Ce n’est pas sans émotion que je lis certains articles commémorant ce jour les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz.
Voilà 38 ans déjà, depuis qu’en 1987, avec toute une délégation de Chrétienté-Solidarité, nous avions quitté Gdansk, en état de siège, où nous avions rencontré la veille Lech Walesa dans sa clandestinité, et que nous avions traversé en autocar une bonne partie de la Pologne du nord au sud. Nous avions pénétré dans la ville d’Auschwitz épouvantablement triste en cette période de dictature communiste et de pénurie avec ses malheureuses échoppes presque toutes quasiment vides.
Nous nous étions ensuite rendus au Carmel jouxtant le camp d’Auschwitz, aujourd’hui fermé mais alors encore peuplé de ses religieuses, toutes sans exception parentes de déportés exterminés dans le camp.
Aujourd’hui, dans la page « Champ libre » du Figaro, Mayeul Aldebert évoque l’héroïque et sainte figure du capitaine Pilecki dont le fils encore vivant, âgé de 94 ans, tient entre ses mains un portrait photographique à la fois expressif de la noblesse d’âme et de la douceur de son père.
Aldebert rapporte que le jeune capitaine de cavalerie avait accepté avec d’autres officiers polonais la mission de construire l’armée secrète polonaise chargée de combattre simultanément les troupes d’occupation alliées d’Hitler et de Staline. À des fins de renseignement, il accepta alors d’exécuter l’ordre terrible d’infiltrer un camp de déportés non loin de Cracovie qui allait devenir le plus gigantesque des camps de la mort : le camp d’Auschwitz, ou plus exactement les camps d’Auschwitz. En ces lieux, écrit Aldebert, Pilecki fut à la fois témoin du pire et du meilleur dont l’homme est capable.
Il rapporta qu’après l’évasion d’un prisonnier les gardiens avaient selon le règlement du camp sélectionné aléatoirement en représailles 10 hommes pour être mis à mort par privation totale de boisson et de nourriture. C’est alors qu’un prêtre sortit des rangs et demanda à prendre la place d’un des suppliciés. Sans le savoir, Pilecki allait assister au sacrifice de Saint Maximilien Kolbe. Lui-même allait être un des rescapés d’Auschwitz.
Après la guerre, il reprend le combat, cette fois dans la résistance au régime communiste mais, héros de guerre, il devient un véritable danger aux yeux de ce régime. Il est finalement arrêté en mai 1948. Il subit alors du fait des communistes des tortures pires encore que les atrocités qu’il avait endurées à Auschwitz du fait des bourreaux nazis : « Empalé sur un atroce tabouret, ongles arrachés… condamné à mort, le capitaine Pilecki fut achevé d’une balle dans la nuque ». Réhabilité en 1990 après la chute du régime communiste, le capitaine Pilecki reçoit alors à titre posthume en 2008 la décoration de l’Aigle blanc, la plus haute décoration polonaise.
Aujourd’hui, une myriade d’écoles et de rues portent son nom mais son corps n’a jamais été retrouvé malgré les campagnes de fouilles. À l’issue de sa parodie de procès, Pilecki avait déclaré : « J’ai essayé de vivre ma vie de telle sorte qu’à l’heure de ma mort je préfère ressentir de la joie que de la peur ». Aldebert conclut son article : « Pour lui, cela ne fait pas de doute : il sera canonisé un jour ».