Nos remarques porteront sur ce qui a spécifiquement trait à l’islam et au christianisme dans cet entretien. Nous laissons pour l’instant de côté les autres considérations souvent très contestables aussi. Nous restituons en italique les extraits des questions et réflexions des interrogateurs de Flash Magazine, qui ont appelé les réponses de Jean-Marie Le Pen que nous publions en gras. Nos commentaires sont en caractères romains.
Bernard Antony
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"À l’époque, Mikhaïl Gorbatchev aurait dit aux Américains, juste après la chute du mur : « Nous venons de jouer le tour le plus pendable qui soit, nous vous avons privés de votre principal ennemi… » D’où la stigmatisation de l’islamisme, sorte de diable de substitution ?
Jean-Marie Le Pen : « C’est tout à fait ça ! D’ailleurs dans quelle mesure ce diable n’est-il pas instrumentalisé par la politique américaine ? Son émergence évidente participe plus, à mon avis, d’une poussée démographique que religieuse…"
Ceci n’est pas très clair, car si l’islamisme est instrumentalisé par les Américains et que son émergence a pour cause la poussée démographique, faut-il en conclure que les Américains favoriseraient ce phénomène ?
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"Jean-Marie Le Pen : J’ai milité pour que nous ne rompions pas les liens traditionnels de la politique française avec les pays de l’islam, qui restent d’ailleurs très différents, très divisés, derrière une Oumma qui est en fait beaucoup plus de façade que de réalité. "
Bien sûr qu’il faut conserver ces liens mais à quelques conditions de réciprocité… Jean-Marie Le Pen ne sait guère ce qu’est l’oumma ! S’il le savait, il saurait que c’est la valeur et la réalité la plus fondatrice de l’islam immédiatement après le coran. Elle est selon Muhammad « la meilleure communauté qui ait été produite pour l’homme ». Elle porte en elle l’élection divine et le discernement entre la croyance et l’infidélité, le Bien et le Mal. L’unicité divine, principe fondamental de l’islam va de pair avec l’unité des Musulmans dans la foi. Quels que soient les divisions et conflits au sein de l’islam, l’oumma (de umm, la mère) est le facteur d’unité qui les transcende. Le Dar al-islâm (le domaine de l’islam) en est la représentation concrète. Et les croyants doivent conquérir le Dâr al-kufr (le domaine de l’infidélité), afin d’installer l’oumma et ses valeurs, organisée dans tous les registres : religieux, social, économique et politique. L’oumma constitue donc aussi toujours et partout le principe fondamental de discrimination de l’islam. D’une part les croyants, de l’autre les infidèles, selon le statut de dhimmitude s’ils sont juifs ou chrétiens ou susceptibles de la peine de mort s’ils manifestent leur athéisme.
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"Jean-Marie Le Pen : L’Iran : ce pays n’a pas à être diabolisé."
Bien sûr que non, mais c’est son régime issu de la révolution sanguinaire de l’ayatollah Khomeiny qui est abominable, ajoutant au totalitarisme islamiste la dimension d’une particulière dictature de fanatiques, avec sa police omniprésente, ses répressions, ses pendaisons.
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"Quand les Américains nous vendent, clefs en main, un choc de civilisation entre Occident et Orient, le véritable choc ne serait-il pas plutôt entre les sociétés marchandes et mercantiles ?
Jean-Marie Le Pen : Tout à fait ! Ce clivage est essentiellement incarné par des anglo-saxons. "
Ces propos sont difficilement compréhensibles ! D’une part, on ne voit pas bien comment les Américains nous vendent, clefs en main, un choc de civilisation. On trouve là, à nouveau, le lieu commun de l’emploi du titre de l’ouvrage de Huntington dont on n’a généralement pas lu le contenu. Mais le choc entre les sociétés marchandes et les mercantiles, voilà ce que nous ne saisissons pas du tout ! Serait-ce que les Anglo-saxons seraient marchands et les musulmans mercantiles ? Je n’y comprends rien ! Mais l’évidence, c’est que l’islam fondé par le caravanier Muhammad était à ses origines au moins une société marchande, ou mercantile, comme on voudra. D’évidence aussi, les anglo-saxons s’entendent fort bien avec l’islam ! Le Royaume-Uni est en effet de plus en plus islamisé et même en voie de dhimmitude et l’Amérique avec Barack Hussein Obama et ses grandes mosquées ne me parait pas conduire une guerre anti-islamique.
"Vous avez été très lié avec l’ancien premier ministre turc islamiste Necmettin Erkaban. Peut-on en savoir plus ?
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JMLP : Il n’était pas pour l’entrée de la Turquie en Europe. Il avait une autre conception de la grandeur, plus ottomane qu’européenne. C’est assez compréhensible, même si cela heurte de plein fouet les intérêts anglo-saxons qui, en 1918, ont dépecé la Turquie, lui confisquant au passage tout son pétrole… J’ai toujours eu des relations assez amicales avec la Turquie, j’ai dû être un des premiers marins à naviguer sur leurs côtes. C’est un peuple courageux et travailleur. Mais ils ont plus d’affinités avec les Allemands qu’avec nous, comme on disait à la Légion étrangère. Ce sont des maîtres dans le travail du fer, du bois, du cuir. Ils maîtrisent la création d’objets, plus que nous. Pour résumer la personnalité de Necmettin Erbakan, il faut savoir qu’il s’agit d’un religieux, très profondément croyant, persuadé comme moi que l’islam risque de se corrompre dans la fréquentation ou dans l’intimité d’un Occident décadent."
Jugement assez hallucinant de Jean-Marie Le Pen ! Car la Turquie n’a pas été dépecée. Ce sont, nuance, les peuples de l’empire ottoman qui ont été libérés. Jean-Marie Le Pen avait-il ce jour-là abusé du raki ? Car il n’a tout de même pas été un des premiers marins à naviguer sur les côtes turques. Il y en avait eu déjà bien avant la guerre de Troie. Notons ici la grande sollicitude de Jean-Marie Le Pen pour la pureté et l’intégrité islamique. Cela est très émouvant.
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"Parlons franchement : y a-t-il incompatibilité entre les cinq piliers de la foi musulmane – profession de foi, cinq prières quotidiennes, ramadan, charité du vendredi, pèlerinage une fois dans sa vie à La Mecque – et le mode de vie français ?
JMLP : À mon sens, aucune. En principe, les religions chrétiennes étaient religions de paix, de fraternité et d’amour. Ça n’a pas empêché les catholiques et les protestants de s’égorger des siècles durant, tel qu’en Irlande aujourd’hui encore. Ainsi, le fait qu’il y existe un islam pacifique ne signifie pas pour autant qu’il le restera toujours. Et dans ces affaires, il ne faut pas non plus surestimer l’ingrédient religieux. La guerre d’Algérie n’a jamais eu de caractère religieux. C’était un mouvement laïc, nationaliste, socialiste. "
Notons que le troisième pilier n’est pas « la charité du vendredi » mais l’aumône (zakat). Passons. La réponse de Jean-Marie Le Pen est accablante. Car la profession de foi (shahada) « il n’y a de Dieu (Allah) que Dieu et Muhammad est l’envoyé (rasoul) de Dieu » est un véritable cri de guerre indéfiniment rejeté contre ceux que les musulmans appellent associationnistes, ou encore polythéistes, à savoir les chrétiens qui, selon eux, associent deux autres dieux à Dieu, ce qui selon le coran est le seul crime inexpiable. La grande historienne juive Bat Yé Or déclare pour sa part qu’elle est bien obligée de considérer que lorsque les chrétiens massacrent, ce n’est pas selon le modèle de l’enseignement du Christ, mais que lorsque les musulmans égorgent, ce n’est pas en rupture avec le modèle de Muhammad. Rappelons que ce dernier ordonnança lui-même les massacres du millier de juifs de Médine ou les tortures des chrétiens oklites.