que cela est bien conforme à un bon fonctionnement de la démocratie ? Paul Pistre ne semble ne s’être jamais soucié de cela. On ne trouve nulle part dans ses pages la question fondamentale de la perniciosité en tous domaines de l’influence des hiérarchies parallèles qui vicient la république et la démocratie. La maçonnerie ne cesse de secréter ainsi sous nos républiques le système de ses hiérarchies parallèles comme autant de pouvoirs invisibles donc n’ayant pas de compte à rendre. Ceci, redisons-le, est le contraire même de tout sain gouvernement et, a fortiori, de l’exigence de visibilité d’une démocratie authentique.
La maçonnerie où les grades supérieurs orientent les travaux des degrés inférieurs, selon les méthodes d’utilisation des lois de la dynamique des groupes, est ainsi devenue fondamentalement une institution où la manipulation est devenue un art. Le brave père Maldamé était certainement, on veut bien le croire, totalement ignorant de ces choses tandis que les frères à la tribune, si évidemment satisfaits, jouissaient particulièrement en un lieu officiellement catholique de leur connivence manipulatrice.
Loin de prendre en considération ces évidentes et à vrai dire insurmontables difficultés pour une fusion maçonnico-catholique, Paul Pistre, selon son pitoyable procédé de discréditation des adversaires de la maçonnerie par l’amalgame, sans la moindre vergogne, les assimile par trois fois dans son bouquin aux adeptes des célèbres « Protocoles des sages de Sion ». Il faut vraiment être un fanatique maçonophile comme lui pour oser cela, ce qu’aucun franc-maçon honnête et loyal n’oserait. Et Pistre affirme qu’il n’est pas un frangin ! Après tout, peut-être est-ce vrai ? On n’a peut-être pas voulu en loge de ce brave instituteur « catho », si fanatiquement, si amoureusement, si extrémistement pro-maçon, si utile pour faire à l’extérieur du temple, le boulot de sape du catholicisme et d’encensement de la puissance maçonnique. Pour ce qui est des fameux Protocoles, rappelons qu’il s’agit d’un document très certainement concocté dans un procédé de désinformation par d’habiles spécialistes de propagande noire de la police secrète tsariste, longtemps interdits en France sous peine de prison, qui fut propagé d’abord au début du XXe siècle puis massivement par l’Allemagne nazi et aujourd’hui partout dans les pays d’islam avec un effort particulier de l’Iran. On y révèlerait, à ce que j’en ai lu, car je l’avoue je ne les ai jamais eu entre les mains(2) pour en juger par moi-même, un mirobolant complot des grands maîtres du judaïsme pour asservir un jour le monde par les puissances entre leurs mains de l’or et des médias et de toutes les corruptions possibles. L’actuel propagandiste des Protocoles et autres théories complotistes est l’inénarrable Thierry Meyssan, militant du prosélytisme homosexuel, animateur du réseau Voltaire contre la venue en France de Jean-Paul II, initié au Grand Orient De France et qui a fait ensuite fortune en développant que les attentats du 11 septembre étaient le fait des services secrets israéliens ou américains. Thierry Meyssan était aussi l’agissant prosélyte de l’association David et Jonathan qui défile à la Gay-Pride, avec de petits enfants sur des camions décorés de gaze rose et bleue. Et voici que dans son bouquin lancé, redisons-le, à l’Institut Catholique de Toulouse, présenté au monastère bénédictin d’En Calcat, Paul Pistre présente cette charmante officine comme liée à la structure de l’Eglise, « un mouvement homosexuel ouvert à toutes et à tous » (p.23).
Monsieur Pistre, ni les papes, ni moi, ne puisons nos réflexions dans les Protocoles, si tant est, ce que je ne sais pas encore, qu’ils traitent de la maçonnerie. Comme je crois savoir que les Frères Musulmans les diffusent largement, peut-être Tariq Ramadan, le petit-fils de leur fondateur, Hassan Banna, invité plusieurs fois il y a quelques années à l’Institut catholique, en a-t-il laissé quelques exemplaires ? Monsieur le recteur pourrait dans ce cas avoir l’amabilité de m’en offrir un pour combler un trou de mon inculture en ce domaine ? Cela dit, dans tous les livres historiques de référence sur la franc-maçonnerie, je n’ai trouvé de considération sur ces fameux Protocoles, ni dans l’Encyclopédie, ni dans l’œuvre de Pierre Chevallier, ni dans celle de Paul Naudon, ni dans Alec Mellor, ni dans Daniel Ligou (édité chez Privat) ni dans Faucher. Encore une fois, il faut le soi-disant non-maçon Paul Pistre pour utiliser cette vraiment grosse ficelle d’amalgame pour discréditer l’opposition à la maçonnerie.
En revanche, on ne trouvera dans la prose de Paul Pistre, rien qui fasse allusion aux pages les plus noires de certaines dictatures maçonniques. Rien sur le Mexique dans les années 20 avec son gouvernement de francs-maçons férocement anticatholiques. A force de persécutions se produisit le soulèvement des « cristeros » qui se termina par leur odieux massacre en 1930, au mépris de la parole donnée, après qu’ils eussent, sur la demande du pape, déposé les armes.
Aucune allusion non plus sur le rôle de la franc-maçonnerie dans le régime des jeunes-Turcs, organisateurs du génocide des Arméniens et des autres chrétiens de Turquie. Quand j’évoque rapidement cela pour que l’on cesse d’exiger toujours plus de repentance à l’Eglise catholique sans jamais en demander à la franc-maçonnerie, Paul Pistre proteste, Rouch s’indigne : « De quoi parlez-vous, ça suffit maintenant ». Pourtant, seuls les ignorants de l’immense ampleur de la shoah arménienne, indépassable en cruautés indicibles et systématiques, ne savent pas que tous les principaux hommes forts du régime Jeune-Turc étaient des francs-maçons. Cela est dit honnêtement encore dans l’Encyclopédie de la franc-maçonnerie. On le présente en effet comme un « Etat maçonnique » (p.257). Rappelons ici que l’exterminationnisme efficace des Jeunes-Turcs fut vanté et pris pour modèle par Hitler. Cela dit, pas plus que les opposants à la maçonnerie ne sont des propagandistes des Protocoles des sages de Sion, les francs-maçons ne se font aujourd’hui les avocats des Jeunes-Turcs.
Certes Paul Pistre ne passe pas sous silence les lois dites de séparation de l’Eglise et de l’Etat décidées par la IIIe république radicale et maçonnique à la charnière des XIXe et XXe siècles. Il se garde bien de les évoquer comme elles furent, c'est-à-dire des lois d’odieuse persécution non seulement anticléricale mais antireligieuse avec leurs mesures d’expropriations et d’expulsions. Elles avaient comme soubassement une féroce haine contre Dieu exprimée entre autre par le ministre René Viviani exaltant « l’œuvre d’irréligion » et osant, le pauvre, si oublié aujourd’hui, déclarer :
« Ensemble et d’un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qu’on ne rallumera plus ».
Pour ce qui est de la période 1939-1945, Paul Pistre et le frère Rouch n’ont eu que la ressource de ne point écouter les rappels pourtant rapides par lesquels je voulais tout de même compléter et rectifier quelque peu leurs propos si sélectifs et même amputatifs de la réalité historique. Le régime de Vichy fit procéder à la dissolution des loges. Il le fit, il faut le rappeler avec la collaboration de nombreux maçons et non des moindres, comme le haut dignitaire Marcel Peyrouton fait ministre de l’Intérieur de Vichy en septembre 1940, pour des raisons qu’on peut lire par ailleurs. Paul Pistre évoque les 550 maçons qui périrent du fait de leur qualité de juifs ou de leur engagement dans la résistance. Mais il omet de rappeler qu’autour de l’homme d’Etat radical-socialiste Pierre Laval, chef du gouvernement, nombreux étaient ses protégés francs-maçons et notamment ceux qui gravitaient autour de l’ancien numéro deux du parti socialiste Marcel Déat, devenu le chef du parti collaborationniste R.N.P. Ils pouvaient trouver aussi quelques protections auprès de l’ambassadeur d’Hitler à Paris, Otto Abetz, qui avait lui-même été initié. Comme le rappelle avec raison le talentueux journaliste Eric Zemmour, la résistance fut d’abord le fait de nationalistes très souvent issus de l’Action Française ou de la Cagoule (Jacques Perret, le colonel Rémy, d’Estienne d’Orves, Jean-Baptiste Biaggi, Guillain de Bénouville, Marie-Madeleine Fourcade et même plus tard un certain François Mitterand, etc…). En revanche, dès 1940,  c’est la gauche « pacifiste » qui fournit autour de Doriot et de Déat le plus gros des militants collaborationnistes parmi lesquels nombre de maçons en rupture définitive ou provisoire avec leur appartenance. Lorsque j’évoquais le cas du grand franc-maçon et historien de la maçonnerie, Jean-André faucher, jeune militant doriotiste, condamné à mort par contumace en 1945, puis arrêté en 1948 et détenu pendant quatre ans, quelle ne fut pas la colère de Paul Pistre et du frangin Rouch ! Ils se mirent à me répondre n’importe quoi. Pourtant, à la lumière de l’œuvre et de la vie de ce personnage hors-norme et haut en couleur de la franc-maçonnerie, si proche de son cousin François Mitterrand qui le décora de la Légion d’Honneur, on pourrait mesurer combien certaine propagande maçonnique révise ou oublie très sélectivement l’histoire. Cela, on peut mieux le vérifier en lisant ce que je consacre dans mon livre à cet étonnant « frangin » qui réussit le tour de force d’être successivement ou simultanément un grand initié de la Grande Loge de France dont il fut Grand Chancellier et  un historien réputé, auteur entre autre du livre très instructif « Les francs-maçons et le pouvoir », un journaliste talentueux sous différents pseudonymes dans des journaux de gauche mais devenant ensuite… le rédacteur en chef de Valeurs Actuelles ! Diable de frangin qui écrivit ses derniers papiers sous le pseudo de Phileas Fogg dans l’hebdomadaire du Front National, National-Hebdo, et qui fut encore un conseiller de Michel Rocard dans les négociations de paix ( ?) en Nouvelle-Calédonie dont les protagonistes étaient presque tous, eux aussi, des « frangins ».
On cherche en vain encore dans Paul Pistre qui se proclame catholique, la moindre considération sur la compatibilité du phénomène maçonnique avec la doctrine sociale de l’Eglise. Car l’Eglise n’a pas seulement condamné la maçonnerie pour son refus très dogmatique des dogmes catholiques. Elle l’a explicitement condamnée aussi pour ses agissements dans le culte du secret. Paul Pistre ne dit rien de ce problème du secret qui n’est pas du tout, bien sûr, celui de la discrétion dans les relations personnelles qui ne saurait être tenu pour répréhensible mais qui est une qualité. Les maçons, comme un seul homme, disent tous en riant que « le secret maçonnique c’est qu’il n’y a pas de secret ! » Pourquoi alors dans leur initiation ce serment d’obéir et d’obéir sans que l’on dise à qui et sur quoi ? Là est en effet le secret. Pourquoi ces gestes qui ne sont pas anodins pour signifier que si on viole les secrets de la maçonnerie on s’expose à l’égorgement ? Folklore symbolique et initiatique dira-t-on ! Le moins qu’on puisse dire est que cette liturgie n’est tout de même pas très catholique. Observons au passage ceci sur l’initiation. Ne se présente-t-elle pas d’une manière saisissante comme une inversion mimétique de l’ordination catholique ? Voilà ce qui pourrait susciter chez le père Maldamé une piste de réflexion plus sérieuse que Salomon pour dialoguer avec les francs-maçons. Ne pourrait-on pas sur ce point majeur de l’inversion mimétique inviter au dialogue le grand philosophe catholique de l’Académie Française René Girard ? Quant à l’exigence du secret, sa perversion se lit à l’évidence dans les rituels d’initiation de toutes les obédiences. Non encore une fois il n’est pas acceptable de jurer obéissance à des supérieurs sans qu’on les connaisse et sans qu’on dise en quoi on doit leur obéir. Cela n’est pas très catholique et c’est aussi très exactement contraire aux droits de l’homme ! Cela ne relève-t-il pas des formes d’allégeance dans les sectes ?

2) Le déni de réalité, le déni de vérité

En occultant de pareilles choses, dans ses écrits et dans le débat interdit, Paul Pistre néglige le fait que ce ne sont pas dans des textes bidonnés qu’on les dénonce mais aujourd’hui dans des magazines et des médias peu suspects de puiser leurs sources dans les Protocoles ou dans les élucubrations de Taxil.
A vrai dire, objectivement, Taxil est très utile pour évacuer les critiques et les vrais débats. Or la question des relations avec la maçonnerie ne doit pas seulement pour les catholiques qui sont aussi des citoyens, être restreinte à celle des rapports entre l’Eglise et les loges. Cela c’est le piège !
Les cathos souvent plein de bons sentiments peuvent en effet se laisser prendre au miel de l’humanisme maçonnique sans savoir le cyanure qu’il recèle. Mais pour dire non à l’influence maçonnique sur l’Etat et la société il n’est pas nécessaire d’être catholique. Il suffit d’abord à vrai dire d’être vraiment laïque, d’être véritablement républicain. Il suffit de comprendre comment aucun Etat, aucune institution, aucune entreprise ne peut bien fonctionner sans hiérarchies claires, sans visibilité, sans être la proie des groupes de connivences, de hiérarchies parallèles. Voici d’ailleurs ce qu’en Angleterre la gauche travailliste ne supporte plus et que conteste aussi, (mieux vaut tard que jamais), l’Eglise anglicane (Pistre le note, rendons lui acte !), par ailleurs très alertée sur d’étranges rites dans certaines loges.
Bien sûr il y a ensuite la question fondamentale des lois de culture de mort, antichrétiennes certes mais tout bonnement antihumaines, préparées, imposées par la Grande Loge de France comme par le Grand Orient et par bien d’autres obédiences encore.
Refusant les vraies questions, Paul Pistre ne peut tromper que des lecteurs sans grand sens critique. Patelinant comme pas un, il renvoie dos à dos le catholicisme et la maçonnerie dans leur querelle historique. Mais tout son livre suinte du dépit que l’Eglise, contre vents et marées, en dépit des manœuvres de tous les clercs et évêques mondains maçons ou maçonnisants, condamne la maçonnerie. Il voudrait qu’elle la rejoigne, qu’elle l’embrasse, qu’elle s’ouvre. Voyez, dit-il comme la franc-maçonnerie est forte et belle et en harmonie avec l’évolution de la société. Et d’ailleurs écrit-il, n’y a-t-il pas eu des catholiques à avoir été et à être initié ? Et alors ? La belle affaire ! Comme s’il n’y avait pas eu toujours des catholiques d’esprit léger, peu cohérents ou de peu de foi, à se laisser entraîner dans de mauvaises voies, religieuses, politiques ou sociales.
Dans la franc-maçonnerie, que de braves frères, chrétiens ou non, ont été tout contents d’être accueillis dans l’ambiance de fraternelles agapes sans rien comprendre du système de manipulation et d’influence dont ils constituaient la masse de manœuvre.
Paul Pistre martèle son idée de la compatibilité maçonnico-catholique. Pour cela il utilise la bonne vieille méthode des cas et des témoignages : c’est la grosse ficelle amplement utilisée jadis par les communistes. Exemple : « Dupont est catholique et il est aussi un militant communiste. Donc le catholicisme et le communisme sont compatibles ». L’Humanité et toute la presse communiste et celle de leurs compagnons de route, les « gogos utiles » selon l’expression de Lénine, regorgèrent de ce procédé.
Pire encore, prenant vraiment ses lecteurs pour des ignorants, voire des imbéciles, Paul Pistre ose écrire une page intitulée : « Trois chrétiens chez les maçons ». Ici la rouerie est grossière.
- Le premier cas est celui d’un héroïque curé, l’abbé Gallot, guillotiné le 21 janvier 1793, comme Louis XVI, pour avoir refusé le serment constitutionnel. Il était en effet franc-maçon comme nombre de clercs et d’aristocrates qui n’avaient vraiment rien compris à ce qu’était la franc-maçonnerie. Et elle était chose nouvelle, introduite depuis peu en France, ils y entraient comme dans un club à vocation culturelle et humanitaire. Au-dessus d’eux, mais ils ne le savaient pas, étaient les loges dirigeantes comme celle des Neufs Sœurs qui réunissait toutes les têtes pensantes de la révolution et les futurs guillotineurs qui allaient aussi d’ailleurs très souvent se faire guillotiner à leur tour comme le Grand Maître de la maçonnerie, cousin du Roi dont il vota la mort, l’ignoble Duc d’Orléans devenu Philippe-Egalité.
- Le second cas, Paul Pistre l’emprunte à Jean-André Faucher dans son Histoire de la maçonnerie. C’est celui du général de Sonis, futur commandant des Zouaves Pontificaux. Paul Pistre qui se dit historien de la maçonnerie régionale ne peut ignorer que Sonis qui avait maçonné à la loge de Castres, quitta la maçonnerie quand il comprit ce qu’elle était.
- Le troisième cas qu’il ose invoquer est celui de l’abbé Théodore Simon Ratisbonne, célèbre fondateur de la congrégation de Notre-Dame de Sion dont la vocation était la conversion des Juifs. Avant de se convertir au catholicisme, ce jeune homme  d’une grande famille juive avait en effet été initié en loge. En devenant catholique, il manifesta avec vigueur son repentir pour son ancienne appartenance.
Quand on considère l’acharnement de Paul Pistre à militer pour la légitimité de la double appartenance catholique et maçonne, comment croire qu’il n’ait pas lui-même donné l’exemple, comment croire qu’il ai vraiment résisté à la tentation de l’initiation, à celle des agapes, avec ses frères maçons ? Ce n’est pas crédible ! Ou bien il dissimule son appartenance ou bien il est skyzophrène ?
Il se moque encore du monde et prend vraiment ses lecteurs pour des poires lorsque, sur la maçonnerie, il écrit un chapitre intitulé « La famille spirituelle la mieux connue de France ». Là on peut penser que vraiment il se plait à pousser le bouchon un peu loin, qu’il plaisante. Et nous, nous ne pouvons que nous esclaffer. A l’appui de son assertion il ne fournit en effet que des chiffres d’adhésion. La mieux connue vraiment ? Comme si l’on connaissait bien un peu partout la réalité de ce qui se fait dans les loges, de leur symbolisme, de leur ésotérisme, de leur apprentissage de la gnose, de leur visée sociale et politique et de surcroit dans le respect du principe fondamental du secret dont Paul Pistre ne dit rien. Si l’on peut vraiment douter de sa non-appartenance à la maçonnerie, on peut en revanche vraiment s’interroger sur son catholicisme. Ainsi, pas un mot de restriction critique lorsqu’il constate l’influence de la maçonnerie : « dans le domaine de la bioéthique – le Planning familial, l’interruption volontaire de grossesse, l’homosexualité, le droit de mourir dans la dignité – elle se trouve en phase avec les aspirations de la société contemporaine ». Observons qu’il parle comme les maçons, non pas d’avortement mais d’IVG. Il parle comme les maçons « du droit de mourir dans la dignité ». Prête t-on vraiment attention à l’odieux de cette expression comme si la personne qui mourait dans la dépendance ou l’inconscience mourait dans l’indignité ! C’est la langue du meilleur des mondes après avoir été celle de la dialectique nazie. C’est bien la langue de l’homme maçonnique de haute initiation qui se veut maître de la vie et de la mort. Paul Pistre, à ma question sur le rôle majeur du docteur Simon, Grand Maître de la Grande Loge de France, père de la loi Chirac-Veil sur la banalisation de l’avortement, m’a répondu qu’il était un grand médecin. Peut-être après tout n’a-t-il pas lu de ce personnage le livre très révélateur et cyniquement intitulé « De la vie avant toute chose ». Je l’ai longuement commenté dans mon livre car Simon exprime vraiment là sa conception d’une société qui a le droit de décider de la vie et de la mort selon les impératifs de la politique démographique et économique. Le docteur Simon s’affirmant d’abord scientifique, rationaliste, positiviste confie ensuite combien à un niveau supérieur il est imprégné d’ésotérisme, de gnose et de Kabbale. Il faut pour le comprendre avoir en effet un peu étudié le Zohar et quelques autres textes dont Pistre n’a peut-être pas fait ses lectures préférées.
Dans un autre chapitre, il étudie les relations de la franc-maçonnerie avec les religions autres que la catholique. Il entend par là les relations avec les protestants et les juifs. Ce qu’il écrit serait strictement sans intérêt si nous ne notions pas qu’il passe complètement sous silence le fait de savoir pourquoi les juifs adhèrent surtout à une forme spécifique de maçonnerie qui leur est strictement réservée, celle des « Bnaï Brith ». La vérité c’est que pendant longtemps les juifs, comme les Noirs, furent interdits dans la plupart des loges notamment en Amérique.
Paul Pistre en revanche n’aborde même pas l’affirmation réitérée par une kyrielle de Grands Maîtres jusqu’à Alain Bauer selon laquelle « la maçonnerie est la secrète religion de la république ». Elle n’est pas en effet celle de la transparence.
Paul Pistre aime que les catholiques soient dans les loges. Mais que pense-t-il alors du reportage (Cf note 1), où l’on voit et entend le frère Caillavet embrassant le nouvel impétrant qui vient d’être initié et lui faisant jurer « de ne jamais plus mettre genou à terre ». Paul Pistre comme le frère Rouch sait bien ce que cela signifie. Ce refus de l’agenouillement c’est le refus de Dieu.
J’ai, l’autre soir, évoqué très rapidement aussi le nom d’Albert Pike. Pour Pistre qui en a entendu parler, il lui suffit de dire que le bouffon Léo Taxil le désignait comme un « supérieur inconnu ». C’est un peu court. Car Albert Pike est un auteur maçon très important et dont on peut voir la statue que les frères du Rite Ecossais Ancien et Accepté ont érigé en 1901 en son honneur à Washington. Cela les honora car ils témoignaient ainsi de ce que les haines de la guerre de Sécession n’avaient plus cours au moins en maçonnerie. Pike en effet avait été un général de l’armée du Sud et un des sept fondateurs du Ku Klux Klan. Son œuvre est ensuite immense, à elle seule elle témoigne de ce que la franc-maçonnerie n’est évidemment pas la famille spirituelle la mieux connue de France ! Mais nous en reparlerons une autre fois, peut-être, si à l’Institut Catholique de Toulouse, monsieur le recteur Debergé s’avisait d’organiser un véritable colloque scientifique sur la franc-maçonnerie. On pourrait notamment y aborder la question de la compatibilité de son symbolisme, de son ésotérisme, de sa culture du secret et de son influence sur les gouvernements et les lois avec la doctrine catholique. On pourrait y étudier aussi la question de savoir si plus d’un siècle après les lois de séparation de l’Eglise et de l’Etat,, il ne serait pas bon  de se pencher sur la question de la séparation de la franc-maçonnerie et de l’Etat.

Bernard Antony

1 - « Frangin » est le terme affectueux par lequel les francs-maçons se désignent entre eux. Ainsi dans le film de Pascal Catuogno édité par T.V. Presse et sélectionné par Le Point, peut-on voir et entendre le grand dignitaire Henri Caillavet, illustre politique radical-socialiste, demander avant de signer ses livres : « Es-tu frangin ? ».
2 – Le hasard fait bien les choses. Voilà que j’apprends que leur interdiction a été levée et qu’ils viennent d’être réédités par l’éditeur Philippe Randa, frère de la GLNF.